Édito. Survols de drones : résister aux manœuvres de Moscou sans se laisser entraîner dans une spirale dangereuse

Au Danemark, en Estonie ou en Pologne, les vols de drones imputés à la Russie se multiplient dans le ciel européen, et la France n’entend pas rester sans réagir. Sang-froid et vigilance : c’est le mot d’ordre en vigueur à l’Élysée et c’est celui que portera Emmanuel Macron lors du sommet européen qui s’ouvre, mercredi 1er octobre, à Copenhague. Sang-froid, car la France ne veut pas surévaluer la menace ni se laisser entraîner dans une spirale dangereuse. Dans le monde simpliste de Donald Trump, il suffirait que l’Otan abatte les avions russes qui se hasardent dans le ciel européen… C’est ce que le président américain a lancé il y a quelques jours. Le monde réel est un peu plus complexe, les enjeux plus lourds — on parle de puissances nucléaires — et Emmanuel Macron se veut plus prudent, tout en restant vigilant.

Le chef de l’État prend ces manœuvres au sérieux. Il avait même alerté dès le 5 mars, lors d’une allocution solennelle, contre cette menace russe multiforme qui s’efforçait de manipuler les élections, notamment en Roumanie ou en Moldavie, et les opinions occidentales en diffusant des salves de fake news sur les réseaux sociaux. Le chef d’état-major des armées, le général Vincent Burkhard, avait renchéri en juillet en affirmant que la Russie avait "identifié la France comme son principal adversaire en Europe."

Troubler les populations

Pour l’état-major, Moscou multiplie les provocations pour tester l’organisation, les capacités de défense et de réaction de l’Europe et de l’Otan. Il s’agit de semer le désordre, par des ingérences aériennes, des cyberattaques ou même des opérations assez grossières, comme le récent dépôt de têtes de porc devant des mosquées de la région parisienne — une provocation qui vient de provoquer une série d’arrestations de ressortissants serbes mandatés par Moscou. Vladimir Poutine veut inquiéter les opinions publiques occidentales, les convaincre de la vulnérabilité de leur pays et de la faiblesse de leurs dirigeants. Avec l’espoir d’inciter ainsi les Européens à lâcher peu à peu les Ukrainiens.

Toute la difficulté tient à la nature même de nos démocraties : des sociétés ouvertes, transparentes, avec des dirigeants qui doivent rendre des comptes à leurs électeurs. C’est ce qui fait la grandeur, et parfois la faiblesse, de nos démocraties face à un régime autocratique comme la Russie, où Vladimir Poutine peut user de tous les moyens ou envoyer des dizaines de milliers de soldats russes à la mort en Ukraine sans se soucier de son opinion publique. Emmanuel Macron et ses alliés européens veulent donc continuer d’alerter sur l’ampleur de la menace et sur la nécessité de mobiliser toujours plus de moyens pour s’en prémunir. Une pédagogie que facilite aussi, paradoxalement, chaque incursion russe dans le ciel européen.