Haut-Karabakh : l’ancien dirigeant Ruben Vardanyan apparaît émacié lors de son procès à Bakou
Pour ceux qui ont connu le visage rond et jovial de Ruben Vardanyan, bien connu en Artsakh, en Arménie mais aussi au-delà, la photo du prisonnier de guerre, diffusée ce mardi par un média d’État en Azerbaïdjan, laisse difficilement indifférent. Le milliardaire russo-arménien, qui fut un temps à la tête du gouvernement de la république autoproclamée en 2022, apparaît dans la salle d’audience du tribunal militaire la figure émaciée, près d’un mois après le début de sa grève de la faim pour dénoncer un simulacre de procès.
Ce philanthrope, venu de Russie après la guerre de 2020 pour soutenir la population du Haut-Karabakh menacée par l’Azerbaïdjan, a été fait prisonnier lors de la guerre éclair menée par Bakou fin 2023 pour prendre le contrôle de l’enclave. Depuis le 17 janvier, lui et 15 autres anciens dirigeants d’Arstakh également prisonniers comparaissent devant un tribunal militaire à Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, pour «terrorisme», «séparatisme» et «crimes de guerre». Aucun journaliste, observateur ou organisation internationale n’ont été autorisés à assister aux audiences.
Appel à un procès équitable
Dans un message audio diffusé début mars par l’intermédiaire de sa famille, l’ancien dirigeant avait expliqué sa décision d’entamer une grève de la faim, commencée le 25 février. Le prisonnier prenait à partie les dirigeants de cette ex-république soviétique, classée 141e sur 167 dans l’indice de démocratie, réclamant un procès équitable et transparent. «Si vous jugez, jugez professionnellement, publiquement, ouvertement (...) en présence de journalistes internationaux, d’observateurs», lançait l’ex-dirigeant. «Je veux dire à tous mes compatriotes, à tous ceux que j’aime : ce n’est pas moi et 15 autres personnes que l’on juge, mais tous les Arméniens». Celui qui a été nominé pour le prix Nobel de la paix en 2024 invitait également les Arméniens à ne jamais céder au désespoir, appelant à l’unité. «Peuple de l’Artsakh et Arméniens - nous sommes tous unis. Nous surmonterons tout (...) et je suis certain que malgré toutes les épreuves qui nous attendent, nous allons tenir bon», déclarait l’Arménien.
Son fils, David Vardanyan, qui peut s’entretenir avec son père de manière sporadique par téléphone, se dit plus que jamais inquiet. «La famille est bien sûr dévastée, mais nous comprenons ce qu’il fait, car les violations azerbaïdjanaises de toutes les lois internationales et nationales vont au-delà du bien et du mal et doivent être un sujet. Il estime que la grève de la faim est la seule option, malheureusement».
Pour l’ex-représentant de l’Artsakh en France Hovhannès Guevorkian, «il ne fait aucun doute que le Président azerbaïdjanais est prêt à laisser mourir Ruben Vardanyan». «Ce n’est pas seulement une question de cruauté, c’est une question de stratégie : le pouvoir azéri cherche à briser un symbole, celui qui incarne la résistance, le combat pour la liberté et la justice», estime l’ancien diplomate, toujours actif pour soutenir les réfugiés d’Artsakh depuis l’hexagone, alors que quelque 100.000 habitants ont été chassés de leur terre en 2023. «Tous ces hommes déclarent devant la parodie de justice qui les juge qu’ils ont assumé, en pleine conscience, le leadership du combat des Artsakhiotes pour leur droit d’existence, leur droit à décider de leur sort face à la politique d’effacement azerbaïdjanaise».