Avec la censure de la rétention des étrangers présumés dangereux, les Sages du Conseil constitutionnel mettent un coup d’arrêt à « une dérive sécuritaire, inefficace et maltraitante »

Saisi par les députés insoumis et communistes, le Conseil constitutionnel, a censuré, jeudi 7 août, la mesure à l’encontre de l’État de droit voulue par Bruno Retailleau. La loi prévoyait notamment d’allonger de 90 (trois mois) à 210 jours (sept mois) la durée de maintien en CRA d’étrangers, en instance d’expulsion, condamnés pour certains faits graves ou présentant une menace d’une « particulière gravité » à l’ordre public, ainsi qu’à ceux ayant été condamnés pour certains crimes ou délits graves (meurtre, viol, trafic de stupéfiants, vol aggravé avec violences…).

Une durée aujourd’hui uniquement applicable aux personnes condamnées pour terrorisme. Les Sages ont estimé que l’élargissement « aux personnes pouvant être maintenues en rétention pour une durée particulièrement longue, n’est pas proportionné à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière poursuivi ».

Un « coup d’arrêt porté à une dérive sécuritaire, de surcroît inefficace et maltraitante »

La décision qui retoque l’allongement de la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers présumés dangereux constitue un rappel que « dans un état de droit on ne peut pas agir impunément avec la privation de liberté », réagit Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, association de défense des droits de migrants, auprès de l’Agence France-Presse. « Nous saluons ce coup d’arrêt porté à une dérive sécuritaire, de surcroît inefficace et maltraitante », ajoute la responsable de l’association chargée d’intervenir dans les CRA.

De son côté, le Conseil rappelle que « le placement en rétention d’un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire doit respecter le principe (…) selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire ».

Les Sages relèvent ainsi que les dispositions prévues par la loi s’appliquent « y compris pour des infractions qui ne sont pas d’une particulière gravité », mais également sans que l’administration ait à établir que le comportement d’un étranger, qui a exécuté sa peine, « continue de constituer une menace actuelle et d’une particulière gravité pour l’ordre public ».

Le ministre de l’Intérieur avait porté cette loi depuis le meurtre à Paris en septembre 2024 de Philippine, survenu lors de son arrivée place Beauvau. Le suspect, un Marocain faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), venait de sortir d’un centre de rétention après plusieurs années en prison. Le ministre de l’Intérieur avait alors tenté d’instrumentaliser ce fait divers pour servir son projet politique xénophobe. Lors de l’adoption définitive mi-juillet de la loi, proposée par la sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio, le ministre avait ainsi salué un texte censé « protéger les Français ».

Il est toutefois nécessaire de rappeler que d’autres mesures ne sont pas retoquées. Les Sages valident ainsi certaines mesures de la loi comme l’autorisation de relever des empreintes digitales et la prise de photographies d’un étranger sans son consentement, lors de son placement en centre de rétention administrative. Autant d’éléments qui constituent des étapes de plus dans la violence institutionnelle à l’égard des étrangers.

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