Frédéric Joignot, Prix Littéraire 30 Millions d’Amis 2024

Dans la suite des prix littéraires décernés depuis le début de la rentrée littéraire, c’est au «Goncourt des Animaux» d’annoncer son lauréat. Une semaine après la proclamation des prix Goncourt et Renaudot, un autre jury, très VIP, s’est rassemblé comme il le fait depuis 1982 : au premier étage du restaurant Drouant, lieu emblématique de la capitale, où est annoncé chaque année le prestigieux prix Goncourt. Le Prix Littéraire 30 Millions d’Amis a en effet tous les attributs de ce dernier : un jury qui rassemble la fine fleur de la société des lettres, un lieu historique et un salon commun, du même nom que le prix, où les discussions vont bon train autour d’un déjeuner pour choisir l’auteur qui remportera le prix parmi huit ouvrages sélectionnés. Il récompense un roman et un essai de qualité littéraire où l’animal est à l’honneur, qu’il soit ou non le personnage principal de l’œuvre. 

Un roman d’une «grande tenue littéraire»

Il est 14h20 quand les portes du salon s’ouvrent enfin. Sur la table trônent les restes du déjeuner. Les membres du jury - tous amoureux de la cause animale et parmi lesquels on trouve l’ancien président de l’Académie Goncourt, Didier Decoin, l’académicien Frédéric Vitoux, la présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis Reha Hutin, les romanciers Irène Frain et Didier van Cauwelaert - se réunissent derrière l’éditrice Teresa Cremisi pour la proclamation du lauréat 2024 du prix littéraire dans la catégorie «roman» : il s’agit de Frédéric Joignot, ancien journaliste de Libération, Actuel et Le Monde et cofondateur du Monde Magazine, pour son roman autobiographique Zoographie (Éditions Maurice Nadeau).

 Dans la catégorie «essai», c’est Françoise Malby-Anthony qui a été récompensée pour son livre La sagesse des éléphants (Albin Michel). Cette dernière est la fondatrice, en 1998 avec son mari aujourd’hui décédé, d’une réserve en Afrique du Sud qui accueille non seulement des éléphants mais aussi d’autres espèces emblématiques du continent, comme les girafes ou les rhinocéros. Ils succèdent à Cédric Sapin-Defour pour son livre Son odeur après la pluie (Stock) et Tom Mustill pour son essai Comment parler baleine (Albin Michel).

Le roman du journaliste a été élu dès le premier tour du scrutin, par quatre voix, contre une en faveur de celui de Claudie Hunzinger, Il neige sur le pianiste (Grasset). Il manquait les voix de l’écrivain suisse Joël Dicker et du romancier et philosophe Frédéric Lenoir qui n’étaient pas présents. Habituelle figure de ce «Goncourt des animaux», l’écrivain et essayiste Michel Houellebecq a également brillé par son absence : soupçonnant les médias de venir pour sa personne, il a préféré se retirer du jury. À peine le nom du lauréat est-il prononcé que les visages se tournent vers la porte pour accueillir le journaliste venu recevoir son prix sous les applaudissement, dans une salle chauffée. «Souvent, on a quelques indulgences pour les gens qui aiment les animaux, vous avez monté le niveau, votre roman est d’une très grande tenue littéraire», lui lance Teresa Cremisi.

Un prix qui redonne sa place à l’animal

«C’est celui qui nous semblait le plus achevé, le plus original, nous confie ensuite l’éditrice. Il s’agit de courts récits l’un après l’autre qui tracent une espèce d’autoportrait de l’auteur puisqu’il raconte ses rapports avec des poules, des chiens, des chats. C’est très bien écrit.» Au premier abord pourtant, ce n’est pas le livre qui a attiré l’œil acéré des membres du jury. Sa couverture simple et blanche et le titre ne leur évoquaient pas grand-chose. «On était tous autour de Premières Plumes de Charlie Gilmore (best-seller en Angleterre, ndlr) mais vous voyez il y a des surprises, expose Reha Hutin. On discute beaucoup des livres, tout le monde les a lus avec passion, c’est comme ça que Zoographie a finalement été choisie au premier tour.» 

De son côté, Irène Frain parle d’un livre qui les «a tous séduits». «On a tous eu un sentiment profond dans l’empathie avec lui, même si nous ne sommes pas construits de la même façon à travers tel ou tel animal. Sa langue est si belle, sa construction si convaincante et sa sincérité totale que je pense que beaucoup de lecteurs pourront s’identifier», s’enthousiasme-t-elle. «C’est vrai que la qualité littéraire a été la plus-value de cette année», renchérit Didier van Cauwelaert. 

Le lauréat a remercié chaleureusement les membres du jury. «Ce prix redonne la place à ce genre d’écrits qui traitent la question animale, qui a toujours été présente, lui accordant une vraie importance et je trouve ça formidable», s’est-il réjoui. «C’est quelque chose qui est en train d’évoluer dans la société et il était temps parce que si on prend l’histoire de la littérature et l’histoire des animaux, c’est une histoire qui a des siècles, il suffit de regarder les grandes mythologies qui leur accordaient une vraie place comme dans la mythologie égyptienne avec les chats, mais aussi dans les contes et légendes. La présence de l’animal dans la littérature est vraiment historique.» 

En ce qui concerne le prix essai remis à Françoise Malby-Anthony, Didier van Cauwelaert a volontiers expliqué le choix du jury. «Pour bien parler des animaux, il faut parler simple, juste et profond. Il y a la profondeur de la réflexion, la précision sur les thèmes pour nous faire partager à la fois l’attachement et le mystère : défendre les animaux, c’est aussi respecter leur mystère, c’est essayer de les comprendre le mieux possible et ne pas vouloir les résumer à une connaissance qu’on a d’eux ou à un usage qu’on en fait.» Il s’est réjoui du choix du livre qui parle des éléphants, un animal qu’il admire. «L’éléphant a un tel besoin de compréhension, en ce sens il est assez proche du chien lorsqu’il choisit les humains, mais une fois qu’il a choisi, il faut que ce rapport aille loin, cela peut créer des échanges - télépathiques - qui sont d’une force incroyable», a-t-il ajouté. 

La Fondation 30 Millions d’Amis a attribué à Frédéric Joignot un chèque d’une valeur de 3000 euros et à Françoise Malby-Anthony, un chèque de 1000 euros, qu’ils devront reverser en intégralité à une association de protection animale de leur choix.

 

Zoographie de Frédéric Joignot. Éditions Maurice Nadeau