« Je ne veux plus y aller maman » : le documentaire intense et foutraque d’Antonio Fischetti sur Charlie et la mémoire d’Elsa Cayat
Le 7 janvier 2015, Antonio Fischetti, journaliste scientifique à Charlie Hebdo depuis 1997, enterrait sa tante, la sœur de sa mère, en Saône-et-Loire. Il a appris l’attentat qui a décimé sa rédaction, ses amis, ses mentors, en sortant du cimetière. Avec ce film, qu’il a mis plus de dix ans à construire, il s’interroge, beaucoup. Sur la psychanalyste Elsa Cayat, qu’il a longuement filmée et interrogée sur sa propre fascination pour la prostitution.
Sur son rapport à la religion, aussi, lui qui a été élevé par une mère italienne très croyante, dans un univers où les vierges en plastique et les médailles en aluminium servaient de talismans. Sur l’entrée de Charlie Hebdo dans sa vie d’enfant, par l’intermédiaire de ses sœurs, alors étudiantes : il lisait l’hebdomadaire satirique, entre un chocolat chaud et des tartines de beurre et de cacao, avec délectation, comme une entrée aussi dans le grand mystère de la sexualité, sujet alors on ne peut plus tabou.
Recoller les morceaux
Regard vif, attentif et intense, Elsa Cayat lui demande de réfléchir à ses fictions personnelles, et de faire le lien entre les pans de sa propre histoire, personnelle et familiale. Alors, avec l’aide de ses deux sœurs, d’une ancienne collaboratrice de Charlie et surtout du psychanalyste Yann Diener, il recolle les morceaux dans ce film qui tient autant de l’introspection que de l’hommage douloureux aux disparus, et au journal toujours vivant.
Ce documentaire de création, très foutraque, est terriblement personnel. On esquisse un sourire devant un SMS d’Elsa Cayat, alors qu’Antonio Fischetti est injustement accusé d’antisémitisme : « Tu es anti ces mythes », qui raconte si joliment son autrice.
On a le cœur serré aussi, souvent, devant le syndrome du survivant dont souffre le journaliste. Au final, il accepte d’écouter, au sens propre comme au figuré, le conseil d’Elsa Cayat : « Il ne faut pas essayer de trouver des généralités, il faut plonger dans son histoire. Et après, il faut nager. » Déchirant.
Je ne veux plus y aller maman, d’Antonio Fischetti, France, 1 h 50, diffusé à l’Espace Saint-Michel, Paris 5e.
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