Quatre questions sur le procès de l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro, jugé pour tentative de coup d'Etat

Dernière étape dans l'affaire visant l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro, après plusieurs années d'enquête. La Cour Suprême, plus haute instance du pouvoir judiciaire du pays, jugera à partir de mardi 2 septembre de l'avenir de l'ex-dirigeant d'extrême droite, qui risque plus de 40 ans de prison pour une tentative présumée de coup d'Etat après sa défaite à la présidentielle de 2022 face à Luiz Inacio Lula da Silva. Son sort, ainsi que celui de sept coaccusés, dont plusieurs anciens ministres et militaires haut gradés, sera fixé d'ici au 12 septembre. Franceinfo fait le point sur ce qu'il faut savoir sur ce procès historique au Brésil.

1 De quoi Jair Bolsonaro est-il accusé ?

Le parquet accuse celui qui a présidé le Brésil de 2019 à 2022 d'avoir été le chef d'une "organisation criminelle" ayant conspiré pour assurer son "maintien autoritaire au pouvoir", en dépit de sa défaite face à Luiz Inacio Lula da Silva lors du la présidentielle de 2022. Il est officiellement accusé de cinq crimes : participation à une organisation criminelle armée, tentative d'abolition violente de la démocratie, coup d'Etat, dommages aux biens de l'Etat et dommages aux biens culturels protégés. Jair Bolsonaro est considéré selon l'accusation comme l'homme derrière un projet putschiste qui aurait inclus un décret d'état de siège et un plan pour assassiner Lula, son vice-président élu Geraldo Alckmin et le juge Alexandre de Moraes, juriste engagé qui sera également rapporteur du procès. C'est la première fois qu'un ancien chef d'Etat brésilien doit répondre de telles accusations. 

Le 8 janvier 2023, des milliers de sympathisants bolsonaristes avaient saccagé les bâtiments officiels autour de l'emblématique place des Trois-Pouvoirs à Brasilia, réclamant une intervention militaire pour déloger le nouveau président Lula. Jair Bolsonaro, qui se trouvait aux Etats-Unis à ce moment-là, est soupçonné d'être l'instigateur des émeutes. Sa responsabilité dans ces violences avait déjà été pointée à l'époque. "Pendant toute la campagne électorale, il [avait] soufflé sur les braises. Il [avait] dénoncé par anticipation des soi-disant fraudes électorales", notait le professeur en science politique Frédéric Louault, interrogé sur franceinfo. En 2023, Jair Bolsonaro avait été condamné à une peine d'inéligibilité de huit ans pour avoir jeté des doutes infondés sur le système de vote électronique du pays.

2 Que risque l'ex-président ?

Jair Bolsonaro risque jusqu'à 43 ans de prison, rapporte l'AFP. Assigné à résidence début août pour des soupçons d'entrave à son procès, après une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le leader d'extrême droite clame son innocence et se dit victime d'une "persécution politique", à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle de 2026. L'homme de 70 ans sera absent des audiences finales qui doivent s'étaler sur cinq jours, a signalé sa défense à l'AFP. Des problèmes de santé sont invoqués dans les médias.

En cas de condamnation, qu'il pourra contester en appel, il "est possible" qu'il soit envoyé aussitôt en prison, selon une source de la Cour suprême à l'AFP. Si ses alliés estiment que Jair Bolsonaro est pratiquement condamné d'avance, ils misent sur l'approbation au Parlement d'une amnistie pour lui éviter la prison. Ce procès est un rendez-vous historique au Brésil, quarante ans après la fin de la dictature militaire (1964-1985), dont les responsables n'ont jamais été traduits en justice. 

3 Qui sont ses sept coaccusés ?

Jair Bolsonaro n'est pas le seul sur le banc des accusés. Sept de ses anciens collaborateurs sont aussi accusés de tentative de coup d'Etat. Parmi eux, le lieutenant-colonel Mauro Cid, 46 ans, considéré comme son bras droit, qui a noué un accord de collaboration avec la justice dans l'espoir d'une remise de peine. Son témoignage est un élément capital de l'enquête. Dans son téléphone, les enquêteurs ont retrouvé un discours que Jair Bolsonaro aurait prévu de prononcer après le putsch.

Le général Walter Braga Netto a quant à lui été l'un des ministres de la Défense de Jair Bolsonaro, avec qui il partage une nostalgie de la dictature brésilienne. Arrêté en décembre pour des soupçons d'entrave à l'enquête, l'homme de 68 ans, aurait tenu chez lui des réunions pour élaborer le plan "Poignard vert et jaune" qui, selon le parquet, prévoyait l'assassinat de Lula et d'autres autorités. Par ailleurs, le député Alexandre Ramagem, 53 ans, qui a dirigé l'agence brésilienne de renseignement sous la présidence Bolsonaro est accusé d'avoir orchestré une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux autour de Lula et du système électoral.

Anderson Torres, ministre de la Justice de Jair Bolsonaro puis responsable de la sécurité à Brasilia lors des émeutes du 8 janvier 2023, est lui accusé d'avoir rédigé une ébauche de décret pour annuler le résultat des élections, retrouvé lors d'une perquisition à son domicile, qualifiée dans l'enquête de "brouillon du coup d'Etat". Le reste des accusés, des hauts gradés militaires, se seraient tous montrés favorables à un projet de putsch et de désinformation.

4 Pourquoi Donald Trump s'en mêle-t-il ?

Invoquant une "chasse aux sorcières" contre son allié populiste, Donald Trump a imposé depuis le 6 août une surtaxe punitive de 50% sur une part des exportations brésiliennes, comme le café. Pour les partisans de Jair Bolsonaro, le soutien du président américain est précieux. "Grâce à ces mesures, [les accusés] voient qu'ils ne sont pas seuls, qu'il y a quelqu'un au-dessus d'eux qui peut faire la différence", estime l'un d'entre eux, interrogé par l'AFP. Cet entrepreneur a manifesté dimanche avec d'autres sympathisants devant le lotissement de luxe où l'ex-président est confiné chez lui à Brasilia.

Le juge Alexandre de Moraes, juriste puissant réputé intraitable, est lui aussi visé par des sanctions américaines. L'administration de Donald Trump l'accuse en effet de violation des droits humains. C'est Alexandre de Moraes, qui a conduit les principales poursuites contre l'ex-président depuis 2023 et qui l'a assigné à résidence en août dernier. "Une robe de juge ne peut pas vous protéger", a tonné le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio. L'intéressé a juré d'"ignorer les sanctions" et de "continuer à travailler".