On vous explique les origines du conflit entre l'Inde et le Pakistan autour du Cachemire

Le feu couvait à nouveau entre l'Inde et le Pakistan depuis l'attaque qui a fait 26 morts au sein du Cachemire indien, le 22 avril. L'escalade des tensions s'est transformée en affrontement militaire entre les deux puissances nucléaires, dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 mai. Les deux armées ont échangé des tirs d'artillerie le long de leur frontière contestée au Cachemire, après des frappes indiennes sur le sol pakistanais en représailles à l'attentat de Pahalgam.

Avec au moins 38 morts − 26 côté pakistanais et 12 côté indien − ces affrontements marquent la confrontation militaire la plus grave entre les deux pays depuis deux décennies. L'Inde et le Pakistan sont des nations rivales depuis leur création en 1947, se disputant la région du Cachemire. Franceinfo retrace l'histoire de ce conflit vieux de près de quatre-vingts ans.

En 1947 : une partition sanglante 

Le conflit entre les deux pays est né de la partition de l'Inde britannique en 1947. Cette division du territoire s'est essentiellement faite sur des motifs religieux : Louis Mountbatten, dernier vice-roi de l'Inde britannique et cousin du roi George VI, réussit à convaincre les dirigeants d'accepter la création de l'Inde à majorité hindoue et du Pakistan à majorité musulmane — bien plus tard, en 1971, une partie du Pakistan deviendra le Bangladesh.

D'un point de vue technique, la partition a été réalisée par un avocat britannique, Cyril John Radcliffe, qui ne connaissait rien à l'Inde. Alors que les autorités britanniques veulent aller vite dans le processus de décolonisation, il apparaît comme le profil idéal, celui qui prendra une décision impartiale. Dans une interview accordée à un journaliste britannique en 1976, Cyril John Radcliffe révèle ainsi qu'il a "presque donné Lahore à l'Inde, mais on lui a ensuite dit que le Pakistan se retrouverait sans aucune ville importante", car l'Inde disposait déjà de Calcutta, rapporte The New Indian Express. 

Cette partition jette sur les routes près de 15 millions de personnes : des musulmans vers le territoire pakistanais, des hindous et sikhs en direction inverse. Elle cause des émeutes et des massacres qui font un million de victimes. En 1948, Gandhi lui-même est assassiné par un nationaliste hindou qui l'aurait jugé trop pro-musulman.

Entre 1947 et 1949 : une première guerre

Dès l'automne 1947, la première guerre indo-pakistanaise éclate. Son motif est celui du contrôle de la région du Cachemire, qui appartient d'abord à l'Inde. A l'époque, ce territoire montagneux, riche en ressources en eau, est majoritairement peuplé de musulmans, mais est dirigé par un hindou. "L'élite du futur Pakistan considérait que le Cachemire faisait 'naturellement' partie du lot pakistanais", explique Christophe Jaffrelot, politologue français spécialiste du sous-continent indien, auprès du journal en ligne Orient XXI.

En 1948, une résolution de l'ONU prévoit un référendum d'autodétermination, resté toutefois lettre morte en raison du refus de New Delhi. Un cessez-le-feu est proclamé le 1er janvier 1949 le long d'une ligne de 770 km qui divise le Cachemire en deux parties : 37% reviennent au Pakistan (Azad-Kashmir) et 63% à l'Inde (Etat du Jammu-et-Cachemire).

Carte représentant la région contestée du Cachemire, que se disputent l'Inde et le Pakistan, et où des affrontements ont éclaté depuis le 22 avril 2025. (FRANCEINFO)
Carte représentant la région contestée du Cachemire, que se disputent l'Inde et le Pakistan, et où des affrontements ont éclaté depuis le 22 avril 2025. (FRANCEINFO)

"La solution qui avait été trouvée en 1949 (…) ne devait être que temporaire. (...) Ce n'est pas une frontière qui est internationalement reconnue, c'est une frontière de facto", rappelle Carole Dieterich, correspondante du journal Le Monde à New Delhi, interrogée par RTS. Depuis, l'Inde et le Pakistan n'ont jamais cessé de revendiquer la souveraineté de l'ensemble du Cachemire. La Chine finit aussi par occuper une petite partie de la région, à compter des années 1950.

En 1965 et 1971 : deux nouvelles guerres

Entre août et septembre 1965, le conflit est ravivé par l'intrusion au Cachemire indien d'un millier de séparatistes soutenus par le Pakistan. Cette seconde guerre indo-pakistanaise, qui fait des milliers de morts des deux côtés en seulement trois semaines, s'achève par une médiation soviétique. En janvier 1966, les deux pays signent un accord visant à régler leurs futurs différends par des moyens pacifiques, rappelle le New York Times.

L'accalmie est de courte durée. Début 1971, le Pakistan envoie des troupes dans la partie orientale de son territoire, le Bengale oriental, pour y affronter un mouvement séparatiste. Le conflit s'achève neuf mois plus tard, après l'intervention de l'armée indienne et près de trois millions de morts, par l'indépendance de ce qui devient le Bangladesh.

L'Inde et le Pakistan inaugurent ensuite une nouvelle ère de relations bilatérales en 1972 avec l'accord de Shimla. La ligne de cessez-le-feu de 1949 devient une "ligne de contrôle", à la fois militaire et administrative. Elle marque aussi le déclin du rôle de l'ONU dans le conflit, rapporte le site des presses universitaires d'Oxford.

En 1974, ce conflit prend une autre dimension avec l'introduction de l'arme nucléaire, augmentant les risques liés à la confrontation. Cette année-là, l'Inde test sa première arme atomique, et le Pakistan franchit le même cap deux décennies plus tard. Aujourd'hui, ce dernier dispose de 170 ogives nucléaires, un chiffre similaire à l'Inde, estimait en 2023 la Fédération des scientifiques américains, organisation indépendante spécialisée dans les questions de prolifération nucléaire. 

En 1989 : une insurrection séparatiste

Fin 1989, des insurgés qui réclament l'indépendance ou le rattachement du Cachemire indien au Pakistan engagent des combats contre l'armée de New Delhi. Ciblées par les rebelles, les populations hindoues fuient vers d'autres régions de l'Inde. Depuis, l'Inde accuse régulièrement le Pakistan de financer et d'entraîner les insurgés, qui continuent à mener le combat contre quelque 500 000 soldats indiens déployés dans la région. A ce jour, ils ont fait des dizaines de milliers de morts, militaires, rebelles ou civils.

Entre 1998 et 1999 : le conflit de Kargil

En 1999, New Delhi accuse Islamabad d'avoir infiltré dans sa partie du Cachemire des combattants islamistes et des soldats pakistanais pour prendre le contrôle de positions stratégiques. Les combats, acharnés, font plus d'un millier de morts, notamment dans la région de Kargil. 

Le 1er octobre 2001, un attentat devant l'assemblée régionale du Cachemire indien à Srinagar fait 38 morts. Au bord d'un quatrième conflit au printemps 2002, les deux rivaux renouent en avril 2003 des liens diplomatiques et concluent un cessez-le-feu, qui ne met toutefois pas fin à la guérilla.

Depuis 2008 : des attentats et des regains de tension

En 2008, une série d'attentats jihadistes cause la mort de 166 personnes à Bombay. L'Inde accuse le Pakistan et interrompt le processus de paix. En effet, parmi les assaillants de cet attentat, le seul survivant, Ajmal Kasab, avoue appartenir à un mouvement islamiste : le Lashkar-e-Taiba, dont les camps d'entraînement se situent au Pakistan. C'est cette même organisation que l'Inde a notamment ciblé dans la nuit de mardi à mercredi, dix-sept ans plus tard, en visant une mosquée dans le Pendjab pakistanais, liée selon New Delhi à des groupes proches du Lashkar-e-Taiba. 

"Il est de longue date notoire que le Pakistan fait appel à des groupes terroristes pour maintenir l'instabilité dans la partie indienne du Cachemire, susciter des sentiments anti-indiens et encourager la radicalisation d'une jeunesse locale ne voyant guère d'issue pacifique se dessiner", analyse pour la revue Conflits Olivier Guillard, spécialiste de l'Asie.

En 2019, l'Inde mène des frappes sur le sol pakistanais après une attaque qui a tué 40 de ses paramilitaires à Pulwama, dans le Cachemire indien. Le Pakistan riposte et abat un avion de l'autre camp. La même année, le gouvernement ultranationaliste de New Delhi veut forcer l'"hindouisation" de sa région du Cachemire. Il lui enlève des pouvoirs, révoquant son statut de semi-autonomie. Le territoire est également coupé en deux, en fonction des religions. Le Cachemire indien prend sa revanche sur Narendra Modi lors des élections régionales en 2024, avec la victoire de l'opposition. 

Puis a lieu l'attentat de Pahalgam, le 22 avril, suivi par un regain de tensions les jours suivants. Alors qu'un traité datant de 1960 garantit un accès équitable aux fleuves pour les deux pays, l'Inde annonce notamment qu'elle compte "couper l'eau" des affluents qui irriguent le Pakistan.

Avant même l'escalade qui s'est produite dans la nuit de mardi à mercredi, le chercheur Paul Staniland estimait auprès du Monde les raisons de prendre au sérieux le risque d'attaques armées entre New Delhi et Islamabad. "Du point de vue de l'Inde, le Pakistan a refusé d'éliminer les organisations terroristes présentes sur son sol et doit donc être puni afin de dissuader de futures attaques ; du point de vue du Pakistan, il s'agit de montrer qu'il peut tenir tête à l'Inde plutôt que de se laisser intimider."