REPORTAGE. "Nous sommes très mécontents" : autour de Koursk, la lassitude des Russes dans les territoires toujours occupés par l'armée ukrainienne

Autour de Koursk, en Russie, les Ukrainiens résistent malgré tout. Une petite partie de ce territoire russe est occupée par l'armée ukrainienne depuis son offensive lancée le 6 août dernier qui a pris par surprise l'armée russe. Bien qu'un responsable de l'état-major de l'armée russe affirme, jeudi 20 février, que les troupes de Moscou ont repris "plus de 800 kilomètres carrés" dans la région de Koursk, il admet que plus de 400 kilomètres carrés restent encore sous le contrôle de Kiev. C'est la première fois que le Kremlin rend publics des chiffres exacts sur les territoires russes occupés par l'Ukraine dans cette zone frontalière. Sur place, les Ukrainiens ne quittent pas le territoire russe et les habitants de la région commencent à s'inquiéter et à s'exaspérer.

Cela fait six mois que Lioubov est sans nouvelles de ses parents qui habitent Soudja, une petite ville d'à peine 6 000 habitants avant la guerre, près de la frontière avec l'Ukraine. Il s'agit de la plus grosse localité conquise par les Ukrainiens. "Je n'ai pas pu aller les chercher, ma voiture n'est pas assez rapide pour échapper aux drones", dit-elle.

Comme de nombreuses personnes âgées, les parents de Lioubov se sont retrouvés pris au piège dans la poche conquise par l'armée ukrainienne l'été dernier. Ils sont injoignables, et leur fille ne sait même pas s'ils sont en vie. "La Croix-Rouge n'y a pas accès aujourd'hui, déplore Lioubov. À cela s'ajoutent le manque de médicaments et l'absence de soins. Mes parents sont âgés, ils ont tous les deux environ 70 ans. Sans chauffage, bien sûr, je crains pour leur vie."

"Il n'y a personne pour apporter de la nourriture et de l'eau potable, à l'exception des militaires ukrainiens."

Lioubov, dont les parents sont près de Koursk

à franceinfo

Il y aurait 3 000 habitants de la région de Soudja dont on est sans nouvelles et 120 000 déplacés qui ont fui les zones de combat. Beaucoup d'entre eux vivent dans des conditions difficiles comme Valentina et sa famille : "Nous vivions à Soudja et personne n'avait besoin de rien. Tout allait bien. J'avais une voiture, une grande maison et maintenant, nous sommes dans une pièce avec toute la famille. Je n'ai aucune aide de nulle part. J'ai écrit à tous les endroits possibles. J'ai écrit au président, mais je n'ai pas eu de réponse."

"Les médias d'Etat ne parlent pas de notre histoire" 

En conséquence, chose rare en Russie, la colère éclate régulièrement à Koursk où des déplacés vont interpeller les autorités, notamment le nouveau gouverneur nommé par Vladimir Poutine qui tente régulièrement de calmer la grogne. Mais le pouvoir russe en place n'ose pas vraiment utiliser la répression. Lioubov a déjà organisé plusieurs actions. "Nous sommes très mécontents du gouvernement et du fait que nos demandes d'ouverture de corridor n'ont pas été entendues depuis six mois, explique-t-elle. Mais nous avons compris que non seulement ils ne veulent pas nous répondre, mais qu'ils essayent également de nous faire taire. Les médias d'Etat ne parlent pas de notre histoire."

Pour tenter d'éteindre l'incendie, Vladimir Poutine a annoncé mardi que tous les réfugiés de la région de Koursk toucheraient le salaire moyen dans le secteur, 65 000 roubles tous les mois, soit environ 650 euros, un budget colossal pour l'État. Par ricochet, depuis, ce sont les autres habitants qui crient leur colère sur les réseaux sociaux, se demandant pourquoi eux doivent travailler pour moins que cela.