Lynchage, attaque du village de Soussiya par des colons israéliens… Ce que l’on sait de l’arrestation de Hamdan Ballal, coréalisateur palestinien du film oscarisé « No Other Land »
Son lynchage et son enlèvement sont semblables à ceux dont ont été victimes nombre de Palestiniens. Mais la symbolique derrière la disparition du cinéaste Hamdan Ballal, coréalisateur oscarisé le 2 mars dernier pour le documentaire No Other Land, en fait l’un des nouveaux symboles de la répression instituée par l’armée israélienne sur les civils palestiniens. Deux d’entre eux, en compagnie du réalisateur, ont subi le même sort, au même moment.
Hamdan Ballal a ainsi été arrêté lundi 24 mars, en Cisjordanie. Pire, selon Yuval Abraham et Basel Adra, autres coréalisateurs du film : « Un groupe de colons a attaqué la maison de Hamdan Ballal (…), alors qu’il était blessé et ensanglanté, des soldats sont entrés dans l’ambulance qu’il avait appelée et l’ont arrêté. »
« Nous sommes attaqués tous les jours »
Les faits se sont déroulés à proximité de Soussiya, situé dans le sud de la Cisjordanie – occupée illégalement par Israël depuis 1967 -, selon le Center for Jewish Nonviolence, une ONG opposée à l’occupation israélienne, dont des membres étaient sur place. Ces derniers ont filmé une partie de l’agression, dont des extraits ont été publiés sur les réseaux sociaux.
Basel Adra a annoncé avoir assisté à l’arrestation de Hamdan Ballal. Plusieurs dizaines de colons israéliens ont attaqué le village de Soussiya, ont pointé leurs armes sur les Palestiniens, alors que d’autres ont continué à jeter des pierres, rapporte le quotidien israélien Haaretz. « Nous sommes revenus des Oscars et, depuis, nous sommes attaqués tous les jours, a résumé Basel Adra. C’est peut-être leur vengeance contre nous, pour avoir fait ce film. C’est comme une punition. »
La femme de Hamdan Ballal explique quant à elle avoir entendu son mari être frappé à l’extérieur de leur domicile, et crier « je suis en train de mourir », rapporte Basel Adra. Le cinéaste palestinien a ensuite été menotté et ses yeux bandés par les forces israéliennes, qui l’ont emmené dans un véhicule militaire. « Je me tiens aux côtés de Karam, le fils de 7 ans d’Hamdan, près du sang de Hamdan dans sa maison, après son lynchage par des colons », a enfin annoncé Basel Adra, sur son compte X. Selon l’avocate Leah Tsemmel, la police israélienne lui a expliqué que les trois civils étaient détenus sur une base militaire pour y recevoir des soins médicaux. Elle a ajouté ne pas avoir été en mesure d’entrer en contact avec eux.
L’armée israélienne a, de son côté, réfuté l’agression et affirme avoir arrêté trois Palestiniens soupçonnés d’avoir lancé des pierres sur les forces de sécurité – une version contestée par des témoins interrogés par l’Associated Press. L’armée affirme les avoir remis à la police pour interrogatoire, et avoir évacué un citoyen israélien de la zone afin qu’il reçoive des soins médicaux. Elle a expliqué qu’un civil israélien impliqué dans cette « confrontation violente » avait aussi été arrêté.
« Hamden Ballal est un prisonnier politique »
Tourné à Massafer Yatta, un village proche de Soussiya, le documentaire No Other Land traite de la colonisation des territoires palestiniens par Israël. On y suit un jeune Palestinien luttant contre ce que les Nations unies (ONU) qualifient de déplacement forcé – et illégal – des civils originaires des villages environnants. Massafer Yatta – d’où sont originaires Hamdan Ballal et Basel Adra – a été le théâtre d’une bataille judiciaire, que la Cour suprême d’Israël a conclue en mai 2022. L’armée israélienne a ainsi été autorisée à expulser les habitants des huit villages de la région… afin d’y établir un champ de tir.
No Other Land a obtenu de multiples récompenses, de l’Oscar du meilleur documentaire à la Berlinale, en passant par le festival international du film de Copenhague ou celui de Vancouver. Son sujet a aussi amené à un soutien international. L’annonce du lynchage et de l’enlèvement de Hamdan Ballal a ainsi fait réagir au sein du monde du cinéma, par exemple le comédien états-unien Mark Ruffalo (Zodiac, Avengers, Eternal Sunshine of the spotless mind), sur son compte Instagram.
« Tous les réalisateurs et membres de l’académie devraient agir ensemble pour protester, lance-t-il ainsi. Quelle que soit votre position sur cette question, il s’agit d’une attaque contre notre art bien-aimé qu’est la réalisation de films. Hamden Ballal est un prisonnier politique et il s’agit d’un incident international et d’une violation des droits de l’homme. » Le comédien ajoute : « Beaucoup d’entre nous ne sont pas surpris par ce comportement des colons sans foi ni loi et de l’IDF (forces de défense d’Israël – NDLR) à ce stade. Tuer des journalistes et enlever des cinéastes n’est pas un accident, mais un projet d’éradication d’un peuple et de sa culture. Libérez Ballal ! »
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