Procès French Bukkake : la cour de cassation va-t-elle retenir la torture comme chef d’accusation contre la plateforme pornographique ?

Avant même le procès contre l’industrie pornographique de la plateforme French Bukkake, les avocats des parties civiles ont déjà commencé à se battre. Depuis les conclusions de la chambre d’instruction, ils demandent à ce que soient requalifiés les chefs d’accusation. Si les faits de viols, viols en réunion, proxénétisme et traite d’êtres humains pour certains des 16 accusés ont été retenus, une trentaine de plaignantes demandent que soient aussi prises en compte les circonstances aggravantes de torture, sexisme et racisme. Sollicitée, la Cour d’appel de Paris avait déjà tranché le 6 février dernier en les rejetant. Les parties civiles avaient alors saisi la Cour de cassation qui avait trois mois pour statuer.

L’avocat général ne veut pas retenir la torture

« On reconnaît l’existence de viols, y compris aggravés par la sérialité, par des auteurs qui agissent en même temps sur plusieurs personnes, avec des propos insultants, humiliants », a estimé l’avocat général. Pour autant, il ne veut pas retenir la torture n’estimant pas les actes subis d’une « gravité exceptionnelle dépassant les simples violences et provoquant de souffrances aiguës ». Les récits des survivantes, relatées notamment dans l’Humanité, attestent pourtant de séquelles « phénoménales ». « Un truc pareil, ça vous détruit », nous confiait l’une d’entre elles.

Pour maître Paul Mathonnet, représentant les parties civiles à la cour de cassation, au contraire, « les actes sexuels ont été volontairement infligés sans consentement, avec une brutalité dont tous les hommes avaient conscience, sur des femmes dont il est constaté qu’elles exprimaient leur douleur, en tenant des propos humiliants et en imposant des positions avilissantes ou en étant témoin direct ».

Le piège de la réforme des cours criminelles départementales

Lorraine Questiaux, l’une des avocates des parties civiles, dénonce un « raisonnement au cœur de la culture du viol ». « On impute à la victime la responsabilité de la violence de l’agresseur, détaille l’avocate. La Cour européenne des droits de l’homme a encore récemment condamné la juridiction chypriote pour ce type de « victim blaming ».

L’enjeu de la requalification du chef d’accusation est important : les seules circonstances aggravantes retenues ne permettent pas de renvoyer cette affaire devant une Cour d’assises, mais devant une cour criminelle départementale, qui ne peut pas juger les crimes concernant des peines au-delà de 20 ans. Si la torture et la barbarie ne sont pas retenues par la cour de cassation, elles ne pourront plus être évoquées devant cette juridiction, déclarée incompétente. « C’est le piège de cette réforme des cours criminelles départementales : on déqualifie ainsi des dossiers en favorisant l’impunité des agresseurs », estime Lorraine Questiaux. Mise en délibéré, la décision de la Cour de cassation est attendue avant le 19 mai.

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus