Reconnaissance de l’État de Palestine, dans quelles conditions ? (1/3)

Un pays sous occupation, colonisé et soumis à un régime d’apartheid n’aurait pas de sens. Le peuple palestinien a droit à l’autodétermination.

Anne Tuaillon

Présidente de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)

Alors que le Parlement français a largement voté pour la reconnaissance par la France de l’État de Palestine en 2014, les présidents de la République successifs s’y sont jusqu’à maintenant toujours refusés. « Le moment venu », avait dit François Hollande, tout en chantant son amour pour Israël et son premier ministre. Il aura fallu des mois de génocide à Gaza et d’accélération du nettoyage ethnique en Cisjordanie pour qu’Emmanuel Macron finisse par annoncer une éventuelle reconnaissance de l’État de Palestine par la France tout en rivalisant avec Jean-Noël Barrot sur les conditions à mettre à cette reconnaissance.

Macron évoque une « réciprocité ». Entendrait-il reconnaître l’État de Palestine soixante-dix-sept ans après avoir reconnu celui d’Israël ? Dans son esprit, il s’agit de la normalisation des relations des pays arabes avec Israël. Il dicte également des conditions de gouvernance, s’érigeant en donneur de leçon. Barrot, lui, propose un État démilitarisé, un non-État donc. Laisser les Palestiniens sans défense face à un État qui ne leur reconnaît aucun droit si ce n’est celui de quitter leur terre, un État qui a mis en place un régime d’oppression et de domination à leur encontre.

Ce régime d’apartheid bâti sur la déshumanisation de tout un peuple, la négation de ses droits élémentaires et de ses droits nationaux, un régime qui a amené au génocide en cours et à l’accélération du nettoyage ethnique, à la volonté de destruction de la Palestine, la tentative d’effacement du peuple palestinien. C’est dans ce contexte que la question de la reconnaissance se trouve posée. L’AFPS mène une campagne dans ce sens sans discontinuer depuis des années et particulièrement depuis le vote du Parlement. Mais quel sens aurait la reconnaissance d’un État sous occupation, colonisé et dont le peuple est soumis à un régime d’apartheid ?

Le défi que doivent relever les États lors de la conférence de l’ONU, du 17 au 20 juin, est précisément l’application des résolutions de l’ONU. À commencer par la résolution du 18 septembre 2024, qui exige qu’Israël ait mis fin à l’occupation et la colonisation du territoire palestinien le 18 septembre prochain, sans oublier celle du 11 décembre 1948 adjugeant le droit au retour aux réfugiés palestiniens sur leur terre d’origine, c’est-à-dire en Israël, pour la plupart d’entre eux.

Les États membres doivent se saisir de cette conférence pour qu’enfin le peuple palestinien puisse faire valoir son droit plein et entier à l’autodétermination et non pour lui dicter le cadre dans lequel il serait autorisé à l’exercer. Le droit est dit, il ne se négocie pas et certainement pas avec celui qui le viole depuis soixante-dix-sept ans, il doit s’appliquer et celui à l’autodétermination est inconditionnel.

Tout le monde sait que cela devra passer par des sanctions contre Israël. Ces sanctions sont prévues dans la résolution de septembre 2024, les États ont l’obligation de les mettre en œuvre. C’est à cela que la France doit se conformer tout en reconnaissant l’État de Palestine, sur lequel le peuple palestinien puisse exercer sa souveraineté pleine et entière.

La reconnaissance d’un État doit s’accompagner de la garantie de sa viabilité. Il est indispensable de faire cesser le génocide en cours.

Patrick Le Hyaric

Député européen (2009-2019), membre de la commission chargée des relations avec le Conseil législatif palestinien

Une déclaration de reconnaissance ne peut voyager seule ! Les vociférations du criminel en chef de Tel-Aviv contre tout chef d’État européen se prononçant pour une reconnaissance d’un État palestinien conformément au droit international bafoué depuis quatre-vingts ans en disent long sur la cruciale importance de la conférence internationale des Nations unies qui se tiendra du 17 au 20 juin à New York.

Son ordre du jour : l’examen de « l’application des résolutions de l’Organisation des Nations unies relatives à la question de Palestine ». Voir ceux qui ont manifesté leur « soutien inconditionnel » à l’État colonisateur, accusé par la justice internationale de « présomption de crime de génocide », se faire traiter de suppôt du Hamas ou « d’ennemi de l’État juif » est plus que cocasse.

Un acte officiel de reconnaissance de l’État de Palestine est plus que jamais un acte de haute portée politique. Mais soyons lucides. Une déclaration de reconnaissance ne peut voyager seule. L’occupation, la colonisation-annexion, la guerre génocidaire détruisent toute possibilité de construire l’État de Palestine. 

Un double acte simultané est donc indispensable : reconnaître l’État de Palestine, et faire cesser immédiatement le génocide en cours à Gaza, restituer toutes les colonies implantées en Cisjordanie ainsi que Jérusalem-Est aux Palestiniens, leur assurer l’accès à l’eau, libérer les 10 000 prisonniers politiques palestiniens.

Le moyen d’action : suspendre tout de suite les accords d’association et de coopération militaires, les livraisons d’armes à Israël. Autrement dit, la France et les institutions européennes doivent prendre appui sur l’avis de la Cour internationale de justice de juillet 2024, qui déclare illégale la présence israélienne en Cisjordanie et à Gaza et exige le retrait des colons et des forces militaires, ainsi que des réparations en faveur du peuple palestinien.

Le droit est aujourd’hui l’arme puissante pour déployer sous l’égide de l’ONU une force internationale de protection du peuple palestinien. Celle-ci lui permettrait de progresser vers son droit à l’autodétermination, tout en faisant libérer les otages israéliens. Des conditions seraient ainsi réunies pour que le peuple palestinien puisse en toute indépendance décider de son avenir, se donner ses institutions et ses représentants.

La reconnaissance d’un État doit s’accompagner de la garantie de sa viabilité. La base de la discussion ne peut, donc, être que dans le respect des résolutions de l’ONU (la 181 du 29 novembre 1947 et la 1397 de mars 2022) : un État dans les frontières de 1967, une solution pour les réfugiés, la souveraineté partagée sur Jérusalem, des garanties de sécurité de part et d’autre. L’enjeu est capital pour tout démocrate : la Palestine et Gaza ne peuvent être une répétition d’un avenir chaotique pour le reste du monde.

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