Masters 1000 de Rome : de retour après trois mois de suspension pour dopage, Jannik Sinner peut-il être performant dès sa reprise ?
Il est de retour sur le circuit. Contrôlé positif au clostébol, une substance interdite par l'Agence mondiale antidopage (AMA), en mars 2024, Jannik Sinner retrouve le circuit, au Masters 1 000 de Rome, qui débute mercredi 7 mai, sur ses terres, après trois mois de suspension (du 9 février au 4 mai 2025). L'Italien qui, malgré son éloignement forcé des courts, est toujours numéro 1 mondial avec 1 645 points d'avance sur son dauphin Alexander Zverev, n'a pas joué le moindre match depuis son titre à l'Open d'Australie, le 26 janvier dernier. Absent l'an dernier du tournoi romain, il n'a aucun point à défendre et donc tout à gagner devant son public.
Un rythme à retrouver
Une coupure synonyme de perte de rythme qui pourrait le pénaliser pour sa reprise, à en croire Guy Forget, ancien numéro 4 mondial et consultant pour France Télévisions. "Avec un arrêt aussi long, même s'il s'entraîne et qu'il joue, l'enchaînement des matchs va lui manquer, comme la confiance liée aux victoires qu'on accumule au fil des tournois", estime-t-il. Un avis partagé par Arnaud Clément, ex-top 10 et consultant pour franceinfo: sport.
"On dit souvent que rien ne remplace la compétition. Tu peux t'entraîner cinq heures par jour, et quand tu vas reprendre la compétition, ton corps ne va pas forcément réagir de la même manière qu'à l'entraînement. Et c'est vrai que trois mois d'arrêt, ça va être un moment un peu différent pour lui", souligne Arnaud Clément. "Je n'ai vraiment pas beaucoup d'attente, je veux retrouver les sensations de la compétition, voir mon niveau," a d'ailleurs concédé Jannik Sinner, mardi, en conférence de presse.
Gestion psychologique après trois mois de suspension
Au-delà du rythme, l'Italien aura aussi à gérer l'aspect mental de cette reprise dans un contexte de suspension pour dopage, dont l'affaire a été largement médiatisée bien au-delà de la sphère tennis. L'une de ses dernières prises de parole laisse d'ailleurs à penser qu'il a été atteint psychologiquement. "Une fois prise cette décision [de suspension], j'ai mis un peu de temps à me retrouver. D'autres choses se sont passées, au-delà de cette affaire, qui n'ont pas été simples pour moi, il me faudra encore un peu de temps pour digérer tout cela, mais je suis là", avait confié Jannik Sinner le 5 avril dans un entretien à Sky sport.
"Il y a eu un certain nombre de polémiques, certaines réactions de la part des joueurs, qui n'étaient pas ciblés contre Sinner directement, mais plutôt sur les instances et la manière dont elles ont géré la situation", observe Arnaud Clément.
"Être de nouveau face au public dans ce contexte ne sera peut-être pas facile à gérer. Peut-être pas chez lui à Rome, mais à Roland-Garros, cela peut être autre chose."
Arnaud Clément, ancien 10e mondialà franceinfo: sport
"La seule incertitude repose sur le fait qu'il reprenne à Rome, où il est attendu, analyse à son tour Paul-Henri Mathieu, ex-12e mondial. Il sait qu'il va être encore plus regardé. Il aura à gérer cette attente autour de lui. Il ne faut pas oublier qu'il est aussi jeune, même s'il a de l'expérience." S'il arrive à passer au-delà, "il peut bien jouer tout de suite. Je ne serais pas surpris qu'il le fasse tout de suite, ni même étonné qu'il remporte le tournoi", parie le capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis. "Mon objectif, c'est Roland-Garros, a assuré l'Italien. Je suis ici pour voir où j'en suis, pour essayer de passer mon premier tour, pas pour battre tout le monde, on verra après ce premier match où cela me mènera."
De la fraîcheur pour être performant sur terre
Paul-Henri Mathieu n'est d'ailleurs pas le seul à le voir gagner rapidement, tant son niveau tennistique est au-dessus des autres. "Il est capable de remporter Roland-Garros cette année, confirme Arnaud Clément. Il aura eu un temps un peu différent pour se préparer. Je dis toujours la même chose sur les immenses champions, et Jannik Sinner en fait forcément partie, c'est qu'ils sont meilleurs que les autres pour s'adapter aux différentes situations qu'ils rencontrent pendant leur carrière."
Ce temps hors circuit pourrait même lui donner un avantage sur ses concurrents, notamment sur sa fraîcheur. Le passage sur l'ocre, qui arrive très vite après la tournée américaine, laisse souvent des traces aux joueurs allant loin dans les tableaux à Indian Wells, et Miami.
"Quand tu as bien joué à Miami, tu as très peu de temps avant le début de la terre battue. Tu récupères à peine du décalage horaire, tu vas taper trois fois sur terre et puis tu es amené à jouer des matchs de haut niveau."
Arnaud Clément, ancien capitaine de l'équipe de France de Coupe Davisà franceinfo: sport
"Jannik Sinner n'a pas été confronté à cela cette année, poursuit-il. Il a pu ainsi travailler sur le foncier et des points techniques. C'est très rare d'avoir du temps pour travailler ces points-là lors de la saison. Il a aussi pu préparer son corps tranquillement à la terre battue et à ses spécificités." De quoi, malgré le contexte, sortir son épingle du jeu.
Sa reprise à Rome lui permettra de retrouver des sensations et de monter en puissance avant le point d'orgue de la saison sur terre à Roland-Garros. Selon son parcours en Italie, il aura aussi la possibilité de s'aligner à Genève (ATP 250) ou Hambourg (ATP 500) pour retrouver encore un peu plus de rythme avant Paris. "Il n'est toutefois pas à l'abri, sur un troisième tour, face à un joueur qui n'a rien à perdre, de mal commencer, de se frustrer et de se faire surprendre par manque de rythme", nuance Guy Forget, tout en assurant ne pas être "inquiet dans sa capacité à regagner des grands titres assez vite".
Ces premiers jours à Rome donneront, sans aucun doute, une tendance quant à ses capacités à moins de trois semaines du prochain Grand Chelem.