Manifestations à Los Angeles : qui est Gavin Newsom, l'ambitieux gouverneur de Californie qui a engagé un bras de fer avec Donald Trump ?

Est-il l'opposant à Donald Trump que le camp démocrate attendait ? Le gouverneur de Californie Gavin Newsom mène un bras de fer surmédiatisé avec le président américain depuis début juin. Au cœur de l'affrontement entre les deux hommes : la mobilisation de l'armée, décidée lundi 9 juin par la Maison Blanche, pour réprimer des manifestations organisées contre les expulsions de migrants à Los Angeles (Etats-Unis).

Depuis vendredi, la deuxième plus grande ville américaine est le théâtre de manifestations dénonçant les raids de l'ICE, la police fédérale de l'immigration, contre les sans-papiers. Même si la plupart des manifestants sont pacifiques, les rassemblements ont été émaillés d'affrontements sporadiques entre certains protestataires et les forces de l'ordre. Mardi, la maire de la ville, Karen Bass, a déclaré un couvre-feu. 

La décision de Donald Trump d'envoyer des milliers de militaires sur place est au cœur de la dispute en cours avec Gavin Newsom. Alors que le président américain a dit vouloir mettre fin à "l'anarchie" et prévenu qu'il ne laissera pas "une ville américaine être envahie et conquise par des ennemis étrangers", le gouverneur californien a dénoncé mardi lors d'une conférence de presse une "menace [visant] le fondement même de notre démocratie"

Une ambition à peine cachée pour 2028

Le démocrate de 57 ans, à la tête de l'Etat le plus peuplé et puissant économiquement des Etats-Unis, multiplie les attaques contre le milliardaire américain. Il a ainsi demandé à la justice, mardi, d'empêcher le déploiement des troupes fédérales à Los Angeles. "Donald Trump se comporte comme un tyran, pas comme un président", a-t-il dénoncé lors d'une conférence de presse.

En retour, le locataire de la Maison Blanche ne ménage pas non plus ses critiques. Le milliardaire, qui estime que Gavin Newsom fait un "boulot horrible", a estimé lundi que l'arrestation du gouverneur californien serait une "super" décision.

La bataille entre les deux hommes est une façon pour Gavin Newsom, selon de nombreux observateurs, de s'ériger en opposant principal au président républicain. Le démocrate a l'élection présidentielle de 2028 en ligne de mire. "Il est clair que sans Joe Biden et Kamala Harris, il aurait tenté d'être candidat en 2024", estime Seth Masket, politologue à l'université de Denver (Colorado), qui rappelle que le gouverneur avait tenté de se faire connaître au niveau national, notamment en débattant à la télévision avec le républicain Ron DeSantis.

Un démocrate modéré mais "pugnace"

Le gouverneur aux cheveux grisonnants fait partie des favoris pour l'investiture démocrate de la prochaine élection présidentielle. Né en 1967 à San Francisco, Gavin Newsom a d'abord été homme d'affaires avant d'être élu maire de sa ville natale en 2003 et réélu en 2007. Il s'était alors fait remarquer en reconnaissant des mariages de couples de même sexe, pourtant alors illégaux.

Père de quatre enfants, divorcé et remarié avec la documentariste Jennifer Siebel, il est à la tête de la Californie depuis janvier 2019. Excellent locuteur, "pugnace", "il a développé un style de rhétorique personnel très efficace, et est capable de sortir très rapidement des faits historiques et des statistiques lors d'une interview ou d'un débat", note Seth Masket. Des qualités utiles, en plein match verbal avec Donald Trump. 

Si Gavin Newsom a mis l'accent sur certaines priorités de gauche, comme l'avortement, en permettant notamment l'inscription de ce droit dans la Constitution californienne en 2022. Il s'est également illustré par la force des mesures prises en 2020 pour lutter contre le Covid-19. Il est perçu comme modéré au sein de son parti, une rareté pour un démocrate californien.

Des critiques au sein de son camp

L'affrontement avec Donald Trump est ainsi "une façon assez simple de se distinguer des autres démocrates", détaille Seth Masket, et "d'apparaître comme un ami des progressistes sans avoir à prendre des décisions politiques trop libérales". En février, il avait annoncé mettre de côté 50 millions de dollars (43,6 millions d'euros) en "défenses légales" pour "assurer" la Californie contre les politiques du président américain, rapporte Politico.

Le gouverneur californien soulève cependant régulièrement les critiques de son propre camp. Certains lui reprochent notamment son choix d'interdire en mai les campements de sans-abris, un problème répandu dans l'Etat, rapporte le New York Times.

D'autres s'inquiètent de sa proximité avec plusieurs politiques républicains. En mars, le New Yorker qualifiait ainsi le podcast de Gavin Newsom, dans lequel il reçoit des conservateurs, comme l'influenceur conservateur Charlie Kirk, d'"embarrassant". En février, il avait été accusé par un élu de son Etat de "jeter les personnes trans sous le bus", après avoir estimé que la participation d'athlètes transgenre à des compétitions sportives était "injuste", rapporte le Guardian.

Une cote de popularité proche de celle de Donald Trump

Face à l'absence de leadership démocrate depuis la défaite de Kamala Harris à l'élection présidentielle, Gavin Newsom tente d'imprimer sa marque. "Les électeurs démocrates ne sont pas très enthousiastes, c'est le moment pour les politiques d'essayer de prendre de l'importance", relève Seth Masket, qui ajoute que "s'opposer à [Donald] Trump est une bonne façon de faire cela, alors que l'électorat de gauche se cherche un champion".

S'il veut espérer être élu, Gavin Newsom devra réussir à convaincre les électeurs indépendants et certains républicains, alors que les politiques californiens sont souvent caricaturés comme déconnectés du reste du pays. D'après un sondage YouGov publié le 10 juin, 39% des Américains ont une image de Gavin Newsom "mauvaise" ou "très mauvaise". Une situation proche de celle de son président, dont la côte d'impopularité atteignait 40% le 2 avril, selon le même institut.

L'enlisement de la situation à Los Angeles et la montée de la violence pourraient aussi freiner les ambitions du Californien. La ligne d'attaque est déjà privilégiée par le président américain : "Le gouverneur incompétent de Californie n'a pas été en mesure d'assurer la protection de nos agents de l'ICE, malgré leur grandeur patriotique", a-t-il taclé sur son réseau Truth Social mercredi matin.