Néonicotinoïdes : colliers anti-puces, insecticides ménagers, décision politique... On a vérifié plusieurs déclarations sur l'acétamipride
En 2018, la France a décidé d'interdire tous les néonicotinoïdes, surnommés les "tueurs d'abeilles", mais la loi agricole, dite loi Duplomb, prévoit de réintroduire l'un d'entre eux : l'acétamipride. La molécule, avant méconnue, est devenue en quelques jours un sujet central dans les interviews politiques. Le Vrai ou Faux a vérifié plusieurs déclarations.
L'interdiction de l'acétamipride était-elle basée sur des éléments scientifiques ?
Quand la France a interdit cette molécule, "on n'a pas écouté la science, on a pris une décision politique", a affirmé le patron des députés MoDem, ancien ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau lors d'une interview sur TF1 lundi matin. "Jamais l'Anses n'a dit qu'il fallait interdire cette molécule", a-t-il ajouté.
Le sujet est néanmoins plus complexe. En effet, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) n'a jamais dit qu'il fallait interdire l'acétamipride, mais cela ne veut pas forcément dire que l'interdire n'a été qu'une décision politique et que cet insecticide ne présente aucun risque. Ainsi, si cet insecticide ne tue pas les abeilles sur le coup, comme le font les autres néonicotinoïdes, selon l'Efsa, il modifie tout de même leur comportement, comme l'ont expliqué des spécialistes à franceinfo.
Dans un avis sur "l'impact sur la santé humaine des substances néonicotinoïdes autorisées dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides" datant de 2017, juste avant son interdiction, l'Anses a classé l'acétamipride parmi les molécules qui ont une "toxicité aiguë par voie orale" de catégorie quatre, c'est-à-dire qu'elles sont "nocives en cas d'ingestion".
De la même façon, l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) qui n'a pas non plus recommandé d'interdire cet insecticide – et il ne l'est nulle part ailleurs en Europe – a estimé en 2013 que l'acétamipride risquait d'endommager le système nerveux humain quand elle était utilisée en trop grande quantité. En 2016, l'Efsa recommandait d'élever son niveau de dangerosité pour le faire passer de la catégorie quatre à la catégorie trois, "toxique en cas d'ingestion", au lieu de "nocif", et d'ajouter qu'elle était "susceptible de provoquer le cancer".
Plus récemment, en 2024, l'Efsa a affirmé qu'il y avait des "incertitudes majeures" sur les effets de cette molécule sur la santé humaine. "Il est nécessaire d'avoir davantage de données pour parvenir à une compréhension plus solide et nous permettre d'évaluer les dangers et les risques", continuait l'autorité, tout en recommandant néanmoins d'abaisser les seuils autorisés d'acétamipride.
Y a-t-il de l'acétamipride dans les insecticides domestiques et les colliers anti-puces ?
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard défend la réautorisation de l'acétamipride. "L'acétamipride, écoutez-moi bien, est présent dans tous les insecticides domestiques. Il est présent dans les colliers antipuces des chiens et des chats qui sont au coeur de chacune des maisons, en proximité des enfants", a-t-elle déclaré sur franceinfo le lundi 19 mai.
Mais c'est faux. Les colliers antipuces autorisés en France sont répertoriés dans la base de données des médicaments vétérinaires de l'Anses, qui détaille notamment les substances actives dans chacun de ces produits. Aucun des colliers médicamenteux recensés ne contient de l'acétamipride, contrairement à ce qu'affirme la ministre.
Par ailleurs, si l'utilisation de l'acétamipride dans l'agriculture a été interdite, la molécule est en effet toujours autorisée comme biocide, pour tuer les insectes ou les bactéries. Mais, contrairement à ce qu'assure Annie Genevard, ils ne sont pas présents dans tous les insecticides à usage domestique présents sur le marché en France et répertoriés dans la base de données officielles des biocides de l'Anses.
En réalité, seulement 261 des 1 235 biocides classés dans la catégorie des "insecticides, acaricides et produits utilisés pour lutter contre les autres arthropodes" destinés au grand public contiennent de l'acétamipride, soit 21%. Plus globalement, moins de 1% des plus de 40 000 biocides répertoriés, toutes catégories confondues, contiennent cette molécule. Et aucun de ces produits n'a encore fait l'objet d'une évaluation, leurs éventuels effets sur la santé humaine ne sont pas connus.