TEMOIGNAGE. "Les rues étaient jonchées de cadavres" : un secouriste de la Défense civile de Gaza raconte l'horreur de son quotidien

À 25 ans, Abdallah Al Majdalawi est secouriste pour la Défense civile de Gaza liée à l'Autorité palestinienne. Il fait partie de ceux qui, chaque jour, tentent de sauver des vies, mais comptabilisent aussi les morts. Après plus d'un an et de demi de conflit, le sauveteur n'a qu'un souhait : "Dormir d'une traite, sans être réveillé par un mauvais rêve".

La vie d'Abdallah a basculé depuis le début de la guerre. Chaque jour, il réalise deux à quatre interventions, dort peu et cohabite avec des visions d'horreur quotidiennes, où s'entremêlent les corps et les gravats de bâtiments détruits.

"L'odeur était insupportable"

Il se rappelle avec effroi d'une intervention de février 2024. Une journée comme une autre dans la ville de Gaza. "Les rues étaient jonchées de cadavres. On les a ramassés un par un, raconte Abdallah. Et puis quelqu'un nous a interpellés et nous a dirigés vers une maison bombardée. Elle était habitée."

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Le secouriste se dirige alors vers ce qui reste du bâtiment et appelle les éventuels survivants. C'est alors qu'il perçoit un murmure. "C'était un petit garçon. Avec mon binôme, nous avons commencé à creuser pour l'atteindre. Il y avait des cadavres en décomposition sous les décombres. Cela faisait douze jours qu'ils étaient là. L'odeur était insupportable", se souvient-il.

"Je retire un dernier corps… Le petit était là, juste en dessous. Il était squelettique."

Abdallah Al Majdalawi, secouriste pour la Défense civile de Gaza

à franceinfo

Immédiatement, ce corps d'une maigreur extrême lui rappelle les "images d'enfants lors de la famine en Somalie, dans les années 90". Le petit garçon s'appelle Ahmed. Il s'en sort, grâce notamment au binôme d'Abdallah, Ali, qui l'extrait des gravats. C'est l'une de ses dernières interventions.

"Jamais je n'ai vécu une expérience aussi dure"

Ali meurt quelques semaines plus tard. Un souvenir encore à vif dans l'esprit d'Abdallah : "Nous avons été bombardés en pleine intervention. Ali était à l'étage au-dessus de moi. Je suis monté. Je n'ai trouvé que sa main. J'ai tout de suite su que c'était la sienne…"

"C'était une main dans un gant de secouriste. Ali a été projeté du troisième étage. J'ai retrouvé son corps au sol. Jamais je n'ai vécu une expérience aussi dure", souffle-t-il. Abdallah et son équipe ne peuvent pas aider tout le monde. Il n'y a plus d'essence, peu d'ambulances… Les secouristes manquent de tout.

Alors tous les jours, il faut choisir. Les sauveteurs sont contraints de se concentrer sur certaines interventions et donc condamner à une mort probable des victimes qui auraient pu être épargnées.