Budget 2026 : "Il y a les épouvantails pour faire peur aux moineaux, et il y a des chiffres de Bayrou pour faire peur aux Français", réagit Alexis Corbière, élu Écologiste et Social en Seine-Saint-Denis

Les mesures et les chiffres présentés par François Bayrou dans le cadre du budget 2026 font grincer quelques dents depuis mardi. Parmi les détracteurs du Premier ministre et de son plan sur quatre ans, axé sur les économies pour combler la dette, Alexis Corbière, ex-Insoumis, député Écologiste et Social en Seine-Saint-Denis, revient dans "La Matinale" du vendredi 18 juillet sur la feuille de route budgétaire du chef du gouvernement, interrogé par Serge Cimino.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

Serge Cimino : À 5 000 euros d'augmentation de la dette par seconde, vous avez fait le calcul. Vous avez pensé quoi de ce moment de vérité du Premier ministre ?

Alexis Corbière : Intéressant ce chiffre, qui est là pour faire peur. Vous savez, il y a les épouvantails pour faire peur aux moineaux, et il y a des chiffres de Bayrou pour faire peur aux Français. Si on prend ces 5 000 euros par seconde, je rappelle que les aides publiques données aux entreprises, sans contrepartie, c'est 6 692 euros par seconde. Donc cela coûte plus cher encore. Les chiffres, on peut leur faire dire ce qu'on veut. C'est une stratégie de terreur. C'est intéressant de commencer par ce chiffre. Les Français ne travaillent pas assez, on est fainéants, "mettez-vous au boulot", on a trop dépensé... On dépense trop dans ce pays. Évidemment, on cache les richesses produites. Nous sommes un pays riche et travailleur, et à un moment particulier dans notre histoire où la richesse produite en France est significative. Mais il y a un problème de répartition. En l'espace de 20-30 ans, 30 ans pour être précis, la fortune des plus riches a augmenté de 119 %. C'est ça qui se passe. On a une situation d'accaparement des richesses produites, par une minorité. Et tout le débat, quand on est républicain, est de voir comment, non pas on spolie ces richesses produites à ceux qui sont assez plus fortunés, mais comment on répartit pour vivre mieux. Et dans le budget de Bayrou, il y a une méthodologie qui est terrifiante, et avec laquelle je suis en radical désaccord : c'est que lui dit, "on ne va pas toucher à ceux qui ont accumulé ces richesses, on va par contre faire payer Monsieur, Madame". Ce qui me choque, parce que je pense à ma vieille maman qui est en soins actuellement. On va toucher au déremboursement de médicaments, par exemple, qui est vraiment une mesure injuste, on va s'en prendre notamment aux aides sociales pour les plus démunis, alors qu'on a 15% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, qu'on va toucher à la fonction publique... J'étais enseignant : un poste sur trois qui part à la retraite ne va pas être remplacé. C'est 400 millions de moins dans le budget de l'éducation nationale. Dernièrement, on s'inquiétait sur ces jeunes qui tombent dans la violence. Ce sont des moyens en moins pour la protection judiciaire de la jeunesse.

Jours fériés, congés payés... Des "leurres" ?

Vous résumez parfaitement ce qu'a présenté le Premier ministre, mais pour autant, est-ce qu'à partir du constat de départ sur les 44 milliards, vous constatez comme lui qu'il faut faire quelque chose, en changeant de méthode ?

J'essaye de dire que ces 44 milliards viennent du fait qu'il y a eu moins de recettes. Ils ont considéré qu'il y avait un problème, en particulier en 2017. C'est une politique qui existe depuis des années, mais qui s'est vraiment accélérée. Avec l'arrivée d'Emmanuel Macron, on supprimait l'ISF, 211 milliards : je m'appuie sur le rapport Fabien Gay fait au Sénat sur les aides publiques. C'est incroyable. On n'a jamais vu ça. Je rappelle qu'en 79-80, ce n'était pas le communisme en France, c'était seulement 3% du PIB d'aide publique accordée aux entreprises. On est passé à 7% du PIB, 211 milliards chaque année, sans contrepartie sociale.

Pas sur les 211 milliards, mais sur certaines, pas de contrepartie, c'est ce que dit le rapport de Monsieur Gay.

Non, ce que dit le rapport, c'est qu'il y en a certaines qui peuvent être justifiées. Moi, je suis favorable à ce qu'on puisse aider notre tissu de moyenne entreprise. Mais quand vous avez 98 milliards de dividendes qui sont donnés aux actionnaires dans des groupes qu'on aide publiquement, moi, je n’ai pas envie que vos impôts, mes impôts et les impôts des gens modestes servent à réduire nos recettes pour enrichir des gens qui sont des actionnaires et des grands groupes. C'est absurde. Donc, ce budget n'aura pas lieu. Alors, il y a des leurres, on ne va pas développer : les deux jours fériés, la cinquième semaine de congés payés, pour amuser un peu la galerie.

Quand vous dites c'est un leurre, vous voulez qu'il puisse lâcher là-dessus, et que c'est un moyen de dire, "j'ai négocié" ?

C'est absurde. Oui, ça ne rapporte rien, mais je vois bien que ça a fait un grand sujet. Pour ne pas voir que le fond du problème, c'est moins 40 milliards, c'est la récession qui est devant nous. Aujourd'hui, on a 0,5% de croissance. Tous les économistes sérieux disent que, lorsque vous réduisez notamment les dépenses publiques, vous risquez d'avoir une chute de 1% de croissance. Là, ça signifie qu'on rentrerait dans une période très difficile pour le pays. Bref, ils ont échoué. Et je pense que ce budget, évidemment, il ne passera pas. Moi, je voterai contre. Nous censurerons ce gouvernement. Il est temps de préparer l'après.

Il n'y a rien dans ce qu'il a proposé qui peut ressembler à une solution sur une partie du déficit à combler ? L'année blanche, j'imagine que, pour vous, c'est une année noire pour les salariés. 

Mais c'est scandaleux. Il y a déjà le gel du point d'indice pour les fonctionnaires. Je crois que c'est 25 % de pouvoir d'achat qui ont été perdus sur ces 20 dernières années. Une année blanche, ce sont des baisses de salaire. Il faut que les gens comprennent. Quand Monsieur Bayrou dit "année blanche par rapport à l'inflation", ça signifie que les salaires vont baisser. Ce qu'il annonce, c'est une baisse des salaires, notamment pour plus de 3 millions de personnes qui sont fonctionnaires.

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