80 ans après, le Japon piétine la mémoire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki en se réarmant comme si l’apocalypse nucléaire n’avait jamais eu lieu
Hiroshima, Tokyo (Japon), envoyé spécial.
Le ciel est gris, pesant, comme s’il n’avait pas craché tous ses flocons ce matin de mars. Le centre de Hiroshima est encore trempé, presque gelé, et les bonnets et doudounes progressent jusqu’au mémorial, entre deux bras de la rivière Ota.
Il est difficile d’imaginer que l’un des plus grands drames de l’histoire contemporaine s’est joué dans cette ville quasiment reconstruite. Le 6 août 1945, à 8 heures 15 du matin, la bombe atomique « Little Boy » est larguée par un avion états-unien sur le pont d’Aioi, dans l’hypercentre de Hiroshima.
À Hiroshima, un passé nucléaire toujours très présent
En quelques secondes, 70 000 personnes meurent, 70 000 autres les suivront du fait des radiations. La moitié de la ville. Trois jours plus tard, c’est « Fat Man » qui tue 80 000 personnes à Nagasaki. Aujourd’hui, il ne reste à Hiroshima que le dôme de Genbaku, dont le squelette de pierre et de fer a résisté malgré sa proximité avec l’hypocentre de la bombe.
À l’intérieur du mémorial, un musée où personne ne chuchote rappelle l’horreur. La dévastation qui rendit fous les hibakusha (« survivants ») ; la « pluie noire et gluante », radioactive, que « les gens buvaient parce qu’ils avaient soif » ; les corps repêchés à l’aide de longs crochets à incendie ; la...