Pierre Haroche, géopolitiste : « C’est la fin d’une ère, l’Europe est aujourd’hui provincialisée »

Comment analysez-vous les derniers développements entre les États-Unis et l’Europe. Le monde referme-t-il la page post-1945 ?

Pierre Haroche

Maître de conférences en politique européenne et internationale à l’Université catholique de Lille et auteur de « Dans la forge du monde : Comment le choc des puissances façonne l’Europe » (Fayard, 2024)

Il y a un aspect structurel et un aspect trumpien. Pour les États-Unis, la sécurité européenne doit désormais incomber aux Européens. Quant aux Américains, ils doivent se tourner vers le continent américain, le Pacifique et l’Asie. Il ne s’agit pas de la fin de l’Alliance, comme on le dit parfois. Selon eux, l’Otan doit reposer sur une division du travail. C’est une conception complètement différente de celle qui prévalait depuis 1949-1950, lorsque les États-Unis ont massivement envoyé des troupes en Europe jusqu’à devenir l’acteur central de la sécurité continentale.

Le rapprochement avec la Russie est motivé par la volonté de réduire la dépendance de Moscou vis-à-vis de Pékin. On a beaucoup parlé d’une soi-disant stratégie Kissinger à l’envers. Dans les années 1970, le diplomate avait initié des discussions avec la Chine communiste pour l’éloigner de l’Union soviétique.