Face au conflit en Ukraine, quel pacifisme à gauche ? (1/2)

Le réarmement participe de l’escalade guerrière. Nous devons agir en faveur du droit international et contre la prolifération nucléaire.

Jean-Paul Lecoq

Député PCF de Seine-Maritime

La guerre en Ukraine est une guerre coloniale menée par la Russie. Et comme toutes les guerres coloniales, c’est dans le respect du droit international et la justice que se trouve une issue durable. La seule sécurité qui vaille ne s’obtient que par la paix, le désarmement et le droit international. Et c’est par l’aide publique au développement et les accords de coopération que l’on peut la préserver.

Nous, députés communistes et ultramarins, estimons que vouloir « réarmer » la France alors même que le budget des armées est déjà l’un des principaux postes budgétaires du pays, en augmentation de 50 milliards d’euros cette année, participe à l’escalade guerrière. Nous devrions au contraire aider à l’apaisement. Emmanuel Macron brandit l’arme nucléaire française comme un moyen de dissuasion pour l’Europe tout entière. Avec une telle logique, il va falloir en produire de ces armes de destruction massive au regard de l’arsenal dont disposent certains pays ! C’est un puits sans fond. Ainsi, nous prônons un désarmement nucléaire global et multilatéral, et incitons la France à prendre part au traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian), au moins en tant que membre observateur.

La promotion et le respect du droit international doivent être de rigueur en toutes circonstances, notamment lorsqu’on est, comme la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce siège apporte le privilège de droit de veto et doit donc s’accompagner d’un devoir d’exemplarité. En application de ce principe, le « deux poids deux mesures » dans nos relations internationales doit cesser.

La France perd toute crédibilité sur la scène internationale en appliquant un droit international à géométrie variable en fonction des peuples, des territoires ou des dirigeants. Ainsi, le président de la République a reconnu la marocanité du Sahara occidental, balayant d’un revers de manche le droit reconnu des Sahraouis à un référendum d’autodétermination. Notre pays appelle encore au respect du mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Vladimir Poutine mais promet… une immunité à l’égard de Benyamin Netanyahou !

Mais la lutte pour la paix, c’est d’abord la lutte contre la souffrance sociale. La paix, ce n’est pas que l’absence de guerre. La paix, c’est la sécurité globale : sécurité éducative, alimentaire, sanitaire, sociale, environnementale. Quand les inégalités se réduisent, la sécurité – et donc la paix – augmente. Les politiques visant à diviser la population, en creusant les écarts de richesse ou en cultivant la haine sur des critères physiques ou religieux, nuisent à toute société. Pendant que certains s’essaient à un cessez-le-feu contre avantages commerciaux et que d’autres ne voient que par le surarmement, nous demandons la tenue d’une conférence internationale pour construire les conditions des futures coopérations et de la sécurité en Europe et au-delà, du Havre à Vladivostok.

Il n’y a jamais de guerre juste, mais aujourd’hui face à la menace réelle des impérialistes néofascistes, l’inaction peut être coupable.

Cyrielle Chatelain

Députée de l’Isère, présidente du groupe Écologistes

Mars 2003, guerre en Irak. J’ai 15 ans et je crois profondément aux paroles de Prévert « quelle connerie la guerre ! ». Alors que plus d’un million d’Ukrainiens et de Russes ont été tués ou blessés au combat, des enfants enlevés, des femmes violées, que Gaza est devenu un cimetière, que les hôpitaux et les écoles sont détruits, les sols dévastés, les centrales nucléaires ciblées. J’en reste persuadée : « Quelle connerie la guerre ! » Pourtant, je défends l’aide militaire à l’Ukraine et son renforcement. Est-ce un abandon de mes convictions pacifistes ?

Il n’y a jamais de guerre juste, mais l’inaction peut être coupable. J’ai relu l’Armée nouvelle, de Jaurès (1910), pour chercher des réponses à cette interrogation qui me taraude et il garde son actualité quand il rappelle le droit à se défendre contre « une agression injuste, meurtrière ou d’intolérable prétention ». Il n’y a jamais de guerre juste. Réduire le pacifisme au refus d’intervenir dans tout conflit, c’est accepter l’inaction, voire la complicité, quand le fort piétine le faible ; c’est considérer qu’un peuple doit renoncer à son droit à veiller à son intégrité et à sa liberté. En quoi regarder l’Ukraine disparaître par la force serait moralement acceptable ? La menace est réelle.

L’expansionnisme russe et américain, leur dédain pour la démocratie, les idées progressistes et humanistes sont autant de menaces pour notre République et ses valeurs. Pour autant, le réarmement de manière isolée des États européens n’est pas la solution. Seuls, nous sommes faibles, il est impératif de coopérer et de mutualiser. Et, s’il faut une base industrielle et militaire de défense européenne pour garantir notre indépendance, aucun profit privé ne devrait être réalisé. Notre enjeu, c’est l’indépendance, pas l’enrichissement des actionnaires de la guerre.

Nous avons besoin d’une politique de sécurité collective. La réponse à la menace ne peut être uniquement militaire, bien au contraire. Poutine et Trump soutiennent les extrêmes droites européennes, les financent, diffusent massivement de fausses informations. Protéger notre école, agir contre la concentration des médias, avoir une politique offensive de réduction des inégalités est un devoir républicain, c’est aussi devenu un impératif pour contrer l’internationale néofasciste.

Poutine et Trump bâtissent leur pouvoir sur le déni climatique et l’accaparement des ressources. Trois ans après le début de la guerre, la France et l’Europe achètent toujours du gaz russe, finançant la guerre et affaiblissant ses propres sanctions. La dépendance énergétique devient un risque d’asservissement politique. Sans sortie des fossiles, il ne peut y avoir de véritable défense nationale.

Alors oui, la guerre est une connerie, mais abandonner l’Ukraine serait une faute morale, un renoncement face aux impérialismes néofascistes. Et au final, nous aurions l’asservissement et la guerre.

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