Tchad : la rupture des accords de défense, un camouflet pour la France
L’annonce a pris tout le monde de court. Jeudi, au beau milieu de la nuit, les autorités tchadiennes ont annoncé la « décision de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense » signé avec Paris en 1966. Une rupture d’autant plus inattendue qu’elle intervient quelques heures après une visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, auprès de son homologue Abderaman Koulamallah. Celle-ci semblait s’être déroulée sans incident.
Les raisons qui ont poussé N’Djaména à agir si brusquement restent mystérieuses. Officiellement, il s’agit d’un « tournant historique » et du signe qu’il « est temps pour le Tchad de marquer sa souveraineté pleine et entière ». « Cela ressemble plus à un coup de sang du gouvernement », souligne un observateur, même si le 28 novembre est la date de la fête nationale au Tchad. Paris, de son côté, n’avait pas réagi vendredi matin.
La France chassée par les juntes militaires
Pour la France, cela demeure un camouflet. L’Afrique disparaît progressivement des cartes militaires françaises. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, d’où elle a été chassée par les juntes militaires qui y avaient pris le pouvoir, la France est désormais priée de retirer ses troupes du Tchad, souvent présenté comme le pilier de sa présence militaire au Sahel, mais aussi du Sénégal. Car peu avant le Tchad, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait annoncé dans une interview au Monde qu’il « n’y aurait bientôt plus de soldats français » dans son pays. Cette prise de position était certes plus attendue, le nouveau pouvoir à Dakar n’ayant jamais caché son peu d’enthousiasme pour la présence de troupes étrangères, mais elle reste une mauvaise nouvelle.
La présence militaire française sur le continent pourrait donc se limiter à quelques poignées de soldats en Côte d’Ivoire et au Gabon, ainsi qu’à une base à Djibouti.
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Les deux annonces interviennent dans un contexte très particulier, quelques jours après la remise en catimini du rapport de l’ancien secrétaire d’État à la coopération Jean-Marie Bockel, « envoyé personnel » du président Emmanuel Macron en Afrique, sur l’avenir des relations entre la France et ses partenaires africains.
Seuls la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Tchad étaient concernés par ses recommandations. Le Sénégal était traité à part, compte tenu de la situation politique dans le pays, disait-on à l’Élysée, ainsi que Djibouti, en raison de son importance stratégique comme porte d’entrée vers l’indo-pacifique. Une réduction de l’empreinte militaire était partout admise, sans qu’aucun chiffre ne soit avancé. Elle pourrait descendre « jusqu’à zéro », disait-on. Ailleurs, il était question de conserver un détachement de liaison, un socle permettant des déploiements sur mesure, en fonction des besoins de formation des armées partenaires ou des situations locales. Quelques équipements trop lourds pour être déplacés pourraient être laissés sur place : dépôts de carburant, de munitions, quelques véhicules… À Paris, on plaidait pour un dispositif « respirant ».
Menace djihadiste
Les militaires français plaident depuis des mois pour une invisibilisation de leur présence. Ils ont retenu les leçons de la guerre informationnelle qui leur a été livrée au Mali ou au Niger. En 2022, l’opération Barkhane a pris fin sans qu’une autre ne lui ait officiellement succédé. « Comment s’appellent les opérations en Afrique ? Elles n’ont pas de nom. Et que fait la presse dans ce cas-là ? Elle n’en parle plus », s’amusait un haut gradé il y a quelques semaines. Des coopérations se sont néanmoins poursuivies. Au large dans le Golfe de Guinée, la mission Corymbe lutte contre la pêche illégale et les trafics qui financent le terrorisme. Dix tonnes de cocaïne ont été saisies au printemps dernier. L’état-major continue aussi de surveiller, avec des moyens très limités désormais, l’extension de la menace djihadiste au Sahel.