REPORTAGE. "Dans quatre ans au plus tard, on aura une nouvelle chancelière" : en Allemagne, les militants de l'AfD savourent le score "grandiose" de l'extrême droite
Le résultat des élections fédérales allemandes est sans appel : l'AfD progresse dans l'ensemble du territoire. Un électeur allemand sur cinq a voté pour l’extrême droite, dimanche 23 février, fait inédit depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le parti dirigé par Alice Weidel s'installe comme une force incontournable dans le paysage politique, sans pour autant pouvoir entrer au gouvernement. C'est à cause du "Brandmauer", qui signifie "pare-feu" en allemand, et empêche les autres partis de faire une coalition avec l'extrême droite.
"Nous avons pu doubler notre score"
Un paradoxe très commenté au siège local de l’AfD à Panko, quartier résidentiel conservateur à la périphérie nord de Berlin. Lors de cette soirée électorale organisée par le parti, c'est tout d'abord la joie qui a explosé, quand, à 18 heures, la barre symbolique des 20 % est en vue pour l'AfD. "Nous avons pu doubler notre score après les dernières élections fédérales, un doublement des voix en trois ans. C'est un résultat grandiose, le meilleur que l'AfD ait jamais obtenu", exulte Alice Weidel.
Devant son barbecue, Rainer a malgré tout un petit regret : les sondages prédisaient au parti des scores supérieurs à 20 %, mais le seuil est tout juste franchi. "On ne va pas dire qu’on est déçus, on progresse fortement, nuance l'électeur. Mais on souhaite toujours plus que ce que l’on a déjà, n’est-ce pas ?"
Le "Brandmauer" contesté
Christian salue un "résultat fantastique" de l'AfD en Allemagne de l'Est, grâce aux länder de Thuringe et Brandebourg, qui sont à plus de 40 %. Trésorier de la section locale de l’AfD, il a observé la main tendue d'Alice Weidel aux conservateurs pour former une coalition, mais il n’y croit pas un instant : "Nous n'aurons pas de négociations avec le CDU. C'est absolument clair". Le parti de l'Union chrétienne-démocrate est arrivé en tête des élections, notamment grâce à une alliance avec l'Union chrétienne-sociale (CSU).
Les autres partis ne sont pas démocrates parce qu'ils ne veulent pas prendre en compte notre résultat.
Christian, trésorier de la section locale de l’AfDfranceinfo
Julian acquiesce. Pour lui, le "Brandmauer", cordon sanitaire qui maintient l’AfD à distance du pouvoir, est antidémocratique : "Une majorité en Allemagne veut réduire le nombre de migrants, mettre fin à l'immigration illégale. Malheureusement, ce ne sera pas la politique de l'Allemagne".
L'AfD prête à prendre le pouvoir
Lors de son discours, Alice Weidel a prévenu : "Friedrich Merz [chef de la CDU, ndlr.] doit décider s'il veut tromper ses électeurs, ou s'il veut enfin faire de la politique au service de notre pays. S’il choisit de faire alliance avec la gauche, nous dépasserons la CDU dans les années à venir". L'extrême droite vise déjà 2029 et les prochaines élections législatives.
Catherine en est convaincue, la coalition à venir est vouée à l’échec. "Je pense qu’on doit rester fidèles à notre ligne, et, dans quatre ans, au plus tard, on aura une nouvelle chancelière", explique la votante.
Victorieuse dans les urnes, désormais incontournable et même prescriptrice dans le débat public, l’extrême droite allemande ne sera pas pour autant au pouvoir ces prochains mois. Elle se trouve toutefois ses portes, et se tient en embuscade.