Présidentielle américaine 2024 : quel candidat démocrate pour remplacer Joe Biden ?
Ce débat devait redonner de l'élan à l'électorat démocrate. Il a produit l'effet inverse. Pire, certains de ses soutiens appellent déjà à remplacer Joe Biden dans la course à la présidentielle. Face à son adversaire Donald Trump, le président américain s'est à plusieurs reprises montré confus, lors du premier débat qui s'est tenu jeudi. Depuis, les médias expriment leurs doutes ouvertement. Même son camp n'hésite plus à le critiquer. Reed Brody, ex-responsable du Parti démocrate, a lancé vendredi 28 juin sur franceinfo qu'"il fa[llai]t trouver un autre moyen" que Joe Biden pour les représenter à l'élection présidentielle de novembre. "Il n'est pas trop tard (...) Si Biden décidait cette semaine d'un retrait, il y aura des candidats. Il y en a beaucoup", a-t-il estimé l'ancien substitut du procureur de l'Etat de New York.
L'inquiétude autour de l'âge avancé du président, 81 ans, a d'ailleurs été l'un des sujets récurrents des primaires. Pourtant, à quatre mois du scrutin, il compte bien maintenir sa candidature. "Je ne me représenterais pas si je ne croyais pas, de tout mon cœur et de toute mon âme, que je peux faire ce boulot", a-t-il tenté de rassurer vendredi lors d'un meeting à Raleigh (Caroline du Nord). Néanmoins, "les Démocrates vont essayer de le convaincre [de se retirer] (...) Ça va être un déchirement au sein du parti", assure à franceinfo Dominique Simonnet, écrivain et journaliste spécialiste des Etats-Unis.
Alors, qui pour remplacer Joe Biden en cas de désistement, lors de la convention nationale démocrate qui se tiendra fin août pour désigner le candidat officiel du parti ? Franceinfo fait le portrait des principaux potentiels successeurs.
Kamala Harris, une vice-présidente impopulaire

La numéro deux de l'exécutif américain apparaît comme un choix évident à la succession à Joe Biden. "Il est assez naturel que ce soit la personne qui occupe la vice-présidence qui soit l'héritière de la présidence précédente", estime Ludivine Gilli, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord de la Fondation Jean-Jaurès, rappelant la candidature d'Al Gore, ex-vice-président de Bill Clinton et candidat à sa succession en 2000. "Toute la difficulté, c'est qu'il faudrait un candidat consensuel qui puisse unir l'aile droite et l'aile gauche du parti", poursuit la docteure en histoire.
Kamala Harris, aujourd'hui âgée de 59 ans, est la première femme et première Afro-Américaine à avoir accédé à la vice-présidence, en 2020. Si Joe Biden démissionne de son mandat, elle sera automatiquement présidente. Elle a été pionnière à plusieurs reprises : première procureure noire de San Francisco puis de Californie, première femme d'origine sud-asiatique à répresenter cet Etat au Sénat. Son âge, son dynamisme, sa pugnacité en commission d'enquête parlementaire, et sa relative proximité avec les minorités en ont fait une colistière idéale pour Joe Biden. Toutefois, elle est critiquée pour ne pas avoir su se tailler une place au sein de l'administration Biden, rapporte The Guardian.
Reed Brody, ex-responsable du parti démocrate, "ne comprend pas" pourquoi la vice-présidente n'a pas été plus exposée médiatiquement : "Biden lui-même avait dit à l'époque qu'il était un président de transition et on voyait en Kamala Harris un relais", explique-t-il. Car aujourd'hui, la vice-présidente ne jouit pas d'une grande popularité : selon un sondage Economist/Yougov de juin, seulement 33% des Américains estiment qu'elle est assez qualifiée pour être présidente. Vendredi, sur CNN, elle s'est empressée de défendre la candidature de Joe Biden.
Gavin Newsom, un gouverneur de Californie loyal à Joe Biden

Avec sa fougue et son énergie, le gouverneur de Californie Gavin Newsom, 56 ans, a le vent en poupe chez les Démocrates. Mais hors de question pour lui de supplanter Joe Biden, dont il copréside le comité de campagne pour sa réélection : ce type de "conversations" [sur son remplacement] ne font "pas du bien à notre démocratie". Gavin Newsom a patiemment gravi les échelons : d'abord conseiller général puis maire de San Francisco, puis lieutenant-gouverneur avant d'être gouverneur de l'Etat américain le plus peuplé depuis janvier 2019.
Adoptant un style de campagne plutôt offensif, il n'hésite pas à aller au front : il a débattu contre le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, sur Fox News en 2023 et accordé une longue interview sur la même chaîne face à l'éditorialiste ultra-conservateur Sean Hannity, mi-juin. Il a triomphé d'une tentative de destitution par ses détracteurs en 2021.
Sur le plan des idées, il esssaie d'incarner une troisième voie, relève Le Monde, faisant figure de "quasi-centriste sur les questions d'ordre public et d'austérité budgétaire". Il est aussi partisan d'une couverture médicale universelle et a mis en place un fonds de 60 millions de dollars pour aider les femmes dans les Etats ayant interdit l'avortement. Dernière initiative : proposer un amendement constitutionnel pour contrôler obligatoirement les antécédents de tous les acheteurs d'armes. Pour la présidentielle de 2028, il aura terminé son deuxième mandat à la tête de la Californie.
Gretchen Whitmer, une gouverneure du Michigan progressiste

Agée de 52 ans, Gretchen Whitmer occupe le poste de gouverneure du Michigan depuis 2019. Réélue en 2022, elle avait fait campagne sur le droit à l'avortement, l'économie et la nécessité de maintenir la démocratie, deux ans après l'assaut du Capitole par des militants pro-Trump. Elle siégeait auparavant à la Chambre de représentants du Michigan puis au Sénat du même Etat. Joe Biden l'avait un temps envisagée comme candidate à la vice-présidence, avant de porter son choix sur Kamala Harris en 2020.
Se décrivant comme une démocrate progressiste, Gretchen Whitmer s'est prononcée en faveur de lois plus strictes sur les armes à feu, l'abrogation de l'interdiction de l'avortement et du soutien à l'enseignement préscolaire universel. En 2013, elle avait acquis une notoriété nationale en évoquant sa propre expérience de victime de viol, lors d'un débat sur une loi controversée sur l'avortement.
Critiquant la gestion de la pandémie de Covid-19 par l'administration Trump, elle a imposé plusieurs confinements impopulaires dans son Etat, ce qui lui a valu d'être la cible d'un complot d'enlèvement en 2020. Elle occupe depuis janvier 2021 le poste de vice-présidente du Comité national démocrate (DNC), ce qui lui a permis d'influencer la stratégie du parti au niveau national. Son expérience et sa capacité de gestion de crises en font une alternative crédible à Joe Biden.
Josh Shapiro, un gouverneur de Pennsylvanie très impliqué dans la crise des opioïdes

Avant d'avoir été nommé gouverneur en 2023, Josh Shapiro s'est illustré en tant que procureur général de Pennsylvanie. Il s'est par exemple opposé en 2017 à un décret migratoire controversé de Donald Trump interdisant l'entrée aux Etats-Unis de sept pays musulmans et a été à l'origine d'un rapport publié en 2018 faisant état d'un milliers abus sexuels sur des mineurs par des prêtres de l'Eglise catholique.
Dans le cadre de la crise des opioïdes, il a participé en 2019 à plusieurs accords avec des entreprises pharmaceutiques, notamment le fabricant d'anti-douleurs Purdue Pharma, afin d'obtenir des dédommagements financiers. Par ailleurs, le quotidien Times of Israel l'a qualifié de "nouvel archétype du politicien juif très ouvert sur sa confession".