« Complément d’enquête » revient sur les 211 milliards d’euros de cadeaux fiscaux faits aux multinationales
Partir des salariés sacrifiés sur l’autel du profit pour parler des cadeaux généreusement octroyés par l’État aux multinationales sans contrepartie : c’est le parti pris affirmé et engagé des trois journalistes qui ont officié sur ce Complément d’enquête, Manon Bachelot, Valeria Ghiri et Vincent Gobert.
Le trio épingle en particulier les entreprises Michelin et Capgemini, bénéficiaires de ces aides, et qui ont, pour l’une, licencié et expédié à l’étranger des machines payées par le contribuable, et, pour l’autre, fraudé de manière hallucinante avec le CIR, le crédit d’impôt recherche.
Les journalistes sont aussi allés demander des comptes à François Hollande, qui a mis en place le Cice, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, lorsqu’il était président de la République ; et, tout au long, donnent la parole à Fabien Gay, sénateur de Seine-Saint-Denis et rapporteur de la commission d’enquête qui a révélé, en juillet dernier, que plus de 211 milliards de cadeaux fiscaux avaient été donnés aux multinationales, soit « plus que le budget de l’éducation nationale et de la santé », explique celui qui est aussi directeur de l’Humanité.
Olivier Rietmann, sénateur LR de la Haute-Saône et président de cette commission, intervient également pour dénoncer le fait que Bercy n’est pas capable de fournir les éléments montrant « qui touche quoi et pour quel montant », alors que « ceux qui versent, c’est quand même bien l’administration, l’État, les collectivités ».
L’exemple de Michelin : 149 millions d’aides publiques pour 600 emplois supprimés
Le reportage démarre à Cholet, auprès de Richard David et de son épouse Gaëlle, tous deux salariés de Michelin. Ils ont appris l’an dernier par la télévision, sur France 3, de la bouche de Fabien Roussel, que leur usine, soit 600 emplois, allait fermer ses portes. Or, Michelin a reçu 149 millions d’euros d’aides publiques en 2024 et a dégagé 1,9 milliard de bénéfices la même année : ce n’est pas une entreprise malade.
De la même façon, le Cice a servi dans cette usine à financer des machines, qui, pour la plupart d’entre elles, n’ont jamais servi et ont été envoyées en Italie, en Espagne et en Pologne. Or, le Cice était censé financer l’emploi, pas le matériel, et encore moins pour l’envoyer ailleurs. Florent Menegaux, le PDG de Michelin, l’a admis devant la commission d’enquête sénatoriale. On attend que la multinationale rembourse l’État français…
François Hollande dans le déni s’emporte
Sur le Cice, et c’est assez rare pour être noté, Manon Bachelot confronte aussi l’ancien président de la République, François Hollande : 100 milliards d’euros pour 100 000 emplois, cela donne un ratio assez faible. Hollande s’emporte, menace de repartir, défend son dispositif bec et ongles, tout en assumant ne pas avoir de comptes à rendre à la représentation nationale : un vrai festival.
Pour décrypter le CIR, les trois acolytes sont allés dans une PME de 50 personnes, qui bénéficie de ce crédit d’impôt, et est très étroitement surveillée. Puis ils sont allés rencontrer, en caméra cachée, du personnel de Capgemini, une énorme société informatique, qui s’en servirait pour payer des salariés, qui n’ont rien de chercheurs, entre deux missions…
L’enquête, édifiante, se termine par des paroles de Fabien Gay sur la nécessité de changer la loi. À voir les effets concrets de ces abus sur la vie des simples citoyens, il est vraiment temps.
Complément d’enquête. Multinationales : les (vraies) assistées de la République ? France 2, 18 septembre, 23 heures
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