Déserts médicaux : la régulation de l’installation des médecins est adoptée à l’Assemblée nationale malgré l’opposition du gouvernement
Que faire face à l’inégalité d’accès aux médecins généralistes ? « Les 10 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes ont accès en moyenne à 5,6 consultations par an tandis que les 10 % de la population les moins bien dotés ont accès en moyenne à 1,4 consultation par an », révèle un rapport de la Drees, organe statistique du ministère de la Santé. Un écart qui a augmenté de 5 % entre 2022 et 2023.
Face au phénomène des déserts médicaux, les députés ont adopté, mercredi 2 avril, l’article phare d’une proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins libéraux ou salariés. Selon celui-ci, une sollicitation de l’Agence régionale de santé (ARS) sera obligatoire, et l’aval sera donné de droit dans une zone qui connaît un déficit de soignants. Mais dans les territoires mieux pourvus, le médecin ne pourrait s’installer que lorsqu’un autre s’en va. L’article, supprimé de justesse en commission, a été rétabli avec une confortable majorité dans l’hémicycle (155 voix contre 85), malgré l’opposition du gouvernement.
Une levée de boucliers
Ce texte a dû faire face à une levée de boucliers de la part de la droite et l’extrême droite, ainsi que des organisations de médecins. Le ministre de la Santé Yannick Neuder (LR), a argué qu’« une pénurie de médecins, même potentiellement régulée, reste une pénurie », en évoquant un risque de déconventionnements, de départs de médecins à l’étranger, et d’une « perte d’attractivité de l’exercice médical ».
La députée Joëlle Mélin (RN), dont le groupe est le seul à avoir voté unanimement contre, a affirmé qu’il s’agissait d’une « fausse bonne idée » qui « ne ferait qu’aggraver le cœur même de la pénurie : le manque d’attractivité de la profession ».
Une quinzaine d’organisations des principaux représentants des médecins libéraux s’était opposée à la mesure dans un communiqué la semaine dernière, affirmant qu’une régulation « coercitive » aurait des « effets contre-productifs » sur l’accès aux soins. Si le premier ministre, François Bayrou, s’est dit, mardi 1er avril, favorable à une forme de « régulation », il a appelé à bâtir une solution incluant l’ensemble des acteurs, d’ici à la fin d’avril.
« Huit millions de Français vivent dans un désert médical »
Autant d’arguments réfutés par les porteurs du texte. « Régulation n’est pas coercition. Ils seront libres de s’installer dans 87 % du territoire, c’est-à-dire dans l’ensemble des zones sous-dotées qui ont urgemment besoin de médecins, a averti Nicolas Sansu, député PCF du Cher, avant l’examen du texte. Ces arguments du lobby des médecins, qui cherche à faire peur aux gens, ne sont plus entendables. Cette situation est insupportable pour les gens qui n’ont pas seulement plus de médecin traitant, mais plus de médecin du tout. »
Guillaume Garot (PS), à l’initiative de la proposition de loi depuis 2022 avec un groupe transpartisan (plus de 250 députés cosignataires, de LR à FI) a de son côté martelé : « Six millions de Français sont sans médecin traitant, huit millions de Français vivent dans un désert médical ». Une inégalité qui crée un « sentiment délétère pour notre République qui a failli dans sa promesse d’égalité de tous devant la santé », a-t-il soutenu.
« Primes, contrats d’aide à l’installation, majoration d’honoraires… On a tout essayé et ça n’a pas produit d’effets notables. Il est temps de tenter un nouvel outil : la régulation », abonde Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne. « On ne peut plus rester sans rien faire, tranche Guillaume Garot. En refusant de réguler, on a laissé se créer des concentrations de médecins à certains endroits et des déserts ailleurs. »
Les débats sur le reste du texte, qui prévoit une suppression de majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant, ou encore le rétablissement d’une obligation de participer à la permanence des soins, doivent reprendre la semaine du 5 mai 2025.
Avant de partir, une dernière chose…
Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :
- nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
- nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.
L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus