Archives déclassifiées sur l'assassinat de JFK : "Une volonté de dire que Trump ne se soumet plus", analyse un spécialiste des Etats-Unis
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Donald Trump a ordonné, jeudi 23 janvier, la déclassification des archives du gouvernement américain sur les assassinats du président John Fitzgerald Kennedy en 1963, de son frère Robert Kennedy en 1968, ainsi que du leader des droits civiques Martin Luther King la même année. "Tout sera révélé", a déclaré le président américain à la presse au moment de signer le décret à la Maison Blanche.
Ce n'est pas la première fois que des documents sont déclassifiés par Donald Trump, mais pour Corentin Sellin, chroniqueur politique américaine pour Les Jours.fr explique qu'il s'agit là de montrer qu'il ne "cède plus" à "la machine de l'Etat" dénoncée par ses partisans. Il s'agit aussi d'aller dans le sens de Robert Kennedy Junior, son ministre de la Santé, conspirationniste notoire et persuadé d'un complot autour de la mort de son oncle.
franceinfo : pourquoi Donald Trump prend-il cette décision de déclassifier ces archives en particulier ?
En 2017, Donald Trump avait déjà annoncé une levée d'archives concernant l'assassinat de JFK, mais cela avait été assez décevant finalement. Une partie des documents avait été retenue à la suite de la demande de la CIA et du FBI pour des raisons de sécurité nationale et beaucoup de ceux qui avaient été rendus publics étaient vraiment très caviardés, barrés de feutre noir. Donc il y avait eu un peu cette idée que Trump, lui même, s'était soumis à la machine de l'État, pour ne pas dire "l'État profond" comme le nomment ses partisans. Si Trump le refait aujourd'hui, c'est parce que il a été rejoint par Robert Kennedy Junior, fils de Robert Kennedy et donc neveu du président assassiné. Lui a toujours prétendu que son père et lui, n'avaient jamais cru à la théorie de la thèse du rapport Warren et qu'il y avait plusieurs tireurs à Dallas et donc un complot. Ca a d'ailleurs été la porte d'entrée de Robert Kennedy Jr dans le conspirationnisme.
Un peu après, il est passé au conspirationnisme santé, mais il a toujours eu cette dimension là. Donald Trump sait ce qu'il doit à Robert Kennedy Junior, car il faut bien comprendre que le ralliement dans la campagne de Robert Kennedy Junior a été un moment décisif dans la dynamique politique de la campagne. Trump l'a récompensé en lui donnant le ministère de la Santé, mais là, en plus, c'est un signal à cet électorat-là. Et puis c'est donc de dire que Trump ne se soumet plus à "l'Etat profond" et que toute la vérité doit être faite. Et effectivement autour de Trump, il y a aux origines de "l'Etat profond", le "deep state", ce mensonge sur Kennedy. Il y a ici une volonté d'affirmer que, maintenant, Trump, même devant la bureaucratie d'État, ne cède plus et ne recule plus.
Concrètement, que pourraient révéler ces documents s'ils étaient déclassifiés ?
Il y a très peu de chances que, dans les documents qui n'ont pas encore été publiés, on trouve la preuve d'un grand complot. En revanche, ce que l'on pourrait trouver, et que l'on a déjà un peu trouvé dans les précédentes livraisons de documents (Joe Biden a fait déclassifier toute une série de documents en 2022), c'est que la CIA a complètement pêché dans le traitement de Lee Harvey Oswald. C'est-à-dire que cet homme qui était parti vivre en URSS, qui était rentré dans des conditions rocambolesques aux Etats-Unis et qui était plus ou moins traité par des correspondants de la CIA, on pourrait trouver – sans que cela prouve en quoi que ce soit qu'il s'agissait bien d'un complot – que la CIA a complètement raté la gestion du cas Oswald. Et évidemment, ni la CIA ni le FBI n'ont envie que l'on déterre des affaires qui montreraient leur incompétence.
Cette volonté d'en savoir plus sur le dossier JFK se retrouve-t-elle plus largement dans la population américaine ou est-ce que cela se cantonne aux sphères complotistes ?
Oui, il y a une demande, même si, le temps passant, ce n'est plus l'enjeu majeur que cela a pu être. Mais il y a quand même la mémoire de JFK qui reste très forte, parce que cinéma, parce que télévision, parce que littérature, donc forcément, cela traverse les générations. Et puis aussi en raison d'un problème que l'on connait depuis 30 ans : l'œuvre de fiction la plus importante sur l'assassinat de JFK, le film d'Oliver Stone, est une œuvre conspirationniste. Même si c'est un grand film de cinéma, le JFK d'Oliver Stone a mélangé images d'archives et fausses images, un travail totalement conspirationniste. Il a figé la mémoire collective là dessus. Il y a, finalement, presque une attente de complot.