INTERVIEW. "Il a compté de nombreux opposants" : l'ex-correspondant de "la Croix" à Rome revient sur le pontificat du pape François, émaillé de "tensions importantes"
Il a souvent été qualifié de "pape de gauche". Le pape François, mort lundi 21 juin à l'âge de 88 ans, laissera la trace d'un souverain pontife aux idées modernistes, en faveur de l'écologie et défenseur des plus pauvres, notamment des migrants. Mais ses prises de position ont été farouchement combattues à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Eglise catholique.
Frédéric Mounier, ancien correspondant du quotidien la Croix à Rome et auteur de Le Pape François, une vie, est revenu sur franceinfo sur les nombreuses oppositions rencontrées par le souverain pontife.
franceinfo : Le pape François suscitait beaucoup de ferveur partout dans le monde ?
Oui, mais le pape a compté de très nombreux opposants. Les traditionalistes en veulent beaucoup au pape François d'avoir restreint les conditions de célébration de la messe selon le rite ancien. Et les personnes qui ne supportent pas l'aide aux migrants ne supportent pas le pape François non plus. Les climatosceptiques, évidemment, détestent le pape François, les antivaccins aussi. Il y a beaucoup de monde qui était très opposé au pape François. Même en ces jours de deuil et de ferveur, il faut rappeler qu'il y avait des tensions. Il y a toujours des tensions très importantes au sein de l'Église et qu'on reverra peut-être à l'occasion du conclave.
Il y a eu des tensions aussi au sein du Vatican, puisqu'il a voulu moderniser les finances.
Il a joué un très grand rôle là-dessus. Il a retourné l'organisation du Vatican qu'il a voulu rendre plus souple. Il a fait la leçon véritablement aux cardinaux lorsque, dès ses premiers vœux à la Curie, en décembre 2013, il a énoncé les quinze maladies de la Curie. Il était extrêmement sévère avec l'administration qu'il était chargé de gouverner, et beaucoup lui en veulent encore aujourd'hui. Et puis, sur le plan financier, il a fait en sorte, à la suite du pape Benoît XVI, qui avait déjà beaucoup travaillé la question, que le Vatican ne soit plus un paradis fiscal. Aujourd'hui, la situation est assainie sur le plan financier.
La modernité du pape François ne plaisait pas à tout le monde, notamment sur l'homosexualité ?
Il a publié il y a quelques mois un texte sur l'accueil des personnes de même sexe, dans lequel il disait qu'il fallait accueillir ces personnes, accepter de les bénir et accepter les unions de personnes du même sexe. Il n'a pas du tout milité en faveur du mariage homosexuel, mais il a dit qu'il fallait accepter ces unions. Dans les Églises d'Afrique, ça a suscité un trouble absolument considérable et tous les évêques et tous les cardinaux africains sont montés au créneau pour protester et pour dire à François : 'Tu ne peux pas faire ça, c'est contraire à notre vision de l'Église.'
"Ça fait partie de l'idée du style de tensions qu'on verra également à l'œuvre au sein du prochain conclave. Il faut toujours garder à l'esprit que l'Église catholique universelle est aujourd'hui une église du Sud. Ce n'est plus une église dont le centre de gravité se trouve en Europe occidentale, mais au sud."
Frédéric Mounierà franceinfo
Il y a ceux qui l'ont critiqué pour ses prises de position, mais il y a aussi ceux qui l'ont salué, non ?
Naturellement, il a fait l'objet d'un engouement absolument considérable. Il a fait souffler un grand courant d'air frais sur l'Eglise. Je ne me souviens pas très bien du moment de son élection à Rome. Beaucoup d'Italiens lui ont reproché à ce moment-là, disant que "le pape ne faisait pas le pape". Les Italiens sont habitués à avoir un souverain pontife et là, ce n'était pas un souverain pontife, c'était l'évêque de Rome. Et de ce point de vue là, le pape a été véritablement adulé. Mais ensuite, la loi du marché médiatique fait que si on est adulé dans un premier temps, on peut être lâché et ensuite, on peut être lynché. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté sur les très importantes oppositions au pape François.