Retrait de Joe Biden : pourquoi le président sortant a renoncé à se représenter, quatre mois avant le scrutin
Il a cédé à la pression. Alors qu'il avait largement remporté les primaires du Parti démocrate en vue de la présidentielle américaine, Joe Biden a renoncé à se présenter au scrutin, dimanche 21 juillet. La décision, annoncée moins de quatre mois avant l'élection, plonge les Etats-Unis dans l'incertitude. Mais ce n'est, pour autant, pas totalement une surprise : depuis plusieurs semaines, le président était appelé par une partie de son camp à retirer sa candidature. Franceinfo revient sur les raisons qui l'ont poussé à jeter l'éponge.
Parce que son âge n'a cessé d'être critiqué
Lorsqu'il a été investi en janvier 2021, Joe Biden était déjà, à 78 ans, le plus vieux président américain en fonction. Trois ans et demi plus tard, la candidature de l'octogénaire n'a cessé d'être critiquée en raison de son âge avancé. "L'âge est lié aux facultés cognitives et plus largement aux compétences. On l'accuse de ne plus être en mesure de 'faire le job'", expliquait à franceinfo l'historien Lauric Henneton, maître de conférences à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, début février.
Premiers à faire ce reproche au démocrate : ses adversaires républicains, qui n'ont cessé d'affirmer que le président sortant n'était pas apte à effectuer un deuxième mandat à la tête des Etats-Unis. "Si vous votez pour Joe Biden, vous comptez en réalité sur Kamala Harris [sa vice-présidente], parce qu'il est peu probable qu'il tienne jusqu'à 86 ans", assurait ainsi en avril Nikki Haley, ex-candidate à l'investiture des conservateurs pour la présidentielle.
Les Républicains n'étaient pas les seuls à s'interroger sur l'âge du démocrate. Au cours des derniers mois, les médias américains n'ont pas manqué de scruter les faits et gestes de Joe Biden, relevant ses nombreux lapsus et "gaffes". Début juillet encore, lors d'un sommet de l'Otan, le démocrate a été épinglé pour avoir annoncé par erreur le "président Poutine" au moment d'accueillir son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Ses chutes à vélo et sur scène, en 2022 et 2023, avaient aussi largement été relayés dans la presse.
Une succession de faux pas, physiques comme figurés, qui ont fini par peser sur la campagne de Joe Biden. Selon un sondage Yahoo et YouGov cité par ABC News, 56% des Américains considéraient, début juillet, que l'âge du président serait un "gros problème" pour ses facultés à assurer un deuxième mandat à la Maison Blanche.
Parce qu'il a raté son débat face à Donald Trump
Les inquiétudes des démocrates ont encore grandi après sa piètre performance lors d'un débat contre Donald Trump, jeudi 27 juin. Aux Etats-Unis, les candidats à la présidentielle participent habituellement à trois duels télévisés entre septembre et octobre, après leur désignation officielle lors des conventions nationales de chaque parti – qui ont lieu en juillet et en août. Cette année, les deux favoris de chaque camp, théoriquement assurés d'être investis après avoir chacun raflé une majorité de voix lors des primaires, ont accepté de se faire face avant l'été.
Pour Joe Biden, ce débat était l'occasion de rassurer les Américains sur son âge. Mais l'inverse s'est produit. Dans les premières minutes, le démocrate de 81 ans – bègue depuis son enfance – n'a cessé de buter sur les mots, comme l'a relevé NBC News. Tout au long des échanges, il a semblé avoir du mal à garder le fil de ses pensées, s'engageant parfois dans de longues phrases sans parvenir à les finir. Un lapsus a été particulièrement remarqué : lorsque le président s'est félicité d'avoir "vaincu" Medicare, le système d'assurance santé fédéral pourtant défendu par son camp. Surtout, le champion des démocrates a manqué de répondant face à un Donald Trump aussi vindicatif qu'à l'accoutumée, échouant à corriger les nombreuses fausses affirmations du républicain.
Pour justifier la mauvaise prestation de Joe Biden, la Maison Blanche a multiplié les explications, listées par l'agence AP : trop de préparation, un décalage horaire après un récent voyage à l'étranger, ou encore un rhume qui expliquerait sa voix rauque. Mais le président lui-même a été contraint de reconnaître, lors d'un meeting en Caroline du Nord au lendemain du débat, qu'il "ne parlait plus aussi bien qu'avant" et "ne débattait plus aussi bien qu'avant". "J'ai eu une mauvaise soirée", a-t-il encore admis dans un entretien à ABC News, le 6 juillet. Avant d'assurer : "Mais ce n'est pas le signe d'un problème de santé. J'étais épuisé".
Parce que même son parti le poussait vers la sortie
Les explications de Joe Biden n'ont pas convaincu, y compris au sein de son propre camp. Dans les 48 heures qui ont suivi le débat, certains responsables démocrates ont évoqué en interne la possibilité que le président renonce à se représenter, révélait le Washington Post dès le 30 juin. Au fil des jours, ces appels se sont faits plus nombreux, et de plus en plus publics, comme l'illustre cette chronologie du New York Times.
Parmi les derniers exemples en date, l'influent élu à la Chambre des représentants, Adam Schiff. "Une deuxième présidence Trump saperait les fondements mêmes de notre démocratie, et j'ai de sérieuses inquiétudes quant à la capacité du président à vaincre Donald Trump en novembre", avait-il déclaré le 17 juillet au Los Angeles Times, estimant qu'il était temps pour Joe Biden de "passer le flambeau". Un avis partagé par 65% des électeurs démocrates, favorables à ce que leur candidat présumé jette l'éponge, selon un sondage AP-NORC Center for Public Affairs Research dévoilé mercredi.
C'était également le point de vue d'importants donateurs du parti, et personnalités alliées des démocrates, comme George Clooney. Début juillet, l'acteur s'est fendu d'une tribune au New York Times, dans laquelle il affirme que "le Joe Biden avec qui j'étais il y a trois semaines [lors d'une soirée de levée de fonds] n'est pas le (...) Joe Biden de 2010, ni même le Joe Biden de 2020". Le comité de rédaction du prestigieux quotidien américain a, lui aussi, tenté de peser dans la balance, publiant un éditorial dans lequel il incitait le président à "quitter la course" pour "servir le pays".
Après trois semaines de résistance, Joe Biden a fini par céder. Désormais, il reste un mois à son camp pour organiser la désignation d'un nouveau candidat, qui sera formellement investi lors de la convention nationale démocrate, du 19 au 22 août à Chicago. Les responsables du parti ont promis, dimanche, un processus "transparent" pour trouver un remplaçant après ce désistement. Joe Biden, lui, a déjà donné sa préférence : sa vice-présidente, Kamala Harris.