Quand les terres rares seront hors de prix

Gérard Le Puill

Dans la mise en scène du projet de la Commission européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050, via la conversion aux véhicules électriques, la réfaction et l’évolution des prix des différents métaux indispensables à ces productions restent des sujets occultés. De quoi nous bombarder de mauvaises surprises dans les toutes prochaines années.

À partir d’un dossier publiée dans le Figaro, du 6 juin, nous avons montré hier que la conversion à la voiture électrique en France et en Europe patine de plus en plus, dix ans avant l’interdiction de vente, dans l’Europe des 27, de tout véhicule neuf équipé d’un moteur thermique. Les informations parues dans ce journal montraient que les firmes automobiles européennes s’apprêtent à délocaliser les productions de pièces dans les pays à bas coûts de main d’œuvre pour réduire leurs coûts. Ce faisant, les firmes occultent le bilan carbone de leur stratégie qui consiste à fermer des usines en bon état de fonctionnement chez nous pour construire les mêmes là où les salaires seront trois fois plus bas.
Quatre jours après Le Figaro, « Les Echos » publiaient un dossier en pages 16 et 17 de l’édition du 10 juin. Le premier article était titré : « Terres rares : le secteur automobile s’alarme ». Aux Etats Unis, selon notre confrère Thibault Madelin,

La Chine concentre 90% des terres rares raffinées

Après avoir précisé que les  terres rares « servent à fabriquer des aimants permanents qu’on retrouve dans les moteurs des voitures électriques, mais aussi ceux qui servent à actionner l’essuie glace, baisser les vitres , Thibault Madelin  citait Rémy Cornubert , fondateur du cabinet Trat Anticipation , selon lequel la Chine « concentre aujourd’hui plus de 90% de la production de terres rares raffinées. Cela lui donne un moyen de pression considérable en cas de tensions géopolitiques ».
Rédigé par Etienne Goetz , le second article de ce dossier indiquait en titre que « L’Europe cherche à s’extirper du piège de la dépendance à la Chine ». Mais elle peine à trouver des sites de production dans les 27 pays membres de l’Union. Du coup, il indiquait que « l’Allemagne a importé de la Chine 65,5% de ses terres rares en 2024. Le reste des volumes provient d’Autriche et d’Estonie, où des minerais sont raffinés ». Etienne Goezt citait alors cette mise en garde des analystes de Commerzbank : « Cependant, les terres rares ne sont transformées qu’à un stade avancé dans ces pays. Les exportations de l’Autriche pourraient n’être que de simples réexportations, ce qui signifie que la dépendance réelle aux importations chinoises pourrait être encore plus importante ».

Quel sera le prix d’une voiture électrique dans dix ans ?

Rédigé par Yann Rousseau , correspondant du même journal à Tokyo, le troisième article publié en page 17 dans ce dossier indiquait que selon une étude réalisée en 2023 « la dépendance du Japon à l’égard des terres rares chinoises est passée de 90% au moment de l’incident de 2010 (un embargo de sept semaines sur les livraisons de terres rares , ndlr) à 60% aujourd’hui. Mais, cité dans cet article, Hitoshi Suzuki de l’Institut japonais de géoéconomique déclarait : « si nous venions à sourcer dans un autre pays tout ce qui vient aujourd’hui de Chine, le surcoût pour une voiture électrique produite au Japon serait de 230.000 yens par unité , soit 1.425 euros » .
Ce qui vaut pour le Japon vaut aussi pour l’Europe avec un marché de véhicules électriques beaucoup plus important. On peut donc se demander quel sera le prix d’une voiture électrique en Europe dans dix ans. Plus la demande en cuivre et en divers métaux en voie de raréfaction augmentera, plus les prix seront spéculatifs et rendront les véhicules équipés d’un moteur électrique inaccessibles pour la majorité des ménages. En conclusion de ce dossier du quotidien «Les Echos», on pouvait lire ces phrases dans le commentaire de Julie Chauveau :
« Annoncé il y a trois ans, le projet de production de lithium, autre matériau dit « critique » présent dans une ancienne mine de Kaolin dans l’Allier est dans les limbes. La réforme du Code minier a été finalisée dans l’Hexagone en 2022, mais autorisation et permis de construire prennent un temps infini. Or il ne suffit pas d’extraire du sous-sol, la transformation nécessite un long temps de rodage que seuls les industriels chinois maîtrisent ».
Tout cela montre que l’Europe sera de plus en plus dépendante des volumes disponibles et des prix des différents métaux en voie de raréfaction pour produire des véhicules électriques dans les prochaines décennies.

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