« Attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains », affirmation « totalement erronée » : après les propos pétris de colonialisme de Macron, les dirigeants du Tchad et du Sénégal vent debout
Emmanuel Macron a été accusé d’avoir tenu des propos racistes, déclarant « le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou », par le quotidien Le Monde, ce que l’Élysée avait fortement réfuté. Trois semaines plus tard, lors d’un discours adressé aux représentants de la diplomatie française à travers le monde durant l’annuelle Conférence des ambassadeurs, lundi 6 janvier, le président français a lancé des propos pétris de colonialisme.
Il a ainsi assuré que la France avait eu « raison » d’intervenir militairement au Sahel « contre le terrorisme depuis 2013 », pérorant que les dirigeants africains avaient « oublié de (nous) dire merci », estimant qu’ « aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée ». Et d’oser ironiser : « C’est pas grave, ça viendra avec le temps. »
Les déclarations du président ont vivement fait réagir les dirigeants du Tchad et du Sénégal. À la fin du mois de novembre 2024, ces deux pays avaient mis fin à un des rouages du système néocolonial français, en décidant le retrait des bases militaires françaises, via la fin d’un « accord de défense ».
Une affirmation « totalement erronée »
Et le président français a également déclaré : « Nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence (militaire). Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. » Le premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a réfutés en bloc ces propos.
« Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée », a-t-il dénoncé. Et de rappeler : « Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain. »
« Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière »
Le gouvernement tchadien, a quant à lui exprimé, dans la foulée, sa « vive préoccupation », estimant que les propos reflétaient « une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains », indique un communiqué du ministre tchadien des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah lu à la télévision d’État.
Le dirigeant a rappelé « qu’il n’a aucun problème avec la France » mais également que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ». « Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome », a-t-il ajouté.
Le ministre a également rappelé que la France n’avait « jamais véritablement reconnu » le « rôle déterminant » de l’Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales, ni « les sacrifices consentis par les soldats africains ».
Les opérations de retraits de l’armée française au Tchad avaient commencé en décembre, alors que le Tchad représentait le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, avec environ un millier de soldats stationnés, principalement au camp Kossei dans la capitale tchadienne N’Djamena.
La présence militaire française sera réduite en Côte d’Ivoire
Autant de déclarations qui arrivent dans un contexte particulier. Pendant dix ans, l’armée Française était engagée au Sahel avec ses opérations « Serval » (2013-2014) puis « Barkhane » (2014-2022) dans l’objectif affiché de lutter contre les djihadistes liés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique. C’est un bilan en forme de fiasco qui se dresse au Mali et dans toute la zone sahélienne. En effet, trois millions de personnes ont été déplacées (contre 200 000 en 2013), 59 soldats français et des milliers de militaires maliens, burkinabés ou tchadiens sont morts, tout comme plus de 12 000 civils, selon une estimation de plusieurs ONG, sans compter de nombreuses exactions.
Entre 2022 et 2023, la France a été contrainte de retirer ses armées, sur les territoires du Niger, Mali, Centrafrique et Burkina Faso. Et ce, bien avant que le Tchad et le Sénégal n’engagent le retrait des bases militaires françaises en novembre 2024.
De plus, d’ici la fin du mois de janvier 2025, les militaires français s’apprêtent à réduire drastiquement leur présence en Côte d’Ivoire. La base militaire française de Port-Bouët, à Abidjan, s’apprête à être rétrocédée à ce pays d’Afrique de l’ouest.
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