Tennis : qui est Pauline Payet, la joueuse française qui défie des hommes ?
En juillet 2019, un sondage plutôt insolite voyait le jour aux Etats Unis. Le site YouGov révélait qu’un homme sur huit s’estimait capable d’inscrire un point lors d’un match de tennis contre la championne Serena Williams (23 titres du Grand Chelem). Des réponses relançant un débat absurde comparant les niveaux féminin et masculin d’un même sport. Six ans plus tard, Pauline Payet, une professionnelle 921e à la WTA (ex 577e) et 45e joueuse française propose de tenter l’expérience.
Titulaire d’une chaîne Youtube, elle s’est lancé le défi d’affronter des hommes moins bien classés qu’elle et de diffuser les rencontres sur internet. «Quand je postais des extraits d’entraînement, je recevais de nombreux commentaires de joueurs amateurs persuadés qu’ils pouvaient me battre sans forcer» raconte-t-elle au Figaro. Derrière cette initiative, elle précise qu’il ne s’agit pas de «se comparer aux hommes» mais plutôt de «se lancer un défi personnel documenté sur les réseaux sociaux».
Pour cela, elle se base sur plusieurs critères primordiaux, d’abord l’ensemble des matchs se dispute en indoor (surface dure intérieure), contre des joueurs de plus de 18 ans qu’elle ne connaît pas et à leur meilleur classement. «Comme je suis basée en région parisienne, je n’ai pas eu de mal pour avoir de nombreuses candidatures, ensuite j’ai dû faire le tri»; explique-t-elle. La joueuse de 30 ans commence son périple en troisième série au classement 30 et monte d’un cran la pyramide des classements à chaque succès, jusqu'à ce qu’elle perde. Actuellement, elle a déjà battu trois hommes, un 30, un 15/5 puis un 15/4, chacun sur des scores sans appel : 6-0, 6-0 et reste très évasive sur la suite «je ne spoilerai pas, mais oui j’anticipe au mieux les tournages comme je sais que je mets un peu plus de temps à monter mes vidéos».
À 30 ans, cette joueuse numéro 45 chez les Françaises et ancienne top 600 WTA (577) à en 2017 mis sa carrière entre parenthèses «je ne pouvais plus suivre financièrement». Prof de tennis sur le bassin parisien, elle continue de disputer des tournois français de secondes zones (CNGT, Open) pour conserver son classement et «mettre du beurre dans les épinards». «Si je me basais uniquement sur l’aspect financier, aujourd’hui, je ne ferais plus de tournoi» assure-t-elle.
Comme son homologue Jules Marie, elle a décidé en 2018 de porter la double casquette entre tenniswoman professionnelle et youtubeuse. «On m’a dit que je passais bien à l’écran et comme le tennis est un sport très visuel je me suis dit pourquoi pas», mais être devant la caméra et animer une vidéo n’était pas évident au départ «au début j’étais un peu terrorisée, je suis quelqu’un de très introvertie c’était d’abord compliqué, et puis je ne savais rien faire, j’ai tout appris toute seule pour tout gérer de A à Z, j’ai appris à faire du montage grâce à des tutos».
Je ne me compare pas aux hommes
Pauline Payet
Un premier engouement remarqué
«Je savais que le projet allait susciter de l’intérêt mais pas autant» assure Pauline Payet. C’est simple, depuis une dizaine de jours, en plus de nombreuses sollicitations médiatiques, elle a vu sa communauté s’agrandir avec plus de 5000 personnes supplémentaires qui suivent ses aventures.
Au-delà d’une hausse de visibilité, à son échelle, elle parvient à faire évoluer les mentalités. «Hier encore, j’ai reçu un commentaire de quelqu’un qui s’excusait parce qu’il était persuadé que je perdais contre des hommes classés 15-5», elle poursuit : «c’est bien qu’ils se rendent compte qu’une femme numérotée à quand même un certain niveau». Des commentaires positifs mais aussi des internautes n’ayant pas compris la démarche : «plusieurs personnes m’ont dit que c’était un combat qui ne servait à rien, que je défiais les hommes et me pensais plus forte qu’eux alors que ce n’est pas du tout le but». Les deux niveaux sont incomparables, comme elle l’analyse, les plus grandes différences résident «dans la puissance, l’endurance et les hommes ont moins de variations hormonales».
Pour son défi, si elle préfère «en dire le moins possible», Pauline Payet estime qu’elle pourrait perdre «contre un 3-6 ou un 2-6», elle précise que «plus jeune» et «à son meilleur niveau» elle était capable de remporter des sets contre des joueurs classés 0. Elle indique aussi «que les classements sont loin d’être une science exacte». C’est pour ça qu’en cas de défaite, elle se laisse la liberté de continuer ou non son défi. «Je rejouerais peut-être quelqu’un du même classement ou je continuerais un rang au-dessus, le résultat reste la vérité d’un match, on ne juge pas quelqu’un sur une rencontre, je peux très bien perdre à un niveau en dessous et gagner plus haut.».
Pour boucler la boucle, elle pourrait aussi affronter son équivalent chez les hommes «un joueur numéroté entre la 40 et 60e place», chose qu’elle a déjà faite en entraînement «j’ai déjà tapé des balles avec Jules Marie ou encore Maxime Hamou», des joueurs aux portes du Top 200 ATP à leur meilleur niveau. Jusqu’ici, avec un match diffusé par semaine, on est encore bien loin de l’homme capable de battre cette professionnelle, mais elle pourrait prochainement perdre ses premiers jeux et nous livrer des batailles un peu plus indécises.