REPORTAGE. "Nous allons continuer notre combat" : en Turquie, le soutien au maire d'Istanbul ne faiblit pas
Il appelle la nation à lutter. En Turquie, le populaire maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu a été emprisonné dimanche 23 mars, sous l’accusation de corruption. Cela n'a pas empêché son parti de l'investir pour la prochaine présidentielle, en 2028, lors de primaires ouvertes à tous, dites de solidarité.
Le CHP, le Parti républicain du peuple auquel appartient Ekrem Imamoglu, revendique 15 millions de voix, un plébiscite pour la bête noire du président Erdogan. Dimanche soir, pour la cinquième nuit consécutive depuis l'arrestation du maire d'Istanbul, les Turcs sont massivement descendus dans les rues.
"Ça empire de jour en jour"
Le rassemblement devant le siège de la municipalité à Istanbul est encore une fois impressionnant, avec plusieurs dizaines de milliers de participants. Parmi eux, de très nombreux jeunes conspuent le gouvernement et le président : "Nous sommes jeunes et nous voulons pouvoir rester vivre dans notre pays, dit un manifestant. Ça empire de jour en jour, la démocratie, nos droits… Il faut protéger notre avenir et nos droits. C’est pourquoi il est crucial de venir ici."
"Nous voulons un bel avenir, pacifique et démocratique."
un june manifestant turc à Istanbulà franceinfo
Ils scandent "Droit, Loi, Justice !", toutes générations confondues. "Nous sommes là pour que le combat ne s’arrête pas. Moi, j’ai 68 ans et je suis tous les jours dans la rue, explique Füsun, procureur à la retraite. Je souhaite que l’on retrouve un régime parlementaire. Tous les pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire se sont retrouvés dans la main d’un seul homme."
Un homme, le président Erdogan, dont les manifestants sentent qu’il menace désormais directement chacun, que toute critique devient impossible. On entend résonner les chants à la gloire d’Atatürk, le père fondateur de la république laïque de Turquie, dont beaucoup se revendiquent.
Détermination
La question se pose maintenant de la suite du mouvement. Les manifestations des cinq dernières nuits dépassent Istanbul, elles touchent deux tiers des provinces turques. Sevim, une jeune mère, n’entend pas baisser les bras : "Nous allons continuer notre combat. Que le monde entier le sache. Le couteau a atteint l’os. Gezi [du nom du parc où s'étaient déroulées de gigantesques manifestations antigouvernementales en 2013] était notre espoir, c’était une étincelle pour nous. Et ce feu va maintenant croître." Il y a 12 ans. Recep Tayyip Erdogan avait maté le dernier mouvement d'ampleur à Gezi au bout de quelques semaines.
Cette fois, l’épreuve de force ne fait que commencer, estime Mehmet, ingénieur. "Ce mouvement est pacifique mais jusqu’à un certain point. Si nous allons jusqu’au bout pour obtenir gain de cause, le gouvernement d'Erdogan va s’attaquer à ce rassemblement. Et nous riposterons. S’il faut faire la guerre, nous répondrons présent." Les jours à venir seront déterminants.