REPORTAGE. "Des atrocités ont été commises au nom des forces de sécurité" : en Syrie, les minorités ethniques et religieuses craignent pour leur avenir
En Syrie, les autorités annoncent la fin des combats dans la région du nord-est. La quasi-totalité des 1 068 civils tués, majoritairement issus de la minorité alaouite, ont été victimes d'exécutions sommaires menées par les forces de sécurité ou des groupes alliés, selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Une semaine, la plus sanglante depuis la chute de Bachar al-Assad, qui fait craindre pour la stabilité de la Syrie et inquiète les autres minorités qui composent le pays.
À Soueïda, l'incertitude règne en maître-mot. Les massacres d’Alaouites de ces derniers jours ont alerté les citoyens de cette ville druze du sud du pays. "Il y a une véritable peur, assure le docteur Omar Obeid. Nous ne voulons plus des crimes de l’ancien régime. Des atrocités ont été commises au nom des forces de sécurité. Que je sois Druze, Alaouite ou autre, je ne veux pas être tué simplement parce que je ne partage pas la religion majoritaire", poursuit-il.
"Nous voulons une Syrie sans sectarisme"
Le médecin ne peut s'empêcher de s'interroger : "S'ils ne parviennent pas à protéger les civils, comment garder confiance ?". Malgré cette crainte, certains croient encore en la transition démocratique promise par les nouvelles autorités. C'est le cas de Nawaf, un combattant rebelle.
Investi le 8 décembre dernier dans les combats qui ont permis de libérer la Syrie de Bachar al-Assad, il explique : "Aujourd’hui, je ne veux pas d’un État druze, ni d’un État chiite ou alaouite. Nous sommes Syriens, et nous voulons une Syrie sans sectarisme. L’arme que je porte avec moi, je l’ai achetée avec mon propre argent. Si la sécurité revient, et si le sectarisme disparaît, je serai le premier à la rendre", assure-t-il.
Pourtant, plusieurs organisations, parfois proches de l’ancien régime, jurent de ne pas vouloir déposer les armes. Un risque réel de violences, alors que des négociations ont lieu depuis plusieurs semaines avec toutes les composantes de la Syrie pour obtenir un État unifié et concentrer les armes dans les mains de l’armée.
Le nouveau gouvernement attendu au tournant
Activiste de la révolution syrienne, Firas Kontar est de retour à Soueïda, après 14 ans d'exil. Il réfléchit déjà aux conséquences que pourraient avoir ces exactions sur sa ville. "Ça a été très vite instrumentalisé par des courants autonomistes. L'espoir, aujourd'hui,est de voir demain le nouveau gouvernement réellement plus ouvert et la création d'une commission d'enquête. Ce sera un test très important", estime-t-il.
Si on joue encore une fois la carte 'On oublie tout', ça ne va pas marcher, ça ne va pas rassurer les minorités, ni les autres.
Firas Kontar, activiste de la révolution syrienneà franceinfo
Au-delà des Alaouites, des Druzes ou des Kurdes, le reste des Syriens nourrit depuis la chute de Bachar al-Assad l’espoir d’un pays enfin pacifié et démocratique. Lundi 10 mars, le président par intérim Ahmed al-Charaa a signé un accord historique pour intégrer les institutions autonomes kurdes à l’État Syrien. Un pas de plus vers une unité nationale, où tout reste encore à construire.