Reconnaissance de l'État de Palestine : "Le Royaume-Uni met Netanyahou devant l'impossible", pointe Adel Bakawan, directeur de l'Institut Européen pour les Études sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord
Au cœur de la conférence des Nations Unies débutée lundi 28 juillet sur le conflit israélo-palestinien, la solution à deux États, martelée depuis deux jours par plusieurs puissances, dont la France, qui a par ailleurs annoncé reconnaître la Palestine dès la rentrée. Le Royaume-Uni envisage de lui emboîter le pas, si Israël ne prend pas certains engagements. Adel Bakawan, directeur de l'Institut Européen pour les Études sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (EISMENA), auteur de La décomposition du Moyen-Orient, répond aux questions de Leïla Salhi et Aude Soufi-Burridge dans "La Matinale" du mercredi 30 juillet.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Leïla Salhi : Ce deuxième jour de conférence a été marqué par, on l'a entendu, l'annonce du Royaume-Uni qui envisage de reconnaître l'État de Palestine, sauf si Israël prend un certain nombre d'engagements. Quel poids a cette annonce ?
Adel Bakawan : Déjà, le Royaume-Uni coupe radicalement avec la politique du gouvernement israélien. C'est une très bonne nouvelle, car ce n'est jamais arrivé depuis 22 mois : même pas à l'échelle des remarques, des discours, de la théorie. C'est la première fois qu'on entre dans une rupture, je pourrais même dire, épistémologique avec la politique de Benyamin Netanyahou.
Et en posant tout de même des conditions...
Oui, mais les conditions sont très importantes. Si le gouvernement israélien met en place ces conditions, c'est qu'il signe la fin de la gouvernance de Benyamin Netanyahou. La première condition est que cette guerre doit s'arrêter. L'arrêt de la guerre, c'est-à-dire, le retrait des ministres extrémistes de son gouvernement. Le retrait des ministres extrémistes de son gouvernement, c'est la fin de ce gouvernement. Ensuite, l'aide alimentaire doit arriver dans la bande de Gaza, pas par la Fondation américaine pour Gaza, mais par les agences des Nations unies : c'est la fin de son gouvernement. Et ensuite, la condition la plus importante, c'est l'annexion. Le gouvernement israélien doit renoncer officiellement et définitivement à l'annexion. Autrement dit, on met le gouvernement de Benyamin Netanyahou devant l'impossible. S'il l'applique, c'est la fin de ce gouvernement, ce qui rend la situation complètement différente par rapport à avant cette opposition. Et donc, bravo. Bravo au président Macron. Depuis plusieurs jours, je passe de plateau en plateau pour dire que lorsque le président Macron fait une bonne chose, il faut le dire. Le président Macron a remplacé la politique au cœur d'une situation où on n'avait que la guerre et la bombe.
"Pour l'acceptation d'Israël dans ce système moyen-oriental, il faut absolument un État palestinien"
Aude Soufi-Burridge : Keir Starmer, c'est la pression populaire qui l'a finalement poussé à faire cette annonce qui, encore une fois, est une façon de mettre la pression sur le gouvernement israélien. Finalement, ce qu'espère le Premier ministre britannique, c'est qu'en septembre, il n'aura pas à reconnaître l'État palestinien.
Adel Bakawan : Il n'y a aucun doute, mais nous avons une donnée factuelle. C'est Emmanuel Macron, le président de la République, qui a pris en premier cette initiative. C'est lui qui a transformé les rapports de force.
Mais il l'avait déjà annoncé il y a deux mois, et ça n'avait pas fait bouger les choses. C'est aussi une espèce de prise de conscience très tardive générale, les images de la famine à Gaza, qui font que les opinions publiques font pression sur leur gouvernement.
Adel Bakawan : Il y avait plusieurs conditions, mais là, cette semaine, il n'y a plus de conditions : "Je vais reconnaître au mois de septembre l'État de Palestine". Et donc, cette clarté du président de la République, est en confrontation directe avec le gouvernement israélien, sa politique, que même certains Israéliens qualifient de "génocidaire". Les lignes ne sont pas uniquement franchies, les lignes sont transgressées, les tabous sont transgressés. Aujourd'hui, nous sommes devant une famine généralisée, un crime de guerre. La situation n'est plus acceptable. Alors, pour la sécurité d'Israël, pour la stabilité d'Israël, pour l'acceptation, l'intégration d'Israël dans ce système moyen-oriental, il faut absolument un État palestinien.
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