Après les sans-papiers, Bruno Retailleau s’attelle à la répression des gens du voyage avec une nouvelle circulaire
En 2013, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir ordonné l’expulsion « sous astreinte » des gens du voyage sédentarisés. Les personnes avaient alors l’ordre d’évacuer caravanes et véhicules et d’enlever toutes constructions des terrains. Un évènement constitutif d’une violation de leur droit au respect de la vie privée et familiale et de leur domicile, tranchait la juridiction.
Plus de dix ans plus tard, une nouvelle étape est franchie dans la stigmatisation et la répression des personnes de la communauté des gens du voyage. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a adressé, lundi 7 juillet au soir, une circulaire aux préfets pour « prévenir les occupations illicites » de terrain par des membres de la communauté des gens du voyage, notamment en nommant un médiateur départemental.
Depuis 2000, la loi prévoit, dans chaque département, l’élaboration d’un schéma d’accueil des gens du voyage. Les communes de plus de 5 000 habitants en font obligatoirement partie. Mais selon un recensement établi en 2022 par le juriste et chercheur William Acker, l’obligation n’est respectée « que dans 25 départements sur 95 ».
La possibilité de « recourir systématiquement aux procédures d’évacuations forcées »
La circulaire, signée par le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur François-Noël Buffet et par Bruno Retailleau, a été envoyée aux préfets pour anticiper les déplacements des groupes de gens du voyage pendant la période estivale. Ce document exhorte les préfets à « réaffirmer l’autorité de l’État » et à prendre des mesures pour « prévenir les occupations illicites ».
Parmi les mesures pour « prévenir et gérer les conflits », figure la nomination d’un « médiateur départemental », ou encore l’identification de terrains d’appoint pour compenser le manque ou la saturation des aires d’accueil. « L’expérience des années précédentes montre qu’une médiation bien lancée avant même le recours aux forces de sécurité aux évacuations forcées réussit », a souligné le préfet Philip Alloncle.
Mais en cas d’installation illicite, il est exigé de « faire preuve de fermeté ». « Ce qui est demandé aux préfets, c’est qu’ils puissent recourir systématiquement aux procédures d’évacuations forcées », lorsque le schéma local d’accueil est respecté, a indiqué le préfet.
Cette circulaire, annoncée en conférence de presse par François-Noël Buffet, s’inscrit dans le cadre de propositions formulées par un groupe de travail composé de parlementaires. Mis en place mi-mars, il avait pour objectif de « trouver les moyens de lutter contre les installations illicites des gens du voyage, très nombreuses », a résumé son président, le préfet Philip Alloncle, et « de pouvoir optimiser l’offre d’accueil » pour ces populations itinérantes, la « renforcer ».
« Un manque d’aires d’accueil et des problèmes de salubrité »
Quatre axes de travail ont alors été identifiés : renforcer l’efficacité des sanctions, notamment judiciaires, renforcer les pouvoirs des préfets, « en matière d’évacuation de terrains occupés de façon illicite », « responsabiliser » les occupants des aires d’accueil, enfin inciter les collectivités à mieux respecter leurs obligations. Au total, 22 propositions vont être avancées par ces 16 parlementaires, dont une partie figurera dans une proposition de loi à venir.
Un mois plus tôt, une proposition de loi pour « réformer l’accueil des gens du voyage » avait été enregistrée à l’Assemblée nationale. L’incrimination de l’installation illicite en réunion sur un terrain communal ou privé avait été qualifiée comme pouvant « porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux des voyageurs », selon un avis de la Défenseure des Droits du 21 mars 2025. L’autorité indépendante avait également rappelé le contexte de « manque d’aires d’accueil et de problème de salubrité » d’un certain nombre d’aires d’accueil.
En effet, au début du mois de juillet, Marie Toussaint, députée Écologistes au parlement européen, dénonçait dans nos colonnes l’hospitalisation d’un nourrisson du fait de ces conditions de vie. Sa famille vit près de l’aire d’accueil d’Hellemmes-Ronchin, dans la métropole lilloise, un environnement saturé de polluants. La députée dénonce également que lorsque les familles ont décidé, il y a peu, « de quitter cette aire devenue invivable pour trouver un peu de répit sur un autre terrain, elles ont été expulsées dans les 24 heures par la préfecture, sans solution de relogement ».
La circulaire ordonnée par Bruno Retailleau s’inscrit dans une continuité répressive : au début du mois de juin, il avait orchestré une chasse aux sans-papiers au début du mois de juin après le durcissement de la circulaire Valls sur la régularisation et de celle sur l’accès à la naturalisation.
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