Six Nations : XV de France, un sacre qui en appelle d’autres

La fête. Enfin. Samedi soir, les Bleus et leur capitaine meurtri, Antoine Dupont, ont pu communier avec leurs supporteurs dans un Stade de France en transe. Aux côtés de Grégory Alldritt, le meilleur joueur du monde a soulevé le trophée bien haut, ultime moment de bonheur - « Happiness Therapy », a-t-il posté sur X -, avant de longs mois de convalescence. Un trophée, donc. Une ligne sur le palmarès : vainqueur du Tournoi des six nations 2025, qui s’ajoute au Grand Chelem 2022. Ça devenait urgent car cette génération dite dorée, cornaquée depuis six ans par Fabien Galthié, alignait les succès d’estime (80 % de victoires, aime rappeler le sélectionneur) mais, surtout, les désillusions et les frustrations : quatre deuxièmes places dans le Tournoi et une élimination en quart de finale de « sa » Coupe du monde.

Les joueurs, Dupont en tête, l’avaient clamé à l’orée de cette compétition. Il était plus que temps de gagner des titres. C’est donc un réel soulagement autant qu’un signal important envoyé à la concurrence. Bien sûr, les Bleus, leur staff et leurs supporteurs peuvent regretter d’être passé à côté d’un Grand Chelem qui aurait eu encore plus de gueule, à cause de ces fautes de main qui ont transformé un nouveau triomphe à Twickenham en une défaite amère, cruelle, agaçante, sur le fil (26-25). Dommage. Mais ce trophée ressemblant à s’y méprendre à une cafetière italienne a ses vertus.

On a fait une très grosse tournée de novembre, on a fait un très bon Tournoi. On a remis l’équipe de France à sa place

Thomas Ramos, devenu samedi le meilleur réalisateur de l’histoire du XV de France

Il panse les plaies, déjà. Celles d’un soir d’octobre 2023 et d’une France hébétée après l’élimination, d’un petit point là aussi, par l’Afrique du Sud. Les Bleus ont mis du temps à évacuer ce rêve envolé de première couronne planétaire. « On a passé un après-Coupe du monde compliqué, a reconnu Thomas Ramos dans les entrailles du Stade de France. On a regardé les autres soulever des trophées. Donc, quand c’est à notre tour, on profite… »

Le buteur toulousain, devenu samedi le meilleur réalisateur de l’histoire du XV de France (désormais 450 points, contre 436 à Frédéric Michalak), souligne l’autre atout de cette première place. Les Bleus sont de nouveau regardés avec respect, voire crainte, par leurs adversaires. « On a fait une très grosse tournée de novembre, on a fait un très bon Tournoi. On a remis l’équipe de France à sa place. » Au sommet, parmi les prétendantes au titre suprême dans deux ans et demi en Australie. « On se prouve qu’on est capables de faire des gros matchs face à de grosses équipes, comme à Dublin face à l’Irlande (42-27). On peut regarder vers l’avant, maintenant. »

«L’équipe d’aujourd’hui est meilleure que celle de 2023»

Débarrassés de l’encombrante étiquette d’« éternels seconds » (dixit le pilier Cyril Baille), les Bleus effrayent de nouveau la concurrence. Leur mélange de puissance brute et d’allant offensif a sidéré tous leurs adversaires, inquiété ceux à venir et suscité un concert de louanges (pas toujours dénué d’arrière-pensées, espérant endormir ainsi leur vigilance…). Fabien Galthié, lui-même, y est allé de son compliment : « L’équipe d’aujourd’hui est meilleure que celle de 2023, a tranché le sélectionneur. Justement parce qu’elle est passée par 2023, puis par 2024 et un Tournoi difficile. Mais c’est ce qui permet à notre équipe de grandir, de se retrouver dans des situations parfois difficiles, dans l’adversité, et d’être capable d’en sortir avec un titre. » D’autant plus impressionnant qu’il a été arraché une année impaire, avec trois déplacements en cinq levées, dont l’exploit de Dublin - « Le rendez-vous de nos 6 ans », ainsi que l’a surnommé Galthié -, désormais le match étalon.

En juillet prochain, le XV de France est attendu en Nouvelle-Zélande pour trois test-matchs explosifs

Forts de ces nouvelles certitudes, d’un statut retrouvé et envié, les Bleus peuvent en effet regarder l’avenir plus sereinement. Avec la Coupe du monde 2027 en point d’orgue. « Tournoi après tournoi, on va essayer de gagner des trophées pour engranger de la confiance et arriver en Australie fin prêts », balise Romain Ntamack. L’ambition venant en gagnant, l’ouvreur toulousain, colossal d’efficacité en défense (28 plaquages réussis sur 28 tentés en trois titularisations !), se prend à réclamer un changement de planification. En juillet prochain, le XV de France est attendu en Nouvelle-Zélande pour trois test-matchs explosifs. Fidèle à sa flèche du temps, Fabien Galthié avait prévu, une nouvelle fois, de laisser ses meilleurs joueurs à l’herbage et d’envoyer une équipe bis au casse-pipe.

Une impasse face aux All Blacks qui n’est plus certaine. Pour engranger de l’expérience en terres hostiles et marquer leur territoire, certains cadres ont murmuré leur envie d’en être. Ainsi Grégory Alldritt, Thomas Ramos ou encore Romain Ntamack. « Je ne sais pas trop encore si les finalistes du Top 14 auront le droit d’aller en Nouvelle-Zélande. Peut-être qu’il y aura une exception de faite parce que c’est quand même une tournée exceptionnelle, unique. C’est mon rêve, de jouer là-bas. Donc si j’ai la chance de pouvoir y aller, même si le Stade Toulousain est en finale, ce sera avec plaisir… » Se confronter aux triples champions du monde, chez eux, pour savoir si les princes d’Europe peuvent se prendre pour les rois du monde.