Licenciements : Bolloré décime la rédaction du magazine « Capital »

La directrice de la rédaction du magazine Capital vient d’écoper d’une motion de défiance, ce jeudi 19 juin. « Faites-vous confiance à la directrice de la rédaction pour assurer l’avenir de Capital ? » A cette question posée aux journalistes du mensuel économique, 31 membres de la société des journalistes (SDJ) ont répondu non, tandis que deux personnes se sont abstenues.

Un vote unanime qui « sanctionne la stratégie mise en place depuis plus d’un an », souligne la SDJ qui invite la direction à tirer les conséquences de ce vote. La veille, le mercredi 18 juin, la rédaction de Capital a appris la suppression de cinq postes de rédacteurs. Un plan de « sauvegarde de l’emploi » (PSE) de trop, qui porte à 17 le nombre de postes rayés de l’entreprise en un an.

Disparition du service correction

Le vote de cette motion de défiance matérialise la colère des journalistes de la rédaction. Depuis 2024, Élodie Mandel est à la tête de la rédaction de ce magazine appartenant au groupe Prisma Média (Géo, Voici, Télé-Loisirs, Femme actuelle), de la grande galaxie du milliardaire Vincent Bolloré. La directrice a provoqué des dégâts. Dès son arrivée en février 2024, 17 postes ont été supprimés ou gelés, dont 13 CDI et 4 CDD, c’est-à-dire un tiers de la rédaction.

Ces départs ont entraîné la disparition du service correction. « La qualité éditoriale de Capital est affaiblie, poursuit la SDJ. De nombreuses rubriques ont perdu leurs rédacteurs ou chefs de rubrique : la fiscalité, l’emploi, la santé, les retraites, les cryptomonnaies, l’énergie… Le service photo, qui représente une autre force du magazine, va également perdre la moitié de ses effectifs. »

Mais alors, comment un titre peut-il maintenir ses audiences en se voyant amputé de ses salariés, notamment ses journalistes ? Tandis que le magazine se revendique comme le premier site économique de France, les chiffres de l’ACPM dévoilent que le titre s’est vendu à 77 187 exemplaires par mois en moyenne en 2024. Depuis 2023, le chiffre est en baisse de 13,74 %. Du côté numérique, la situation n’est guère meilleure. « Ils se fichent complètement de notre site internet et le délaissent. Les rédacteurs web sont à bout », témoigne une journaliste.

La SDJ signale que « les visites mensuelles ont baissé de 45,82 % entre janvier 2024, le mois précédant l’arrivée d’Elodie Mandel, et mai 2025 ». Pour la société des journalistes, ces pertes d’audience justifient aujourd’hui la volonté de supprimer davantage de postes. À l’issue des deux plans, Capital sera la rédaction la plus sacrifiée du groupe Prisma Média.

« Adoucir nos articles dans l’espoir de décrocher des interviews n’est pas déontologique »

En parallèle, de nombreux articles ont été dépubliés, notamment un sur Alain Afflelou retiré par Élodie Mandel en personne. La raison ? L’emploi de l’adverbe « grassement » jugé trop négatif. Le papier s’intitulait « Alain Afflelou : l’opticien star a trouvé comment grassement compléter sa retraite ! ». Il a ensuite été modifié par « Alain Afflelou : les recettes malignes de l’opticien star pour compléter sa retraite ». « Notre directrice a pour volonté d’amener des chefs d’entreprise dans nos colonnes. Mais adoucir nos articles dans l’espoir de décrocher des interviews n’est pas déontologique », témoigne un journaliste de la rédaction.

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Pour lui, la direction renie les valeurs du titre et s’éloigne de la ligne éditoriale : fournir une information exigeante et indépendante à destination du grand public. « Avant l’arrivée d’Élodie Mandel, nous pouvions lire des sujets très pointus sur les factures d’énergie, les remboursements de soin, les réformes des retraites… Nous avons perdu ces expertises. Notre titre meurt à petit feu », poursuit le rédacteur qui s’inquiète du manque de vision sur le long terme. L’actualité s’accélère dans un contexte de guerre commerciale, donc la charge de travail s’accentue pour les journalistes, décimés peu à peu.

Le titre est en berne et l’ensemble de son groupe coule aussi. Selon la CGT et la CFDT, depuis juin 2021, date du rachat de Prisma par Vivendi, le groupe est passé de plus de 1 000 CDI à 750. Le dernier PSE a annoncé « l’arrêt de la licence National Geographic, l’externalisation de sites Internet, la suppression de postes au Web, à la photo, au marketing, à l’IT, aux abonnements alors que toutes les équipes sont à l’os depuis longtemps », écrivent les syndicats.

La direction explique agir pour la rentabilité de ses titres alors que 30 millions d’euros de trésorerie sont disponibles dans les caisses de Prisma Média et 13 millions d’euros de résultats sont liés à leurs activités annexes en 2024. « D’autant plus que nous faisons partie de Louis Hachette Group, qui déclare sur son site officiel : “Nous avons de grandes ambitions pour l’avenir” », ajoutent la CGT et la CFDT. La saignée continue.

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