Cinq mois avant la COP30, le Brésil met aux enchères des concessions pétrolières et gazières
Voilà un sophisme dont le Brésil se serait bien passé : le pétrole permettrait d’accélérer le développement économique du pays et donc in fine de financer sa transition énergétique. Cette doctrine, défendue y compris par le président Lula, se concrétise ce mardi à Rio de Janeiro.
L’Agence nationale du pétrole y organise des enchères pour l’obtention de concessions de 172 blocs d’exploration d’hydrocarbures, soit 146 000 kilomètres carrés, situés sur terre et en off-shore, dont 47 blocs rien que dans l’embouchure de l’Amazone, au large des États d’Amapa et de Para. Shell, ExxonMobil, Total ou encore la compagnie publique brésilienne Petrobras… une trentaine de sociétés ont répondu présente à l’adjudication.
Alors que la COP30 de Belém (Amapa) approche à grands pas, les défenseurs de l’environnement jugent que la crédibilité du Brésil en matière climatique est sérieusement entachée. « Lula mise sur l’expansion du pétrole et du gaz pour stimuler la croissance économique, analyse Joachim Roth, membre de World Benchmarking Alliance. Ce pari ne peut s’avérer payant dans un monde en dangereuse surchauffe. »
Le double discours du quatrième exportateur mondial de pétrole
D’après l’Institut ClimaInfo, le potentiel d’exploitation de ces 172 blocs – 24 milliards de barils au total – est tel qu’il engendrerait plus de 11 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. C’est plus que ce que l’agro-industrie brésilienne a émis au cours des six dernières années.
« Le Brésil est en train de perdre une occasion historique de jouer un rôle de premier plan dans la décarbonation et la protection de la planète, fustige Suely Araujo, coordinatrice des politiques publiques à l’Observatorio do Clima. En pleine crise climatique, elle crée des fissures irréparables. »
L’ambivalence du président Lula sur le climat est en cause et traduit des contradictions plus larges qui traversent l’ensemble de la gauche brésilienne. « Les forêts tropicales sont poussées à leur point de non-retour. L’océan est fiévreux. (…). La science prouve que la cause de cette maladie est le réchauffement climatique et l’utilisation de combustibles fossiles », martelait-il à Nice en préambule de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, le 9 juin.
L’ancien syndicaliste argue à raison qu’il incombe aux pays riches, en tant que principaux responsables de la crise climatique, de régler leur dette en finançant notamment la transition énergétique globale, même si le Brésil baigne de son côté dans l’exploration pétrolière depuis déjà soixante-dix ans. Il faut noter qu’au travers de la nationalisation du secteur pétrolier, cette politique avait alors permis de sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté.
Aujourd’hui, la mise en vente de ces nouvelles concessions a de quoi faire pâlir, d’autant que le pays a intégré l’Opep en février ; il est le premier producteur de pétrole d’Amérique latine et est même le quatrième exportateur mondial.
« L’utilisation du pétrole est un dilemme auquel le monde entier est confronté, mais il est injuste de blâmer uniquement les pays du Sud alors que les pays occidentaux en profitent depuis près de deux cents ans », répondait la ministre brésilienne des Sciences et secrétaire générale du Parti communiste (PCdoB), Luciana Santos, à l’Humanité .
S’agissant des 47 blocs prévus au niveau de la marge équatoriale brésilienne, Lucia Ortiz, membre des Amis de la Terre Brésil, précise que le ministère public fédéral a intenté une action en justice pour empêcher leur mise en vente, car celle-ci est réalisée « sans études préalables adéquates » et cause « une grave violation des droits fondamentaux, des engagements internationaux et de la législation brésilienne ».
Elle balaye surtout l’argument de l’opportunité économique dont bénéficierait le pays : les « infrastructures minières ou pétrolières pour l’exportation et le libre-échange des matières premières profitent aux grandes entreprises, mais pas à la population de la région. » Déjà victimes de la déforestation, les peuples autochtones d’Amazonie risquent ainsi d’être sacrifiés sur l’autel du profit.
La Terre de nos batailles
La justice climatique, c’est notre bataille. Celle qui relie luttes environnementales et sociales pour contrer un système capitaliste faisant ventre de tout. Du vivant, de la planète, de notre humanité.
Il n’y a pas de fatalité.
- Nous démasquons les manipulations des lobbies.
- Nous battons en brèche les dénis climatiques mortifères.
- Nous mettons en valeur les initiatives visant à réduire les inégalités environnementales et les fractures sociales.
Soutenez-nous.
Je veux en savoir plus