Un émissaire de l'ONU à Damas une semaine après la chute d'Assad

L'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé, dimanche 15 décembre, à une aide humanitaire accrue et à éviter les actes de "vengeance", après son arrivée à Damas, une semaine après la chute du président Bachar al-Assad.

La France a de son côté annoncé l'envoi d'une mission diplomatique mardi à Damas, la première depuis douze ans, pour notamment "établir de premiers contacts" avec les nouvelles autorités.

"Nous devons veiller à ce que la Syrie reçoive une aide humanitaire immédiate accrue pour la population et pour tous les réfugiés qui souhaitent rentrer", a déclaré Geir Pedersen, dont la visite est la première d'un haut responsable de l'ONU depuis la fuite de Bachar al-Assad en Russie. Il a aussi appelé à éviter les actes de "vengeance".

Le 8 décembre, la coalition rebelle entre à Damas et annonce le renversement du pouvoir, après une offensive surprise et fulgurante qui lui a permis de s'emparer d'une grande partie du pays en onze jours. Lâché par ses alliés iranien et russe, Bachar al-Assad fuit à Moscou et son armée est défaite.

Des étudiants sur une statue détruite de l'ancien président Hafez al-Assad, père du président déchu, près du campus de l'université de Damas, le 15 décembre 2024.
Des étudiants sur une statue détruite de l'ancien président Hafez al-Assad, père du président déchu, près du campus de l'université de Damas, le 15 décembre 2024. © Omar Haj Kadour, AFP

HTC, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.

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Contact pris avec HTC

Le nouveau Premier ministre syrien chargé de la transition, Mohammad al-Bachir, a promis un État de droit et de "garantir les droits de tous".

Plusieurs pays et organisations ont salué la chute de Bachar al-Assad, mais disent attendre de voir comment les nouvelles autorités, musulmanes sunnites, vont traiter les minorités du pays multiethnique et multiconfessionnel.

Une statue de la Vierge Marie surplombe le village de Maaloula, au nord de la capitale syrienne Damas, le 15 décembre 2024.
Une statue de la Vierge Marie surplombe le village de Maaloula, au nord de la capitale syrienne Damas, le 15 décembre 2024. © Fadel Itani, AFP

Entretemps certains ont annoncé avoir établi un contact avec elles. Samedi, le secrétaire d'État Antony Blinken a expliqué que ce contact direct avec HTC et "d'autres parties" visait notamment à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 en Syrie.

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Une messe célébrée à Damas

Une étudiante syrienne – avec le drapeau de l'époque de l'indépendance peint sur la joue – se rend à l'école à Damas, le 15 décembre 2024.
Une étudiante syrienne – avec le drapeau de l'époque de l'indépendance peint sur la joue – se rend à l'école à Damas, le 15 décembre 2024. © Louai Beshara, AFP

Après l'euphorie, les Syriens tentent de reprendre leur vie normale. Dimanche, une partie des élèves ont repris le chemin de l'école à Damas. En y arrivant, des filles font le signe de la victoire, d'autres brandissent le drapeau à trois étoiles de l'ère de l'indépendance.

À l'Université de Damas, qui a aussi rouvert ses portes, des centaines d'étudiants en liesse ont piétiné une statue de Hafez al-Assad. "On se sent libérés ! On peut enfin dire ce qu'on pense sans avoir peur", affirme Yasmine Chehab, une étudiante en littérature anglaise.

Et la messe du dimanche a été célébrée à la cathédrale Notre-Dame de la Dormition à Damas, en présence de nombreux fidèles.

"Je cherche mon fils"

Les fidèles assistent à la messe du dimanche à la cathédrale Notre-Dame de la Dormition dans la capitale syrienne Damas, le 15 décembre 2024.
Les fidèles assistent à la messe du dimanche à la cathédrale Notre-Dame de la Dormition dans la capitale syrienne Damas, le 15 décembre 2024. © Louai Beshara, AFP

Mais chaque jour qui passe depuis la chute de Bachar al-Assad donne aussi lieu à des découvertes macabres, témoignage des pires exactions du pouvoir déchu.

À mesure de leur progression et de la prise de villes, les rebelles ont ouvert les prisons et libéré les détenus, parfois des sous-sols ou de derrière des murs.

Des milliers de personnes recherchent depuis des informations sur leurs proches disparus. À la morgue de l'hôpital al-Moujtahed de Damas, des habitants ont afflué après que des combattants de HTC ont ramené 35 corps, dont 21 ont déjà été identifiés par leur famille, selon Assad Sakr, qui tient un grand registre. "Que Dieu vienne en aide à toutes ces personnes", dit-il à l'AFP.

Photos de jeunes hommes disparus à la main, des familles se pressent autour des 14 corps restants.

Un ancien détenu reçoit des soins à l'hôpital Ibn al-Nafis, dans le nord de Damas, le 14 décembre 2024.
Un ancien détenu reçoit des soins à l'hôpital Ibn al-Nafis, dans le nord de Damas, le 14 décembre 2024. © Bakr Alkasem, AFP

"Je cherche mon fils", dit Fatima Marakbawi, la quarantaine. "Ils l’ont pris il y a 11 ou 12 ans. Il y a 9 ans, il était à Saydnaya, maintenant il n’y est plus et mon coeur est brisé."

Mehmet Ertürk, un Turc de 53 ans qui a passé 21 ans dans les centres de détention en Syrie, est rentré au pays après sa sortie de prison. "Nos os sortaient de la chair lorsqu'ils nous frappaient les poignets à coups de marteau", raconte-t-il à l'AFP.

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La Turquie, "prête" à fournir de l'aide militaire

Des gens prient au cimetière du camp ravagé de réfugiés palestiniens à Yarmouk, dans le sud de Damas, le 14 décembre 2024.
Des gens prient au cimetière du camp ravagé de réfugiés palestiniens à Yarmouk, dans le sud de Damas, le 14 décembre 2024. © Aris Messinis, AFP

Voisine de la Syrie, la Turquie a dit être "prête" à fournir de l'aide militaire si le nouveau gouvernement syrien le lui demande, selon les propos du ministre turc de la Défense, Yasar Güler.

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Il a en outre affirmé que les nouvelles autorités s'étaient engagées à "respecter tous les institutions gouvernementales, l'ONU et les autres organisations internationales", et promis de signaler toute trace d'arme chimique à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.

Syrie : la répartition ethnique et religieuse.
© Omar Kamal, Nalini Lepetit-Chella, Olivia Bugault, AFP

Meurtri par près de 14 ans de guerre dévastatrice déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, le pays est confronté à une économie en lambeaux et à des sanctions internationales. Sans oublier les ingérences étrangères et un bilan humain très lourd : un demi-million de morts et six millions de Syriens en fuite.

Avec AFP