Éducation à la sexualité : un programme enfin présenté après les paniques morales de l’extrême droite
Après des mois de navigation à vue et des semaines de tempête, le nouveau programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) est en passe d’arriver à bon port. Ce texte, qui a été la cible depuis septembre de polémiques venues des extrêmes de la droite, va enfin être présenté mercredi 29 janvier devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Après plusieurs annulations et reports, dus pour certains à la valse frénétique des ministres rue de Grenelle, l’instance représentative – mais consultative – va donc se prononcer sur son sort.
Seulement 15 % des élèves bénéficieraient des 3 heures de cours dédiés
Le point de départ est double : la loi, c’est-à-dire le code de l’éducation, indique depuis 2001 que tous les élèves de France doivent recevoir chaque année, pendant toute leur scolarité, 3 heures d’éducation à la sexualité. Une prescription qui, faute de moyens humains et faute d’un programme indiquant noir sur blanc les contenus d’un tel enseignement, ne serait respectée aujourd’hui que pour environ 15 % des élèves.
D’où la grande opération de concertation en vue de la révision de ce programme, lancée en juin 2023 par le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Pap Ndiaye. Les versions provisoires dévoilées au fil de ce cheminement montraient des ambitions nettement à la hausse, déclinées en fonction de la maturité des élèves de la maternelle jusqu’au lycée, autour de trois principes : se connaître et connaître son corps ; aller vers les autres, construire une relation avec eux ; liberté, responsabilité, dimension sociétale de la sexualité.
Rumeurs délirantes de la part de groupes réactionnaires
Dès les premiers éléments connus, on a assisté à une mobilisation de certains groupes réactionnaires, issus de la droite et de ses extrêmes, refusant – au nom de la maîtrise par les familles de cette dimension de l’éducation – de voir abordés certains sujets : homosexualité, transsexualité, identité de genre, nouvelles structures de la famille…
Alors que la version définitive du programme Evars devait être dévoilée cet automne, ce bruit redoublait, accompagné du lancement de rumeurs parfaitement délirantes sur le visionnage d’images pornographiques ou l’apprentissage de la masturbation aux enfants de maternelle. Sophie Audugé, alors présidente de l’association SOS Éducation, allait jusqu’à qualifier l’éducation sexuelle à l’école de « dérive totalitaire », dans une mémorable interview au Figaro.
Pire : cette campagne trouvait des relais au gouvernement et même rue de Grenelle, l’éphémère ministre de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel du gouvernement Barnier, Alexandre Portier, jugeant que le nouveau programme Evars n’était « pas acceptable en l’état ».
Un programme adapté à la maturité des élèves
Le texte définitif, pris en charge par la nouvelle ministre Élisabeth Borne et qui, sauf imprévu, entrera en vigueur à la rentrée 2025, semble néanmoins préserver l’essentiel. En maternelle, les notions abordées sont la découverte du corps, des sentiments, l’égalité filles garçons, le respect de l’intimité et la possibilité de faire appel à des adultes de confiance en cas de danger.
Ces notions seront approfondies en primaire, le cycle 3 (à partir du CM1) abordant les questions liées à la puberté, aux violences sexistes et sexuelles, au harcèlement et aux dangers d’Internet. Au collège, la sexualité proprement dite et la reproduction seront abordées ; au lycée les dimensions sociétales et critiques seront envisagées, ainsi que les conduites à risque et comment s’en prémunir.
Des reculs notamment en primaire
Alors, fin de l’agitation réactionnaire ? Guislaine David, porte-parole de la FSU-Snuipp, premier syndicat du primaire, redoute que non. Elle pointe des reculs au niveau du primaire, sur le domaine des structures familiales qui ne sont plus nommées.
Or, réagit-elle, « l’école n’est pas hors-sol, nous avons tous des élèves qui ont une maman et pas de papa, ou deux mamans, ou deux papas, il faut pouvoir en parler ». Le fait qu’en primaire le programme ne parle plus d’éducation à la sexualité est « contraire au Code de l’éducation », souligne-t-elle également.
Mais le plus inquiétant pour la syndicaliste, c’est l’obligation de communiquer aux familles les horaires et dates des séances : « On ne prévient pas quand on fait une séance d’éducation musicale ! En faisant cela, on risque de déboucher sur des familles qui retirent leurs enfants de l’école à ces moments-là, comme on l’a vécu en 2014 au moment de l’ABCD de l’égalité. »
Cette esquisse, à l’époque, de programme Evars, avait été mise en échec par la frilosité du gouvernement de gauche face à la mobilisation d’une sorte de coalition unissant des réactionnaires de toutes chapelles. Mais, optimise Guislaine David, « on a enfin un programme ». Il faudra sans doute en améliorer certains points ; il faudra, surtout, permettre aux enseignants de l’appliquer.
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