Les chevaliers de retour au château des ducs de Bretagne à Nantes

Le Figaro Nantes

Les chevaliers reprennent leurs quartiers au château des ducs de Bretagne. Comme un retour aux sources pour cette forteresse du XIIIe siècle et son musée d'histoire, qui ont accueilli, ces dernières années, la fresque industrielle des biscuiteries Lu, les heures sombres de la traite atlantique nantaise, les arts sacrés du monde indien ou encore le legs foisonnant des hordes mongoles. Dix ans après sa première collaboration avec le musée Stibbert, de Florence, le château nantais a de nouveau topé avec cette armurerie italienne aux militaria rutilants. Fini l'orientalisme : aux plastrons laqués du Japon prêtés en 2014 succèdent aujourd'hui les osts époustouflants de chevaliers en armure de plate, ceints de leurs armes de guerre. Débarquée des États-Unis où elle a été présentée ces derniers mois, la nouvelle exposition de la résidence des ducs de Bretagne, sobrement intitulée «Chevaliers», donne de sacrés airs de caserne au château qui abritera cette faune d'acier jusqu’au 20 avril.

Harnois de cavaliers et cuirasses de fantassins, arsenaux de joute et armes de parade constituent ainsi la part du lion des quelque 150 objets présentés au palais ducal. Comme une promesse, une Excalibur plantée dans son rocher veille en sentinelle à l'orée du parcours. L'évocation du cycle du Graal et de la table ronde arthurienne s'avère un rien spécieuse : la chevalerie médiévale n'est pas, à proprement parler, le sujet de l'exposition. Et pour une bonne raison : si les objets les plus anciens de la collection Stibbert remontent au crépuscule du Moyen-Âge, l'écrasante majorité des pièces date des XVIe et XVIIe siècles. Seuls les panneaux et les dispositifs ludiques s'activent à rappeler l'histoire et la nature du chevalier médiéval, sa formation, son quotidien, ses légendes. Figures emblématiques de cette excellence, Godefroy de Bouillon et Robert Guiscard sont présentés au milieu d'armures contemporaines des guerres d'Italie et de portraits peints filant jusqu'à la guerre de Trente Ans. Un grand écart de 500 ans ! Ces confrontations inattendues ont le mérite de révéler l'objet véritable de l'exposition, qui porte moins sur les chevaliers tels qu’ils ont été que sur la persistance de leur figure idéalisée, de la Renaissance à l'aboutissement romantique du XIXe siècle.

Vue générale de l'exposition «Chevaliers», au château des ducs de Bretagne. David Gallard, LVAN

Le parcours accompagne donc la sortie du chevalier hors du champ de bataille et son entrée dans celui du mythe en empruntant une approche «quasi anthropologique», pour reprendre les mots du directeur du musée d'histoire de Nantes, Bertrand Guillet. Ses équipes ont dû se résoudre à faire avec les contraintes de cette exposition livrée clés en main par le musée Stibbert, exportée à l'international par l'agence Contemporanea Progetti et aménagée, à la marge, par le château nantais. Peu d'objets additionnels se sont fait une place entre les mailles de la collection italienne, restreignant les quelques pas de côté imaginés pour l'occasion, comme une section passionnante sur «les femmes-chevaliers», limitée à un dispositif vidéo flanqué de deux panneaux. Un peu chiche.

Reste la rencontre avec les chevaliers eux-mêmes. Deux modèles en armure de plate italienne, installés sur leur destrier caparaçonné, donnent le ton de la visite. La sobriété ornementale prévaut encore sur ces soldats du début du XVIe siècle aux harnais impénétrables. Et puis le développement de la poudre à canon et des armes à feu relègue inexorablement le chevalier aux tournois et aux joutes de festivité. 

La mode fait dès lors son irruption sur ces protections devenues simples rappels d'un rang social ou accessoires de pose. Des condottiere goguenards bombent leur torse de métal pour les pinceaux de Jean de Saive. L'utile cède à la fioriture. L'acier des cuirasses se cisèle de rinceaux et d'emblèmes. Une vitrine présente un ensemble milanais paré de fantaisistes épaulières léonines, dans le goût antique. Une autre expose un armet de cavalier étourdissant de luxe, le métal couvert de gravures foisonnantes où se débattent dragons et monstres marins, anges aux ailes déployées et soudards aux lourds cimeterres. Cette création du XIXe siècle clôt cette monstration armurée où prime, en fin compte, la délectation esthétique, comme un contre-pied à l'érudite exposition Gengis Khan montée l'an passé entre ces mêmes murs. Signe de son accessibilité, l'exposition s'achève par une séquence consacrée à la fortune critique de la chevalerie au cinéma. L'ultime objet présenté ? Une photo de Rey Skywalker, l'héroïne des derniers Star Wars. Ou l'avatar moderne des chevaleresses d'antan.