REPORTAGE. "Si je prends cette course maintenant, je perds de l'argent" : à Marseille, un collectif de VTC appelle à la grève pour dénoncer leurs conditions de travail

Les chauffeurs VTC sont appelés à manifester, mardi 10 juin, dans plusieurs villes de France, avec des opérations escargot notamment prévues à Nantes et à Bordeaux. Ces conducteurs, qui passent par des applications comme Uber ou Bolt pour transporter des passagers, demandent une meilleure rémunération et de meilleures conditions de travail. Ils dénoncent également une hausse des commissions prises sur leurs courses par les plateformes.

À Marseille, la manifestation a été interdite par la préfecture de police. Mais l'Union chauffeurs VTC marseillais va déposer un nouveau préavis dans les prochains jours, car, selon ce collectif, il est devenu impossible de gagner sa vie avec les plateformes. Même en passant des heures dans sa voiture, en enchaînant les courses, c'est très compliqué. "11,67 euros, montre le chauffeur. Je fais 10 km pour aller récupérer [le client], et la course fait 8,2 km. Ça fait pratiquement 20 km pour 11,67 euros."

Ce chauffeur VTC, qui ne souhaite pas donner son nom, se fait appeler Hedi. Il exerce depuis une dizaine d'années et utilise Uber de temps en temps. "Si je prends cette course maintenant, je perds de l'argent, déplore-t-il. À l’époque, ils prenaient en charge la distance qui séparait le chauffeur du client, mais ce n'est plus le cas maintenant. Une autre chose qu'ils ne prennent plus en charge, ce sont les heures de pointe. Au lieu de faire dix minutes estimées sur l'application, on va passer une demi-heure ou trois quarts d'heure dans les embouteillages, la course va être payée pareil."

Un appel à geler le nombre de chauffeurs

C'est pour ça qu'Hedi choisit ses courses, mais certains n'ont pas le choix d'accepter. Benali Houari, président de l'Union chauffeurs VTC marseillais, continue de travailler dix heures par jour, sept jours sur sept pour Uber. "Si je fais 100 euros par jour, ça fait 700 euros la semaine. Sur cette somme, si vous enlevez l'Urssaf, la TVA, la location et la recharge de la voiture, il me reste 100 euros. Non merci." Il dénonce les commissions très hautes que la plateforme prélève sur ses courses : entre 35% et 40% en moyenne.

"Prendre jusqu'à 45% de commission, c'est du vol, du racket. À un moment donné, il faut dire stop."

Benali Houari, président de l'Union chauffeurs VTC marseillais

à franceinfo

Benali Houari estime qu'il y a 2 000 à 3 000 chauffeurs VTC à Marseille, un chiffre qui peut monter jusqu'à 6 000 pendant l'été. Il demande une régulation. "Ce qu'il faut faire, c'est de geler [le nombre de chauffeurs] dans l'immédiat, et voir tous les ans combien de chauffeurs ont arrêté le métier. Tant qu'il n'y a pas de départs, il ne faut pas en rajouter."

Le départ, Benali Houari y pense de plus en plus. "Il est fort possible que j'arrête ce métier d'ici à quelques mois. J'ai fait un mauvais choix, j'aurais dû prendre des licences taxi en crédit, en huit ans c'est déjà payé et là, je serais propriétaire des licences. Alors que là, après huit ans d'activité, je vais claquer la porte, une main devant, une main derrière, et bye bye." Pour éviter d'en arriver là, un collectif de chauffeurs VTC marseillais est en train de plancher sur une nouvelle application qui leur permettrait de mieux gagner leur vie.