Perquisition à Bercy : on vous explique pourquoi les enquêteurs s’intéressent à un accord conclu entre un oligarque russe et l’administration fiscale

Quelle est cette affaire qui concerne l’un des hommes les plus riches de Russie et l’administration fiscale française ? Une perquisition au siège de la direction générale des finances publiques a été menée, jeudi 27 mars, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte « initialement » sur des soupçons de blanchiment immobilier visant le milliardaire russe Souleïman Kerimov, proche de Vladimir Poutine, selon des informations du quotidien Le Monde.

En effet, les enquêteurs s’intéressent à un accord conclu entre cet oligarque, qui a un patrimoine estimé à plus de 16 milliards de dollars par le classement Forbes 2020, et l’administration fiscale française en 2019. Souleïman Kerimov figure sur la liste des personnes sous sanctions de l’Union européenne dont les avoirs doivent être gelés depuis le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022.

« Un enjeu estimé à plus de 38 millions d’euros »

L’objectif de cette opération menée par la justice française est de « permettre de comprendre le dispositif fiscal » ayant concerné des villas de luxe sur la Côte d’Azur, « pour un enjeu estimé à plus de 38 millions d’euros », a précisé le ministère public. Ces villas étaient « déclarées sous des prête-noms afin de dissimuler le véritable propriétaire de nationalité russe ». L’affaire est instruite à la Juridiction nationale chargée des affaires de criminalité organisée (Junalco). Le juge d’instruction Serge Tournaire conduit la procédure au tribunal judiciaire de Paris depuis l’été 2023.

Selon Nikita Sichov, l’avocat de ce milliardaire originaire du Daguestan, la négociation fiscale avec l’administration française reposait notamment sur une « restructuration » qui a consisté à faire racheter les villas du cap d’Antibes par des sociétés détenues par Gulnara Kerimova, la fille de Souleïman Kerimov, « qui règle depuis lors une somme annuelle supérieure à 4 millions » d’impôts sur la fortune immobilière.

Ses avocats avaient fait annuler sa mise en examen

L’affaire avait débuté lors d’une banale planque de la brigade des stupéfiants, en 2014 à Nice. Des mouvements suspects d’argent liquide sont repérés, et les enquêteurs remontent la piste jusqu’à l’oligarque russe. L’achat en 2008 de la villa « Hier » à Antibes pour 35 millions d’euros est particulièrement mis en cause, puisqu’il s’agit d’un montant sous-déclaré comparé au prix de 127 millions réellement payé, selon les enquêteurs. De nombreux acteurs locaux sont alors mis en examen : notaire, agent immobilier, avocat, administrateur… Ils le sont, pour certains, toujours aujourd’hui.

En novembre 2017, le milliardaire est arrêté à sa descente de jet à Nice. Cet épisode est vivement critiqué par Moscou. De son côté, le parquet estime alors que le montant d’argent clandestin entré en France se situe entre 500 millions et 750 millions d’euros. Mais ses avocats parviennent à faire annuler sa mise en examen et obtiennent en 2019 un accord avec le fisc dont, selon l’un des conseils de l’oligarque cité par Le Monde, « les montants payés sont de 59 104 940 euros », et « qui imposait en outre à l’acquéreur de restructurer le mode de détention des propriétés afin d’être imposable à l’impôt sur la fortune immobilière » avant un second accord en 2020 qui lui octroie un délai supplémentaire. En août 2022, le parquet de Nice confirme avoir reçu, en juin de la même année, un signalement Tracfin, le service de renseignement financier le concernant, susceptible de relancer des investigations.

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