Ofer Cassif, député israélien : « La reconnaissance de la Palestine ne doit pas être une monnaie d’échange mais une véritable politique de paix »

Ces dernières semaines, des centaines de militants israéliens se sont rassemblés le week-end près de la frontière de la bande de Gaza. Contrairement aux soldats qui se préparent à une nouvelle vague de massacres sans fin, ces militants sont venus pour lutter pour la paix et protester contre les effusions de sang incessantes. J’étais parmi eux, brandissant des pancartes à l’effigie de Palestiniens innocents massacrés à Gaza, dans ce qui ne peut être qualifié que d’un seul mot : génocide.

Ce qui se déroule à Gaza depuis 20 mois n’est en aucun cas une guerre. La guerre moderne est définie comme un conflit armé prolongé et organisé entre deux groupes, une hostilité entre deux parties belligérantes. Mais en réalité, Israël lutte contre tout un peuple, dans un effort brutal pour l’éradiquer en tant que peuple souverain. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », a déclaré Carl von Clausewitz. Il pensait que les actions militaires étaient un moyen d’atteindre des fins politiques spécifiques.

C’est précisément cet objectif politique, à savoir l’asservissement complet du peuple palestinien, que poursuit le gouvernement israélien. Pour atteindre cet objectif diabolique, des dizaines de milliers d’enfants de Gaza ont péri, des hôpitaux ont été constamment bombardés, des femmes enceintes se sont vues refuser une alimentation équilibrée, et tant d’autres crimes horribles, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ont été commis.

Rien n’a été fait pour mettre fin à ces pogroms

Ces atrocités ne se limitent pas à Gaza, mais se produisent également quotidiennement en Cisjordanie occupée. Sous l’égide des forces d’occupation, les colons israéliens terrorisent les villages palestiniens en toute impunité. Des pogroms comme ceux qui ont marqué les périodes sombres de l’Histoire de mon propre peuple sont aujourd’hui perpétrés par des fanatiques nationalistes juifs. Ils attaquent des villages, incendient des maisons, brûlent des champs, volent du bétail, agressent brutalement des femmes et des enfants et s’en prennent spécifiquement aux défenseurs des droits humains tels que Hamdan Ballal, réalisateur de documentaires oscarisé. Si les colons sont les coupables immédiats, leur violence et leur terreur ne seraient pas possibles sans le soutien de l’État lui-même.

J’ai écrit à maintes reprises aux responsables des forces de sécurité pour leur demander d’agir contre la montée du terrorisme des colons, mais en vain. Rien n’a été fait pour mettre fin à ces pogroms et dissuader les colons terroristes. Sous le régime d’occupation, les victimes palestiniennes ne peuvent se défendre ni obtenir justice par elles-mêmes. Il incombe à la puissance occupante de défendre les civils, mais Israël permet aux colons de piller et de commettre des pogroms, précisément parce qu’ils nuisent aux Palestiniens.

L’objectif d’Israël, en tant qu’occupant illégal, est de voler la terre et les moyens de subsistance des Palestiniens, de briser leur moral et de les plonger dans le désespoir. Depuis le 7 octobre, le terrorisme des colons a entraîné le déplacement de milliers de Palestiniens, de communautés entières qui ont fui leurs maisons, dans ce qui constitue une vaste campagne de nettoyage ethnique.

« Le peuple juif possède le droit exclusif et inaliénable sur l’ensemble du territoire d’Israël, « Eretz Yisrael », et le gouvernement développera des colonies dans toutes ses parties, y compris en Judée et en Samarie », peut-on lire dans le premier point de l’accord de coalition formalisé fin 2022. « Eretz Yisrael » n’est pas seulement le terme biblique désignant la vaste zone de territoire qu’Israël occupe illégalement, il envisage également la dissolution de toute perspective d’un État palestinien. « Eretz Yisrael » est un code politique qui signale que partout où l’État d’Israël exercera sa souveraineté, par la force, la souveraineté du peuple palestinien diminuera.

C’était là le plan politique génocidaire qui devait se poursuivre en tirant parti de l’horrible massacre du 7 octobre. En juillet 2024, dix mois après le début du carnage, la Knesset a voté en faveur d’une déclaration encore plus sévère : « La Knesset d’Israël s’oppose fermement à la création d’un État palestinien à l’ouest du Jourdain ». Aucun législateur sioniste, même issu du soi-disant Parti travailliste, ne s’est opposé à cette déclaration. Seuls les membres de la Knesset du Parti communiste et les élus des citoyens palestiniens d’Israël s’y sont opposés. À ce titre, j’étais le seul parlementaire juif à le faire.

Le fondement historique de cette idéologie génocidaire

Si vous souhaitez comprendre le fondement historique de cette idéologie génocidaire, rappelez-vous comment Netanyahou a été cité par l’historien britannique Max Hastings. Au cours du premier mandat de Netanyahou, Hastings l’a entendu discuter de l’avenir de la Palestine et d’Israël : « Lors de la prochaine guerre, si nous faisons les choses correctement, nous aurons la possibilité de chasser tous les Arabes », a déclaré Netanyahou lors d’un dîner décontracté à Jérusalem.

Plus tard, en 2017, Bezalel Smotrich, le leader du Parti du sionisme religieux des colons, a publié son propre plan pour l’avenir. « Le plan de soumission » (parfois traduit par « le plan décisif ») expose en détail son désir et ses méthodes pour éradiquer la perspective d’un État palestinien. Dans un document qui traite les personnes comme des pions sur un échiquier, Smotrich, aujourd’hui membre haut placé du cabinet de guerre, a redessiné les frontières d’Israël.

Tout d’abord, il a exigé l’annexion du territoire palestinien sans accorder aux Palestiniens les droits politiques, civils ou nationaux fondamentaux, les laissant dans un statut de sujets coloniaux. Deuxièmement, les Palestiniens qui refuseront d’accepter leur sort de sujets de seconde zone seront expulsés physiquement de leurs maisons, de leurs terres et de leur patrie. Et troisièmement, ceux qui résisteront, qui lutteront pour leurs droits fondamentaux en tant qu’êtres humains, seront pourchassés et tués.

Dans le débat actuel sur la question de savoir dans quelle mesure les actions d’Israël constituent un crime de génocide, ce plan servira de pièce à conviction principale pour l’accusation. L’asservissement se traduit par un nettoyage ethnique, un transfert forcé, une annexion illégale et des meurtres illégaux au sens du droit international humanitaire. Dans son essence même, ce plan vise à la destruction et à la dissolution complètes des Palestiniens en tant que communauté nationale, en tant que peuple partageant une même patrie – et n’est-ce pas là la définition juridique du génocide ?

Au lieu de l’occupation, reconnaissez l’État palestinien

Les nationalistes juifs fanatiques au pouvoir sont le malheur des deux peuples. Lors de la manifestation contre le génocide près de la frontière, des familles d’otages et de victimes du massacre du 7 octobre ont également participé. Beaucoup d’entre eux ne souhaitent pas cette guerre, ces effusions de sang et ces carnages. Einav Zangauker, mère de Matan, qui a été enlevé chez lui dans le kibboutz Nir Oz le 7 octobre, s’est rendue à la Knesset pour lancer un appel à l’aide effrayant : l’intensification des opérations militaires à Gaza entraînera la mort des otages, a-t-elle déclaré. Lorsqu’elle a appelé les réservistes de l’armée à refuser les nouveaux ordres de mobilisation, elle a été réduite au silence, censurée et expulsée de la tribune.

Vous, en France, avez la liberté de vous exprimer contre ce génocide, ce qui n’est pas le cas de beaucoup en Israël. Le gouvernement israélien souhaite détruire le peuple palestinien et est prêt à détruire les Israéliens dans la foulée. À ce titre, la politique de la France doit refléter cette compréhension et présenter une image complètement négative d’Israël.

Au lieu de crimes de guerre, exigez des comptes et appliquez les ordonnances de la Cour pénale internationale. Au lieu de l’occupation, reconnaissez l’État palestinien. Au lieu du nettoyage ethnique, promouvez des sanctions contre le terrorisme des colons. Au lieu des profits sanglants, mettez fin à toute coopération économique avec Israël. Au lieu de l’expansion de la guerre, appelez à la libération immédiate de tous les otages dans le cadre d’un accord diplomatique. Au lieu du génocide, parlez d’une solution pacifique et sûre pour les deux peuples.

Nous, au Parti communiste israélien, nous continuerons la lutte de l’intérieur, mais nous avons besoin de votre soutien à l’étranger. La déclaration du président Macron est essentielle, mais la reconnaissance ne doit pas être reportée à septembre. La reconnaissance ne doit pas devenir une sorte de monnaie d’échange diplomatique avec Israël, mais une véritable politique visant à instaurer la paix. Le moment est crucial pour changer le cours de l’histoire et renverser la position injuste adoptée par la France depuis une décennie. Il est temps de reconnaître la Palestine comme un État souverain, dans l’intérêt de tous.

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