Retraites : reculer l'âge de départ creuse les inégalités
Un nouveau rapport de la Cour des comptes souligne que le régime de retraites est inégalitaire et pointe de nombreuses disparités. La première d'entre elles concerne les différences entre les catégories socio-professionnelles. On voit ainsi, que le recul de l’âge légal de départ favorise le maintien en emploi des seniors avec de grandes disparités : preuve en est, ce qui s’est passé après le recul de 60 à 62 ans à la suite de la réforme de 2020.
Les ouvriers n'ont "bénéficié" de cet allongement du temps de travail qu'à 66%, contre 85% pour les professions intermédiaires ou les cadres. "Bénéficié", car les ouvriers ont été plus souvent exclus du marché du travail, sans qu’ils ne le veuillent, en étant soit au chômage, soit en invalidité. Ainsi, près de six ouvriers sur dix qui ont entre 55 et 61 ans, ne sont ni en emploi, ni en retraite pour des raisons de santé ou handicap, contre moins de trois sur dix pour les cadres. Cette situation a évidemment des effets sur le niveau de pension. De fait, un recul de l’âge pénalise plus les ouvriers que les cadres.
Inégalité hommes-femmes et injustice entre les générations
Il en est de même entre les hommes et les femmes. Les femmes sont les grandes perdantes du système, et ce à plusieurs titres. Déjà, elles ont des pensions en moyenne 38% inférieures aux hommes, parce qu’elles sont moins payées que les hommes, ont des carrières plus souvent hachées à cause des maternités. De plus, quand il y a un recul de l’âge légal de départ, elles sont encore doublement pénalisées. La Cour note qu’après 55 ans, elles sont moins en emploi, non pas à cause de problème de santé ou d’invalidité, mais parce qu’elles ont, relève la Cour, "un rôle pivot dans la société". Autrement dit, elles sont plus souvent susceptibles de gérer la perte d'autonomie d'un parent âgé, tout en étant également sollicitées pour les enfants et petits enfants. Le rapport note ainsi une surreprésentation de l'activité partielle pour les femmes de plus de 55 ans. Ce qui, là encore, n’est pas sans conséquences sur le niveau des pensions qu’elle touchent in fine.
La cour pose également le risque d’injustice entre les générations. Dans un contexte où la population vieillit, la natalité baisse, et le déficit se creuse, la Cour des comptes note l'intérêt de mieux piloter le système global. Sans se prononcer sur la règle à suivre, les magistrats de la rue Cambon démontrent qu'augmenter les cotisations sociales pour financer le régime des retraites pénaliserait encore les actifs et aurait donc un impact négatif sur l’emploi et notre compétitivité. En revanche, ils notent que l’indexation des retraites, aujourd'hui fixée sur le niveau de l'inflation, n’est pas optimale. Selon eux, "une indexation sur les salaires plutôt que sur les prix, favoriserait une meilleure équité intergénérationnelle". Des conclusions qui ne manqueront pas de nourrir les débats du conclave sur les retraites, où siègent en ce moment, syndicats et patronat.