"Il y a une normalisation de la parole raciste" : la Défenseure des droits alerte sur les nombreuses discriminations liées à l'origine, la religion et la nationalité dans le cadre professionnel
Les actes racistes sont en augmentation partout en France en 2024 et le secteur de l'entreprise n'y échappe pas. Vendredi 21 mars, journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, la Défenseure des droits, Claire Hédon, publie un rapport accablant : les discriminations liées à l'origine, la religion et la nationalité se produisent majoritairement dans le cadre professionnel.
Farid a 37 ans, il est technicien de maintenance dans le milieu de l'hôtellerie. Tout en rangeant ses outils dans son camion, à Paris, il raconte le jour où il a été confronté au racisme pour la première fois sur son lieu de travail. En 2017, il travaille pour un hôtel 5 étoiles à Paris. À la suite d'une erreur, il demande à s'entretenir avec sa directrice pour s'expliquer. Il raconte qu'elle lui lance alors : "De toute façon, les gens comme vous, ça n'a rien à faire ici. Moi, je vais me débarrasser de vous."
"Un moyen de pression"
Pendant trois jours, il se souvient que la directrice poursuit ses allusions racistes, lors de discussions informelles auxquelles Farid assiste. "La première fois, je pensais que c'était sous l'énervement, mais ensuite c’était des allusions carrément sur le fait que je ne mange pas de porc, sur le fait que je fasse le ramadan, que c'était n'importe quoi, que la France irait mieux s'il y avait moins de gens de banlieue", énumère-t-il. Il dit avoir compris que sa directrice se servait du racisme comme "un moyen de pression de pouvoir [le] dégoûter" du travail. Farid prend alors la décision de contacter sa hiérarchie, qui lui indique qu'"il n'y a pas lieu d'aller plus loin car personne n'a relevé cette situation-là et que c'était [sa] parole contre [celle de sa directrice]". Il quitte son travail et, désabusé, il décide de ne pas saisir la justice.
Farid est loin d'être le seul à ne pas poursuivre son entreprise. Cette année en France, 17% de la population active déclare avoir vécu une discrimination ou un harcèlement discriminatoire sur son lieu de travail en raison de son origine, de sa nationalité ou de sa couleur de peau, et 18% en raison de sa religion, soit 11% de plus qu'en 2023.
Mobiliser les organisations syndicales
La grande majorité des victimes ne fait pas de signalement pour plusieurs raisons, explique Gérard Ré, de la CGT : "Parce qu'il y a une normalisation de la parole raciste et donc, effectivement et malheureusement, les personnes ont tendance à aussi normaliser ou à minimiser la portée de l'acte." "On peut considérer que c'est de l'humour, qu'il n'a pas fait exprès, que c'est sorti de son contexte, etc.", ajoute-t-il. Autre raison, selon lui : "L'appareil juridique n'est pas toujours facile à mobiliser. On se dit que ça va être long, que ça va être compliqué, dans le contexte actuel d'autant plus, et donc ça décourage aussi beaucoup les salariés qui voudraient agir." Il recommande de "mobiliser les organisations syndicales, contacter le Défenseur des droits" pour pouvoir faire cesser ces agissements.
Il existe des outils pour lutter contre le racisme au travail : c'est le message de la campagne lancée vendredi 21 mars par les syndicats majoritaires rassemblés en intersyndical. Dès samedi des tracts et des affiches seront diffusés dans les entreprises. En 2024, la moitié des réclamations faites auprès de la Défenseure des droits étaient liées à des discriminations fondées sur les origines sur son lieu de travail.