Nationaliser ou non ArcelorMittal : à la question économique s'ajoute l'enjeu de souveraineté nationale
On a l'impression que l'histoire se répète. Il y a 13 ans, en 2012, l'idée de la nationalisation avait émergé alors que le site industriel était déjà en difficulté. Il fallait éviter la fermeture des hauts-fourneaux de Gandrange, de Florange ; on parlait déjà de manque de compétitivité, de coûts de main-d’œuvre trop élevée, de concurrence chinoise.
Et la nationalisation avait été un enjeu de la campagne présidentielle, alors que Nicolas Sarkozy et François Hollande s'opposaient alors. Une fois élu, le socialiste avait vu son gouvernement se déchirer sur la nationalisation des hauts fourneaux : Arnaud Montebourg, alors ministre de la Réindustrialisation, était pour, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, contre.
Finalement, il n'y avait pas eu nationalisation. Le gouvernement avait fait pression sur le milliardaire indien, Lakmi Mittal, propriétaire du groupe. Celui-ci avait gardé, reclassé les salariés dont les emplois étaient menacés. Il a modernisé, reconverti le site, au point d'en faire un centre d'excellence pour produire des aciers nouvelle génération. C'était même une vitrine de son savoir-faire. Il y a presque un an, ArcelorMittal, fournisseur de l'acier de la torche olympique des Jeux de Paris 2024, exhibait cette prouesse.
Une nationalisation mort-née ?
Aujourd'hui, alors que l'entreprise prévoit 600 licenciements, dont plus de la moitié concerne le site de Dunkerque, des salariés et des élus réclament à nouveau la nationalisation. Les syndicats, plusieurs élus de gauche, dont Jean-Luc Mélenchon, militent en ce sens.
Mais Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie, répond que ce n'est pas à l'ordre du jour, avec le même argumentaire qu'il y a 13 ans : l'État n'a pas l'argent pour racheter. Il est donc hors de question de s'embarquer dans un gouffre financier, dans un contexte où les droits de douane américains augmentent et où l'acier chinois est encore plus compétitif qu'à l'époque. Et puis ce serait la porte ouverte à d'autres demandes de nationalisation. Donc la réponse du gouvernement est : "Non !". Mieux vaut selon lui aider ArcelorMittal à s'adapter au marché, en investissant dans la décarbonation, et porter le sujet au niveau européen.
Pour autant, les époques ne sont pas les mêmes et l'idée d'une nationalisation a aujourd'hui d'autres arguments. Il y a 13 ans, la nationalisation visait à sauver les emplois menacés. Aujourd'hui, sauver les postes est toujours d'actualité, mais s'ajoute un risque pour la souveraineté nationale. ArcelorMittal fournit l'industrie de défense. Et c'est au nom de la souveraineté qu'EDF, qui gère le parc nucléaire, a été nationalisée il y a quelques mois. L'idée fait aussi son chemin ailleurs : pour sauver leurs aciéries, l'Italie et le Royaume-Uni ont sauté le pas. Autant d'éléments qui vont peser dans le débat.