Panayotis Pascot : « Rester dans l’entre-deux, c’est peut-être la clé de la vie »

En seulement quelques années, Panayotis Pascot est devenu une figure incontournable de la scène humoristique francophone. Son premier spectacle, Presque, a conquis le public en 2019. Son livre, La prochaine fois que tu mordras la poussière, best-seller de la rentrée littéraire 2023, a inspiré la pièce éponyme incarnée par Vassili Schneider, lauréat d’un Molière en 2023 pour cette interprétation.

Aujourd’hui, le natif d’Amiens, âgé de 27 ans, fait salle comble avec son spectacle Entre les deux, un seul en scène abordant les thématiques très sérieuses du suicide, de la dépression ou encore de la parentalité. Une phase de la vie traversée par de nombreux jeunes adultes, qui « ne sont plus des enfants, mais qui n’ont pas encore d’enfant », décrit-il. Après onze représentations à Bobino, dans le quartier de Montparnasse, l’humoriste prépare son retour sur scène dans le mythique théâtre parisien de l’Odéon, où il se produira du 26 au 31 décembre avant l’Olympia, du 20 au 24 janvier.

Passer la publicité

Dans l’attente de ces événements, Panayotis Pascot jongle entre le tournage d’un film dans lequel il tient un « rôle secret » et le montage de la deuxième saison de la série Loup-garou  sur Canal+, attendue en fin d’année. L’humoriste trouve le temps de nous accueillir dans ses bureaux pour parler de son spectacle et de la sortie d’une revue qui l’accompagne.

LE FIGARO. - Six ans après le succès de votre spectacle Presque et deux ans après la sortie de votre premier livre La prochaine fois que tu mordras la poussière , vous remontez sur scène avec Entre les deux . Comment l’avez-vous imaginé ? 

Panayotis PASCOT. - Après la sortie du livre, j’ai fait une tournée dans toute la France pour le présenter dans des salons littéraires et lors de conférences. J’ai passé une année entière à évoquer des thématiques très sérieuses. Ça m’a donné envie de monter sur scène pour retrouver un sentiment plus joyeux et solaire. J’ai regroupé toutes les notes de stand-up que je n’avais pas exploitées et j’ai construit Entre les deux. Le spectacle est né, car j’avais besoin de retrouver un public et de rire avec lui.

Est-ce une suite logique de votre premier spectacle ? 

Non. Ils ne se ressemblent pas. Il y a six ans, les spectateurs trouvaient ma représentation très touchante. Aujourd’hui, ils me disent que ma façon d’aborder la scène est différente. C’est normal, j’ai commencé à écrire Presque  à 19 ans. Entre les deux, je l’ai écrit à 26 ans. Par ailleurs, je trouve le deuxième spectacle plus marrant que le premier. Je parle de thématiques lourdes, qui me sont très propres, mais avec le désir sincère de vouloir faire rire le public.

L’humoriste Panayotis Pascot présentera son spectacle Entre les deux en France et en Belgique tout au long de l’année 2026. Pierre Hillairet
Passer la publicité

Ce nouveau seul en scène tourne autour d’un concept que vous appelez « l’entre-deux ». Quelle définition lui donneriez-vous ?

C’est le moment où tu ne te sens plus totalement enfant. C’est lorsque tu te sens responsable pour la première fois, que tu vas au front tout seul, sans tes parents ni tes frères et sœurs. Tu dois vivre ta vie pour toi. C’est une phase de doute, car tu peux ne pas te sentir légitime d’être un adulte. J’y trouve un paradoxe : tu n’es plus un enfant, mais tu n’as pas encore d’enfant. Tu as donc tout le temps pour toi. Souvent, tu fixes le mur ou le plafond et tu penses à ce que tu fais de mal.

Tout le monde a un rapport particulier avec l’enfance et appréhende la vieillesse

Panayotis Pascot

Dans votre revue qui accompagne le spectacle, la journaliste Marilou Duponchel, critique cinéma aux Inrockuptibles , évoque « la figure de l’adulescent » dans le septième art. Est-ce une autre manière d’aborder « l’entre-deux » ?

Ce genre de personnage est omniprésent dans le cinéma. C’est un individu libre. Étienne Chatiliez a popularisé le phénomène du Tanguy. Il peut naviguer dans le monde des adultes. Il peut aussi décider de rester un enfant. Cette frontière est intéressante. Rester le plus longtemps dans l’entre-deux, c’est peut-être la clé de la vie ?

Et vous, quand avez-vous ressenti que vous entriez dans cette phase ?

Passer la publicité

C’était la première fois où j’ai fait face à un problème, à mes quinze ans. C’est à ce moment que je suis sorti de l’enfance. Du moins, que j’ai eu l’impression d’en sortir. Pour certains, ça arrive plus tard. J’ai des amis qui sont entrés dans l’entre-deux à 25 ans.

Votre scénographe Justin Morin explique dans la revue que « l’entre-deux est quasiment une définition biographique » pour lui. Est-ce important de vous entourer de personnes qui comprennent et qui partagent ce même sentiment ?

Quand tu creuses, tout le monde a un rapport avec cette thématique, peu importe l’âge, le sexe, le métier. Tout le monde a un rapport particulier avec l’enfance et appréhende la vieillesse. Cette expression est vaste. Les personnes qui m’ont accompagné sur le spectacle et dans la création de la revue m’ont aidé à le rendre meilleur avec le temps.

Petit, quand on me laissait choisir un instrument, je prenais volontairement l’accordéon parce que c’était pour les vieux

Panayotis Pascot

Vous parlez d’enfance, un thème omniprésent dans votre deuxième spectacle, où vous confiez avoir été un « enfant vieux »...

J’ai toujours voulu prouver que j’étais un adulte et je me suis forcé à le devenir très vite. La chose qui m’embêtait le plus était de ne pas avoir ma place à la table des adultes. Petit, quand on me laissait choisir un instrument, je prenais volontairement l’accordéon parce que c’était pour les vieux. Je ne me suis jamais laissé emporter par mes émotions. Je me suis toujours forcé à les contrôler comme le ferait un adulte.

Êtes-vous quand même nostalgique de cette époque ?

La thématique de mon spectacle est teintée de mélancolie. Ça donne lieu, involontairement, à un sentiment de nostalgie. Je n’ai pas très bien vécu mon enfance et je n’ai pas pris le temps de la vivre à fond. Je la regrette, car je n’en ai pas profité quand j’étais en plein dedans.

Panayotis Pascot a vendu plus de 200000 exemplaires de son livre La prochaine fois que tu mordras la poussière lors de la rentrée littéraire de 2023. JMD Production

Vous évoquez justement l’enfance lors d’un entretien avec le rappeur Damso dans votre revue. Que vous a apporté cet échange ?

Damso a ressenti un avant et un après au moment où il est devenu père. Je voulais échanger avec un jeune papa, qui est aussi un artiste très puissant. Quand il m’a demandé comment je pouvais définir l’enfance, je lui ai répondu : l’absence de responsabilité. Pour lui, l’enfance c’est être dans le présent. Les adultes le sont moins et un enfant ne l’est plus au moment où il arrête de sauter dans la flaque d’eau parce qu’il a conscience qu’il va passer l’après-midi avec les pieds mouillés. Nous avons tous des réactions d’enfant, même à notre âge. La définition la plus logique, ce serait de dire que l’enfance, c’est ne pas être inséré dans la société.

Vous évoquez à deux « le bon âge ». C’est quoi selon vous ?

Je parle de cette thématique tous les soirs et je ne sais toujours pas. Le meilleur âge c’est celui dans lequel nous ne sommes pas. Quand tu as vingt ans, tu as hâte d’en avoir trente. Puis quand tu y arrives, tu te dis que c’était bien la vingtaine. Personnellement, j’ai adoré l’adolescence. J’avais cette espèce de fougue, une énergie que j’ai peut-être un peu moins aujourd’hui.

Ce n’est pas parce que je rigole de quelque chose que je ne le respecte pas

Panayotis Pascot

Donc, en suivant cette réflexion, nous sommes constamment malheureux ?

Mais c’est quoi « être heureux » ? Êtes-vous heureux ? Nous ne pouvons pas le savoir. C’est lorsque tu te poses cette question que tu mets un terme au bonheur. Si on me demande si je suis heureux, je répondrai « oui » instinctivement. Puis, lorsque tu creuses le sujet, c’est le début de la fin.

Damso vous dit aussi que « la plus belle relation que tu peux avoir sur terre, c’est avec toi-même ». Qu’en pensez-vous ?

C’est une phrase forte. J’ai beaucoup joué aux jeux vidéo quand j’étais enfant. J’adorais changer de personnage. Malheureusement, dans la vie, tu ne peux pas faire ça. Tu es tout le temps avec toi. Il y a des moments où tu vas t’adorer, te détester ou travailler sur toi. Tu peux être ton meilleur ami comme ton pire ennemi. J’essaie de plus en plus d’écouter la voix qui me dit « là tu en fais trop, là pas assez ». Avant je l’étouffais et j’avançais selon une logique. Mais dans une relation, il n’y en a pas forcément. C’est de l’instinct, de l’écoute.

En parlant de travail sur vous-même, votre spectacle jongle entre des thématiques parfois très sombres comme le suicide. À quel point cela vous touche-t-il ?

Ces sujets m’intéressent. Je devais en parler aussi sur scène. Ce n’est pas parce que je rigole de quelque chose que je ne le respecte pas. Au contraire, écrire une blague, c’est montrer un intérêt. Dans ma famille, mon père plaisante aux enterrements. Je ne me suis jamais dit que c’était déplacé. Mes proches ont aussi une tendance étrange à avoir envie de s’éteindre. J’ai toujours grandi avec ça et j’ai longtemps pensé que c’était comme ça dans toutes les familles. Avec mon deuxième spectacle Entre les deux, je veux me connecter avec le public sur une émotion. Celle que je maîtrise le mieux est le rire. L’humour aide à mettre des mots sur des sujets profonds.

Lorsque vous évoquez ces sujets, souhaitez-vous égayer l’esprit des spectateurs qui ressentent, peut-être, la même chose que vous ?

Je ne me considère absolument pas comme un porte-parole, comme le détenteur d’une vérité ou autre. Mon contrat est simple : je parle de ma vie et de mon prisme de lecture du monde au public. L’essentiel est de passer un bon moment et de rire ensemble. Je ne pense pas avoir la vérité. Les gens ne doivent pas penser la même chose que moi. Il ne faut pas oublier que je fais un métier de saltimbanque et que j’en suis un. Je ne suis pas plus malin qu’un autre. Ça ne m’intéresse pas du tout d’avoir une bonne morale.