Accord sur la libération d'otages à Gaza : "Cela remet en cause la stratégie militaire israélienne dans la bande de Gaza", analyse un spécialiste du Moyen-Orient
L’accord trouvé mercredi 22 novembre entre Israël et le Hamas "remet en cause la stratégie militaire israélienne dans la bande de Gaza", analyse sur franceinfo Younes Belfellah, enseignant chercheur à l’université Paris 8, directeur du groupe de réflexion MedFocus et spécialiste du Moyen-Orient. Dans la nuit de mardi à mercredi, Israël a annoncé avoir trouvé un accord avec le Hamas pour récupérer 50 otages, notamment des femmes et des enfants, contre des prisonniers palestiniens, et un cessez-le-feu de quatre jours dans la bande de Gaza. Cette trêve est "une avancée très considérable, mais ça ne veut pas dire, en aucun cas, que c'est la fin de cette guerre", d'après Younes Belfellah.
franceinfo : Est-ce que cet accord était la bonne décision à prendre ?
Younes Belfellah : La question de la négociation était déjà la seule option possible pour les Israéliens, mais bien évidemment, ça remet en cause la stratégie militaire israélienne dans la bande de Gaza. Parce qu'on se rappelle que parmi les objectifs déclarés par Israël, il y a le fait de faire rentrer les otages à la maison. On a vu que même avec cette offensive dans la bande de Gaza, Israël n'a pas réussi à trouver un seul otage avec son opération militaire. Maintenant, c'est le rôle de la politique. C'est grâce à des négociations politiques, mais aussi grâce à une mobilisation de la communauté internationale, et principalement des pays occidentaux comme les Etats-Unis ou la France, qui ont des binationaux parmi les otages.
Il y a la pression des Etats-Unis mais aussi la pression des pays occidentaux qui a poussé Israël à signer cet accord ?
Oui, clairement et c'est cette pression qui a poussé vers des négociations politiques. Maintenant, c’est très intéressant quand on voit qu'il y a une priorité donnée aux femmes et aux enfants. On a une cinquantaine d’otages, en contrepartie de 150 personnes palestiniennes, et aussi des enfants et des femmes. Là-dessus, je rappelle qu'il y a 200 enfants et 78 femmes palestiniens dans les prisons israéliennes parmi 7.000 prisonniers palestiniens. Donc ça va faire une première étape de libération des otages, avec bien évidemment quatre jours de trêve humanitaire. C’est une avancée très considérable, mais ça ne veut pas dire en aucun cas que c'est la fin de cette guerre.
D'ailleurs, dans le communiqué qui annonce cet accord, les mots sont différents. "Accalmie dans les combats" dit Israël, "trêve humanitaire", dit le Hamas, "pause humanitaire", dit le Qatar. Ça veut dire qu'en réalité ça ne règle rien du tout sur le long terme ?
Oui, parce que l'objectif déclaré par l'armée israélienne, qui est la destruction du Hamas, devient de plus en plus lointain car on sait parfaitement que le clergé politique du Hamas est au Qatar maintenant. La destruction de l’appareil militaire du Hamas va prendre beaucoup plus de temps et ça risque aussi de faire retourner l'opinion publique internationale contre Israël, vu les bombardements et le nombre de civils victimes de cette guerre. Sur le plan politique, je peux le dire clairement, le Hamas a gagné énormément de points pendant cette guerre. Il s'impose en tant qu'acteur majeur qui arrive à négocier avec des forces et des puissances internationales, notamment les États-Unis. Le Hamas a actuellement le leadership de la cause palestinienne. Et sur le plan militaire, je peux dire que c'est un jeu à somme nulle parce qu'il n'y aura pas de gagnant dans cette guerre. Au contraire, la question du temps est un élément considérable et significatif parce que le fait de rentrer dans une guerre d'usure, qui va prendre beaucoup de mois, avec des victimes civiles, ne va pas réaliser les objectifs de sécurité et militaire déclarés par Israël. Maintenant, ça ne veut pas dire que ce sera le dernier chapitre de guerre dans cette région. On sait parfaitement qu’il y a un risque d'embrasement vis-à-vis du Hezbollah ou d'autres organisations.