Loïs Boisson sera-t-elle aussi le phénomène du Grand Chelem londonien, trois semaines après son brillant parcours à Roland-Garros ? La Française passée de la 361e à la 65e place en quinze jours de terre battue parisienne, lance son premier tournoi sur gazon par les qualifications de Wimbledon, mardi 24 juin. Elle sera opposée à la Canadienne Carson Branstine, 197e mondiale. Loin de la surface qu’elle affectionne et avec une attention médiatique nouvelle, elle va devoir apprivoiser ce nouveau terrain de jeu pour confirmer son statut tout neuf.
"Elle devra faire évoluer son jeu, analysait à chaud après le tournoi parisien, son coach Florian Reynet auprès de franceinfo : sport. Mais elle a des armes pour bien jouer sur gazon, que ce soit son service, son slice, ses montées au filet", énumérait-il encore. Peu vernie par le tirage au sort, Loïs Boisson, pourtant tête de série n°1 de ces qualifications qui se déroulent dans l’enceinte de Roehampton à Londres, pourrait croiser dès le 2e tour mercredi, une autre Canadienne, Bianca Andreescu, 147e mondiale, mais qui a déjà remporté un tournoi du Grand Chelem en 2019 à l’US Open.
"Bien sûr que c'est possible [qu'elle confirme à Wimbledon ses résultats à Paris], affirmait Amélie Mauresmo en clôture de Roland Garros. C’est vrai qu’historiquement, le gazon est une surface qui demande quand même de l’expérience, notait l’ancienne numéro un mondiale, lauréate de Wimbledon en 2006. Mais, ça va aussi être la joie de la découverte. Il faut garder l'esprit ouvert, ne pas tout remettre à zéro mais faire les ajustements le plus rapidement possible pour adapter son jeu à cette surface", complétait-elle.
Une grande inconnue sur gazon
Novice sur l’herbe, Loïs Boisson s’avance en terre inconnue. "Son rapport au gazon ? C’est simple : elle n’a jamais joué dessus, donc voilà le rapport, plaisantait son coach auprès de franceinfo : sport. C’est le néant, elle va le découvrir dans les prochaines semaines. Elle va devoir apprivoiser ses déplacements, qui sont plus compliqués sur l’herbe", confiait-il encore.
"Ellle n’est pas qualifiée pour le tour principal", rappelle à franceinfo: sport Arnaud Clément, notre consultant. Elle doit donc d’abord se frotter à trois adversaires différentes, et les batttre évidemment, pour disputer Wimbledon. Malgré sa demande de bénéficier d'une invitation pour intégrer le tableau principal avec son 65e rang mondial, la joueuse française de 22 ans n'en a pas bénéficié. Pas de quoi décourager la nouvelle numéro un française. "C'est top que le gazon arrive, partageait-elle au lendemain de son élimination par Coco Gauff à Roland-Garros. Je n’ai jamais joué sur gazon donc ça va être une expérience de plus. Je pense que je vais vraiment prendre du plaisir et donner le maximum encore".
"Le gazon, on peut aimer immédiatement et prendre ses marques très vite. Et pour certains ou certaines, ça peut prendre beaucoup plus de temps."
Arnaud Clément, ex-n°10 mondial et quart de finaliste à Wimbledon en 2008à franceinfo: sport
"Il n'y a pas de raison que ça ne marche pas. Mais ce seront ses premiers tournois sur cette surface, donc il faudra modérer les attentes, même si elle peut vite être performante dessus", tempère son coach Florian Reynet auprès de franceinfo : sport. Les voyants clignotent donc globalement en vert, et notamment avec l’évolution du gazon. "L’herbe a évolué depuis plusieurs années maintenant, précise Amélie Mauresmo. Le jeu s’est ralenti. Il y a toujours des spécificités par rapport à la hauteur du rebond mais globalement, les échanges sont désormais possibles sur gazon, ce qui va clairement dans le sens de son jeu".
Des atouts qui peuvent lui servir sur terre
Loïs Boisson, c’est un service régulièrement au-dessus de 190 km/h, des qualités physiques évidentes et une variété dans le jeu, qui a largement gêné ses adversaires à Roland-Garros, notamment Jessica Pegula et Mirra Andreeva, les deux Top 10 qu’elle a éliminées. "Si on regarde sa technique, la manière d'utiliser les coups droits liftés, les trajectoires, elle ne peut pas faire ça sur le gazon où les balles sont frappées à plat, soulignait le Croate Ivan Ljubicic, Directeur technique national (DTN) chargé du haut niveau à la Fédération française de tennis (FFT), qui a précisé qu'elle devra "utiliser mieux le slice". Des faiblesses pondérées par Arnaud Clément.
"Au vu de ses qualités athlétiques, de sa manière de se déplacer, je pense qu’elle peut rapidement prendre ses marques. Elle a un énorme service aussi, ce qui peut vraiment faire beaucoup de dégâts sur le circuit féminin. Il en a fait sur terre battue, il en fera encore plus sur gazon."
Arnaud Clément, vainqueur de Wimbledon en double en 2007à franceinfo: sport
Avec les variations nombreuses de son revers, et la puissance du coup droit de Loïs Boisson, l'ancien 10e mondial pointe des atouts. "Il n’a pas été rare dans le passé de voir des joueurs performants sur terre battue, qui naturellement avaient les mêmes aptitudes et qualités d’adaptation sur gazon", poursuit-il. "Pour moi, elle a tous les ingrédients pour jouer sur toutes les surfaces. Maintenant, il va falloir adapter certaines des choses, les déplacements notamment", affirmait, à l'AFP, son préparateur physique Sébastien Durand, quelques jours avant son entrée en lice en qualifications.
Une épopée qu’elle va devoir digérer ?
Le gazon, la surface préférée d’Arnaud Clément, nécessite en effet de "bouger différemment", comme il le précise : "Les fibres musculaires sont sollicitées d’une autre manière, les fessiers travaillent plus et on est un peu plus bas sur les appuis, même si aujourd’hui, on arrive désormais à glisser sur cette surface. Avant personne ne le faisait, on posait des appuis ce qui obligeait à être vraiment bas", analyse-t-il. Il avertit également que les courbatures sont souvent plus prononcées les premiers jours et admet que "la transition n’est pas la plus facile".
"Le tennis est un sport très exigeant, rappelait Justine Hénin à franceinfo : sport après Roland-Garros. Il se joue sur différentes surfaces, à différents endroits du monde. Loïs Boisson, je l’ai découverte à Paris cette année et je ne compte pas la lâcher, je vais la suivre et observer son développement", partageait l’ex-numéro un mondiale belge.
"Elle a l’air d’être très bien entourée et d’avoir la tête sur les épaules donc ça va lui faire du bien d’aller jouer ailleurs, en continuant à travailler, à poursuivre ses apprentissages, emmagasiner des expériences", se réjouissait la consultante France Télévisions, qui scrutera ses performances sur le gazon londonien, le seul tournoi du Grand Chelem que la Belge n’a jamais remporté malgré deux finales en 2001 et en 2006, contre… Amélie Mauresmo. Désormais directrice de Roland-Garros, cette dernière considère que l’adaptation entre le tournoi parisien et Wimbledon "demande quand même moins de faire le grand écart aujourd’hui par rapport à il y a vingt ans ou plus".