Coraux, pollution, surpêche, transport : 10 questions pour mieux comprendre nos océans
1. Pourquoi dit-on que l’océan est source de vie pour la planète ?
Le cycle de l’eau, essentiel à la vie sur Terre, dépend de l’océan. L’eau de mer s’évapore sous l’effet de la chaleur solaire, formant des nuages qui, poussés par les vents, apportent des précipitations sur les continents. Ces précipitations alimentent les rivières et les lacs, les plantes, les terres agricoles et remplissent nos réserves d’eau potable. Les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la Terre et jouent un rôle essentiel dans la production d’oxygène que nous respirons. Les minuscules algues planctoniques formant le phytoplancton produisent 50 % de l’oxygène que nous utilisons, grâce à la photosynthèse : une respiration sur deux est un cadeau de la mer. L’océan mondial renferme 97,2 % de l’eau sur Terre. Il est également un immense réservoir de biodiversité. Des récifs coralliens colorés aux grandes profondeurs abyssales, il abrite une incroyable variété de formes de vie (…).
Au sud-est de l’océan Pacifique, le courant de Humboldt, au large de l’Amérique du Sud, apporte des eaux froides riches en nutriments. L’océan est une source précieuse de nourriture. On estime que près de 3 milliards de personnes dépendent de la pêche pour leur subsistance. Les produits de la mer, riches en protéines et en nutriments essentiels, constituent une part importante de l’alimentation humaine, jusqu’à la moitié dans les pays les plus pauvres. L’océan est une force vitale qui soutient la biodiversité, régule notre climat, alimente le cycle de l’eau, nourrit des milliards de personnes et enrichit nos cultures. Protéger nos océans, protéger l’eau, c’est préserver la source même de la vie sur notre planète.
2. Quel est le nombre d’espèces sur Terre… et dans l’océan ?
Les scientifiques estiment qu’il existe entre 8,7 et 12 millions d’espèces sur Terre. Ce chiffre, bien qu’impressionnant, n’est qu’une approximation, car aujourd’hui « seulement » 1,7 million d’entre elles ont été mises au jour. Chaque année, de nouvelles espèces sont découvertes, tandis que d’autres disparaissent sans jamais avoir été enregistrées. Les océans sont encore largement inexplorés. On a dénombré 226.000 espèces marines, mais on estime qu’il en existe en réalité 10 fois plus en considérant les micro-organismes, ce qui laisse entrevoir un potentiel incroyable de découvertes futures. On découvre chaque année 2000 nouvelles espèces. Les grands animaux (poissons, baleines, etc.) ne représentent que 2 à 3 % des espèces marines.
Les récifs coralliens sont parmi les écosystèmes les plus diversifiés au monde. Un seul récif peut abriter des milliers d’espèces, formant un réseau complexe d’interactions écologiques. Ils couvrent 0,1 % de la surface des océans et abritent 25 % de toutes les espèces marines connues ! Les forêts de mangroves et les herbiers marins jouent également un rôle crucial en servant de nurseries pour de nombreuses espèces de poissons et d’invertébrés. Les forêts de kelp abritent, elles aussi, une diversité étonnante de vie marine. Les abysses sont, quant à eux, le foyer de créatures étranges et fantastiques, comme les poissons abyssaux et les calmars géants. La biodiversité terrestre et marine est essentielle pour la santé de notre planète. Malheureusement, cette biodiversité est menacée. La pollution, le changement climatique, la destruction des habitats et la surexploitation sont autant de facteurs qui mettent en péril le monde vivant. Chaque jour, des espèces disparaissent à un rythme alarmant, privant la planète de leurs contributions uniques, et nous privant peut-être de nouvelles molécules fondamentales pour nous soigner.
À lire aussi Surtourisme, pollution... Les limites des gigantesques paquebots de croisière, ces «colosses des mers»
3. Pourquoi est-il vital de préserver la biodiversité marine ?
La biodiversité marine contribue à l’équilibre de la vie sur Terre. Chaque espèce a un rôle spécifique dans son écosystème. La biodiversité, c’est avant tout un réseau complexe de liens entre les espèces : abri, prédateur-proie, symbiose, commensalisme, parasitisme, etc. C’est la complexité de ce réseau qui constitue la solidité de l’édifice du vivant. Lorsque des espèces disparaissent, la simplification de cet édifice le rend plus fragile. Sa préservation est vitale pour de nombreuses raisons. La biodiversité marine fournit des ressources alimentaires. Une mer saine et diversifiée assure des stocks de poissons robustes et résilients, capables de supporter la pêche commerciale et artisanale.
Les océans et la vie marine jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial dont dépend la santé de la planète. Les récifs coralliens et les récifs végétaux ne sont pas seulement des refuges pour la biodiversité, ils protègent également les côtes des tempêtes et de l’érosion, agissant comme des barrières naturelles contre les assauts des vagues. Les médicaments issus des océans représentent une autre facette précieuse de la biodiversité marine. De nombreuses espèces marines contiennent des composés bioactifs qui se sont avérés essentiels dans le développement de nouveaux traitements médicaux. Les éponges, les coraux, les mollusques, les tuniciers et même les bactéries marines ont fourni des substances pour traiter des maladies telles que le cancer, le VIH, les infections bactériennes et les inflammations. La perte de biodiversité marine pourrait signifier la perte de futures découvertes médicales, laissant des maladies sans remède.
4. Quelle est l’importance des récifs coralliens ?
Composés de polypes, sorte de petites anémones de mer sécrétant du carbonate de calcium, les récifs coralliens vivent en symbiose avec des algues microscopiques, les zooxanthelles, qui leur fournissent nutriments et oxygène par photosynthèse. Les coraux sont donc des animaux, vivant en association avec des plantes et produisant un squelette minéral ! Souvent comparés aux forêts tropicales pour leur richesse et leur diversité, ils fournissent un habitat à environ 25 % de toutes les espèces marines, malgré le fait qu’ils ne couvrent que 348 000 km², soit 0,1 % du fond marin. Ils sont les seules structures marines visibles depuis l’espace, soulignant leur importance géographique et écologique. Les coraux froids, trouvés à des profondeurs allant de 200 à 1000 m, sont également importants pour la biodiversité et la régulation des cycles de carbone.
Ces écosystèmes complexes ont une importance économique notable : ils fournissent des ressources alimentaires à 500 millions de personnes et attirent chaque année des millions de touristes. Sur le plan médical, ils sont une source précieuse de composés biologiquement actifs, utilisés dans la recherche de nouveaux médicaments pour traiter diverses maladies, dont certains cancers et infections. Cependant, ils sont gravement menacés par les activités humaines et le changement climatique. Le blanchissement des coraux, dû à l’augmentation des températures de l’eau, la pollution et l’acidification des océans, conduit à leur dégradation rapide. La surpêche, la pollution plastique et des pratiques destructrices comme un tourisme non durable exacerbent cette vulnérabilité. Actuellement, en fonction des régions, entre 30 et 60 % des récifs sont malades ou détruits. Il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, contrôler la pollution marine et promouvoir des pratiques durables.
5. Quelles pollutions et autres menaces pèsent sur l’océan ?
Les océans sont aujourd’hui confrontés à des menaces sans précédent, principalement dues aux activités humaines. Les pollutions chimiques constituent l’une des principales menaces. Les pesticides, produits industriels et métaux lourds se déversent dans les océans. Ces substances toxiques s’accumulent dans les organismes marins, perturbant les processus biolo giques essentiels. Les produits pharmaceutiques, tels que les hormones contraceptives, provoquent des effets notables, comme la féminisation des poissons, tandis que les protections solaires, en formant des barrières à la surface de l’eau, nuisent aux coraux et limitent les échanges entre l’eau et l’atmosphère.
La pollution par les eaux usées non traitées est également une menace pour les océans. L’excès d’engrais agricoles, comme les nitrates et phosphates, entraîne des proliférations d’algues qui asphyxient la vie marine en réduisant la teneur en oxygène de l’eau. Elle entraîne aussi sur le littoral des phénomènes comme les algues vertes en Bretagne. Les déchets radioactifs sont une autre forme de pollution préoccupante. La pollution par les hydrocarbures, causée par des déversements accidentels ou illégaux, comme les marées noires, a des conséquences dévastatrices. La pollution sonore, souvent négligée, est également une menace sérieuse : trafic maritime, explorations pétrolières et utilisation de sonars perturbent la vie marine. Les océans sont aussi menacés par les excès de chaleur et la pollution au CO2. Le réchauffement des eaux perturbe les écosystèmes marins, tandis que l’acidification des océans, causée par la dissolution du dioxyde de carbone, affaiblit les coraux et les coquillages. La destruction des habitats marins, tels que les récifs coralliens et les mangroves, aggravée par des activités humaines comme le surtourisme, le dragage, l’extraction de sable et la bétonisation, prive de nombreuses espèces de refuges essentiels. Enfin, les activités minières sous-marines visant l’extraction de métaux précieux et de minéraux risquent d’endommager les écosystèmes du fond des océans.
À lire aussi L’homme a réellement observé moins de 0,001% des profondeurs des océans
6. Pêche-t-on trop de poissons ?
Depuis les années 1950, la production mondiale de produits de la mer a été multipliée par 10, atteignant environ 185 millions de tonnes en 2022. L’aquaculture, qui représente désormais 51 % de cette production, a dépassé la pêche de capture pour la première fois. Mais derrière cette croissance se cache une réalité préoccupante. Dans de nombreuses régions comme l’Atlantique nord et le Pacifique ouest, des espèces emblématiques, telles que la morue de l’Atlantique et le thon rouge, ont vu leur capture diminuer en raison de la surpêche. Les flottes modernes, équipées de navires plus grands, de filets efficaces et de technologies de détection avancées, ont intensifié la pression sur les écosystèmes marins. Résultat : selon la FAO, près de 38 % des stocks mondiaux sont exploités à des niveaux biologiquement non durables, un chiffre qui a presque triplé depuis 1970. Par ailleurs, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), représenterait jusqu’à 25 % des captures mondiales, compromettant les efforts de gestion durable. En Europe, grâce à la politique commune de la pêche (PCP), 70 % des stocks sont aujourd’hui exploités à leur rendement maximum durable (RMD), contre seulement 25 % dans les années 1980.
Face à cette crise, l’aquaculture s’est imposée comme une alternative. Inexistante en Occident dans les années 1950, elle a produit mondialement 94 millions de tonnes de poissons en 2022, mais ceci n’est pas sans conséquences quant à la pression sur les « poissons fourrages sauvages », car elle dépend encore de farine de poisson, souvent issue de la pêche de petits poissons ou de krill, dont la durabilité reste aléatoire. Seule une gestion rigoureuse, associée à des innovations dans l’aquaculture et des politiques globales, permettra de préserver l’avenir des océans.
7. À qui appartient la mer ?
La question de savoir à qui appartient la mer est complexe et multidimensionnelle. Elle touche à des enjeux de droit international, de souveraineté nationale et de gestion des ressources naturelles. En général, la mer n’appartient pas à une seule nation ou entité, mais est régie par un ensemble de règles et de conventions internationales. La convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), adoptée en 1982, est le principal cadre juridique régissant la mer. Elle définit les droits et responsabilités des États concernant l’utilisation des océans, l’exploitation des ressources marines, et la protection de l’environnement marin. Selon cette convention, les eaux marines sont divisées en plusieurs zones juridictionnelles. Les eaux territoriales s’étendent jusqu’à 12 milles nautiques (environ 22 km) de la côte, sur lesquelles chaque État côtier exerce une souveraineté totale, à l’exception du droit de passage inoffensif pour les navires étrangers.
Au-delà des eaux territoriales, jusqu’à 200 milles nautiques (environ 370 km) de la côte, la zone économique exclusive (ZEE) confère à l’État côtier des droits souverains pour explorer, exploiter, conserver et gérer les ressources naturelles, qu’elles soient vivantes ou non. Toutefois, d’autres États peuvent naviguer librement dans ces eaux, poser des câbles et pipelines sous-marins, et même effectuer certaines activités économiques, sous réserve des règles imposées par l’État côtier. Au-delà de la ZEE, les eaux relèvent de la haute mer, où aucun État n’exerce de souveraineté. La haute mer est librement accessible à tous les États, pour des activités comme la navigation, la pêche et la recherche scientifique, mais ces activités doivent être menées dans le respect des droits des autres États et de l’environnement marin. Le fond marin, au-delà des juridictions nationales, connu sous le nom de « zone », est considéré comme le patrimoine commun de l’humanité. Il est administré par l’Autorité internationale des fonds marins, qui régule l’exploration et l’exploitation des ressources minérales dans ces eaux profondes, en s’assurant que les bénéfices soient partagés équitablement.
8. Pourquoi dit-on que la France est la deuxième nation maritime au monde ?
Le 10 décembre 1982, la France a remporté la plus grande bataille navale de son histoire, sans mettre un bateau à l’eau ni perdre un seul homme. Elle obtient plus de 10 millions de km² d’espace maritime, soit 20 fois la superficie terrestre de la France métropolitaine. Ce jour-là, à Montego Bay, en Jamaïque, 117 chefs d’État et de gouvernement signaient un document qui conférait à la France le deuxième espace maritime au monde, après les États-Unis. C’était l’aboutissement de près de dix ans de négociations pour établir un nouveau droit de la mer, visant à concilier la liberté de navigation et la souveraineté des États côtiers. La convention est entrée en vigueur en 1994. Jusqu’alors, en vertu du droit coutumier, seule une zone étroite de 3 milles nautiques (environ 5 km, soit la portée d’un boulet de canon) était considérée comme souveraine pour l’État côtier.
Au-delà, les mers et les océans étaient ouverts à tous et n’appartenaient à personne, au nom du principe de la liberté des mers, institué au début du XVIIe siècle par le Hollandais Grotius. La France détient ainsi près de 11 millions de km² d’espace maritime, dont 97 % se situent outre-mer, avec plus de 5 millions de km2 dans le Pacifique. Au-delà de sa ZEE, la France a obtenu des extensions de son plateau continental jusqu’à 350 milles. En septembre 2015, notre pays a également étendu son domaine sous-marin de 579 000 km² outre-mer, puis de nouveau plus de 150.000 km² en 2021. Être le deuxième domaine maritime est une chance pour la France, mais c’est aussi une responsabilité car c’est à elle d’assurer sa surveillance et de veiller à son état de santé.
9. Quel est le rôle du transport maritime dans la mondialisation ?
Environ 90 % des marchandises échangées à l’échelle mondiale transitent par voie maritime. Un porte-conteneurs peut transporter jusqu’à 20 000 conteneurs, ce qui équivaut à la cargaison de plusieurs centaines d’avions de fret. En raison de la faible consommation de carburant par tonne transportée, le transport maritime est plus écono mique que le transport aérien ou routier, surtout sur de longues distances. Les entreprises ont pu ainsi délocaliser leur production dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère, tout en restant compétitives sur les marchés internationaux. Les routes maritimes sont au cœur des chaînes d’approvisionnement mondiales. Par exemple, le canal de Suez, qui voit passer 10 % du commerce maritime mondial, est un nœud critique pour les échanges entre l’Europe et l’Asie. Les conséquences économiques des actes terroristes au large du Yémen par les Houthis sont donc considérables.
Le transport maritime a également stimulé l’émergence de hubs logistiques mondiaux, comme Singapour, Rotterdam ou Shanghaï, qui jouent un rôle central dans la distribution des marchandises. Ces ports, parmi les plus actifs au monde, traitent chacun des centaines de millions de tonnes de marchandises chaque année, facilitant ainsi le flux continu des biens autour de la planète. Le développement du transport maritime a été accompagné par des innovations technologiques et réglementaires telles que la standardisation des conteneurs au début des années 1960. Le conteneur est devenu le symbole de la mondialisation. Le transport maritime occupe une position centrale dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Sans lui, l’économie mondiale ne pourrait fonctionner à l’échelle que nous connaissons aujourd’hui. La mondialisation est une maritimisation.
10. Comment sera l’océan en 2050 ?
En 2050, l’océan pourrait représenter une opportunité inestimable pour le développement durable. D’ici à 2050, des actions globales devraient permettre de mettre en place le « traité plastique », ainsi que la régénération de zones critiques comme les récifs coralliens et les mangroves. Et il est permis de rêver : en 2050, l’océan serait devenu un lieu de symbiose entre l’homme et la nature. Il serait un sanctuaire préservé et régénéré grâce aux avancées technologiques et aux engagements internationaux. Les récifs coralliens, autrefois menacés par le réchauffement climatique, auraient été revitalisés grâce à des méthodes innovantes de sélection de souches résistantes et de restauration corallienne.
Des fermes sous-marines, où des algues aux propriétés nutritives et médicinales proliféreraient, nourriraient une grande partie de la population mondiale. Elles absorberaient d’immenses quantités de CO2, contribuant à inverser les effets du changement climatique. Les grandes métropoles côtières, autrefois menacées par la montée des eaux, seraient désormais en harmonie avec l’océan. Des villes flottantes, écoconçues, reposeraient sur des plates-formes alimentées par des énergies renouvelables marines : l’énergie des vagues, des marées et du courant. Les bâtiments seraient recouverts de phyto-bioréacteurs qui traiteraient les eaux usées et absorberaient le CO2 de l’atmosphère grâce à la photosynthèse effectuée par des microalgues. Ces cités marines, entourées de zones de protection, abriteraient des écosystèmes où la faune prospérerait. Baleines, requins et poissons migreraient librement à travers des corridors marins sanctuarisés, protégés de la pêche.
Les habitants des villes côtières et des îles vivraient en harmonie avec la mer, participant à des projets communautaires pour surveiller et protéger les habitats marins. Grâce à la reconnaissance accrue de l’importance des océans pour l’équilibre climatique, l’humanité aurait su redonner à cet écosystème sa grandeur et sa beauté. L’océan en 2050 serait une utopie devenue réalité, où l’équilibre entre le progrès et la préservation aurait permis de réconcilier l’homme avec la mer. Un monde où les rêves d’hier seraient le quotidien de demain.